Ce n’est plus un secret, l’économie d’aujourd’hui fait face à un défi majeur: la pénurie de talents. De fait, nous sommes sur le point de plonger dans un abîme d’inadéquation des compétences qui pourrait atteindre 85 millions de personnes dans le monde d’ici 20301. Nous avons d’ailleurs retenu d’une conversation il y a quelques jours avec Francis Gosselin, Ph. D. économie: «On a plus de talents disponibles maintenant qu’on n’en aura jamais au Canada pour les 20 prochaines années.» L’impact? Des pertes de revenus potentielles atteignant jusqu’à 8,5 billions de dollars à l’échelle mondiale. Des chiffres qui donnent le vertige.

C’est dans ce contexte que de nombreuses entreprises se sont engagées dans une véritable course à l’attractivité en mettant en place la marque employeur. Mais ne pourrions-nous pas aller encore plus loin dans cette quête de talents? Si l’objectif ultime est de construire une économie dynamique, résiliente et capable d’innover, n’aurions-nous pas intérêt à élargir notre regard? Chaque entreprise, peu importe son prestige, son histoire ou ses résultats financiers, n’est qu’une petite partie d’un ensemble plus vaste. Son industrie. Et si nous mettions autant d’énergie à promouvoir cette industrie, à en faire ressortir ses spécificités, sa richesse, ses ambitions, que nous en mettons à construire la marque employeur d’une organisation? Ne serait-il pas un moyen encore plus stratégique de relever le défi de la pénurie de talents?

Des grappes industrielles aux industries valorisées
Il ne faut pas nier les efforts déjà entrepris pour répondre aux défis communs aux entreprises. Des initiatives de regroupements comme l’Association des collèges et des universités francophones au Canada (ACUFC) pour la valorisation des métiers de la petite enfance, le Conseil du patronat du Québec (CPQ) pour la valorisation des métiers de la construction ou l’Association des agences de communication créative (A2C) pour la valorisation des métiers de la communication ont vu le jour et jouent un rôle non négligeable dans le partage d’enjeux et de solutions. Les associations et grappes industrielles se sont multipliées, tissant des réseaux de solidarité et d’innovation au sein des différents secteurs de l’économie.

L’industrie comme pièce du puzzle
Chaque entreprise, peu importe sa taille ou son statut, est un segment d’un gigantesque puzzle — une industrie. L’image qu’on obtient lorsque toutes les pièces sont assemblées crée un tableau global, une représentation de l’économie mondiale dans toute sa complexité et son interconnectivité. C’est un puzzle en constante évolution, alimenté par les innovations, la créativité et la diversité des talents, qui permet à chaque industrie de développer sa propre identité et de prospérer2.

L’humain au cœur de l’industrie
Jetons un nouveau regard sur notre puzzle. Voyons l’industrie comme un tout, qui vit et respire grâce à son capital humain. Les structures et les organisations sont importantes, mais ce sont les individus, leur talent et leur créativité qui font véritablement progresser une industrie. C’est une vision qui place l’humain au cœur de l’industrie. Le sociologue américain Edgar Schein, notamment considéré comme «le père» de la culture organisationnelle, a entre autres écrit sur le sujet indiquant que l’alignement de l’ambition humaine et industrielle mettant en exergue non seulement la valeur de chaque entreprise, mais aussi la valeur intrinsèque de l’industrie dans son ensemble était essentiel pour créer une synergie puissante et durable qui favorise la prospérité et le développement continu3. Autrement dit et sans rendre la chose simpliste, le capital humain d’une industrie est essentiellement la source de sa pérennité, de son innovation et de sa croissance.

Vers une valorisation des industries
Il est grand temps d’accorder à nos industries la reconnaissance qu’elles méritent. Cela implique de leur conférer une véritable identité de marque, avec des valeurs, une mission et une vision claires, tout comme nous le faisons pour nos marques employeurs organisationnelles.

Que ce soit dans l’aéronautique, l’ingénierie, l’informatique, l’éducation, la santé ou tout autre secteur, chaque industrie a une valeur unique à offrir. En faisant rayonner cette valeur au-delà des entreprises individuelles, nous pouvons attirer des talents qui sont en phase avec ces valeurs et cette mission, conduisant à une main-d’œuvre plus engagée et plus productive4.

Repenser l’avenir des industries
L’approche de valorisation par industrie est certainement une avenue stratégique solide. En les faisant rayonner de la même manière que nous le faisons pour nos organisations, il est possible de façonner un environnement plus attrayant pour les talents, forger une main-d’œuvre plus engagée et, ultimement, garantir un avenir plus prospère pour nos industries et pour les individus qui les animent. Et c’est aussi une approche qui permet d’attirer et de retenir toute une génération de talents qui souhaite potentiellement se spécialiser. Bref, c’est une piste collective porteuse que les industries entre elles devraient envisager.

dada

1 - Korn Ferry, 2021
2 - OCDE, 2012
3 - Schein, E. (2004). Organizational culture and leadership (3rd ed.). San Francisco, CA: Jossey-Bass.
4 - Backhaus, Stone & Heiner, 2002