Pour tout ce qui touche la transformation profonde des médias, l’État des lieux est fort bien documenté aux États-Unis, contrairement à ce que nous observons au Canada. Néanmoins, les tendances observées chez nos voisins nous fournissent suffisamment d’indications pour poser un diagnostic de la situation canadienne, voire québécoise.

Depuis l’an 2000, les salles de nouvelles américaines ont réduit leurs effectifs de 30%, et l’on compte moins de professionnels de l’information aujourd’hui qu’en 1978!

Dans le secteur de la télévision locale, le Pew Research Center’s nous révèle que le sport, la météo et les bulletins de circulation représentent désormais en moyenne 40% du contenu local produit, tandis que la durée des reportages rétrécie comme un chandail de laine à la sécheuse. Par exemple, sur CNN, une chaîne qui a construit sa renommée sur l’abondance de nouvelles et de reportages fouillés, le nombre de reportages a fondu de moitié entre 2007 et 2012. Durant la même période, la quantité d’interviews, qui par définition, constituent des contenus peu dispendieux, s’est accrue de 31 %.

De plus en plus de médias, dont le célèbre Forbes, utilisent une nouvelle technologie de la compagnie Narrative Science, pour produire des contenus à l’aide d’un algorithme complexe sans aucune intervention humaine. Conséquemment, le lecteur lit des informations dénaturées, sans analyse et sans regard objectif.

Un sondage récent mené par le Pew nous révèle que le public constate désormais l’appauvrissement des contenus dans les médias. En effet, 31% de la population américaine a déserté les canaux traditionnels («news outlet») car ils considèrent que ces derniers ne livrent plus l’information comme ils avaient l’habitude de le faire. En fait, le tiers de la population reste sur sa faim, désertant ces médias, en quête d’une information riche, comme ils y étaient habitués. Cette tranche de la population utilise désormais les réseaux sociaux pour se fabriquer des «bulletins de nouvelles» à la hauteur de ses attentes. Ajoutez à cela la Génération Y, qui elle non plus ne fréquente pas les canaux traditionnels, nous obtenons une proportion qui approche la moitié de la population et qui n’est pas présente dans les canaux dits traditionnels. J’ose espérer que les hauts dirigeants s’affairent à regagner cet auditoire perdu, car la valeur commerciale de ce dernier est importante.

Le phénomène observé aux États-Unis s’applique aussi au Québec. Oeuvrant dans le domaine des médias depuis 1993, on me confie régulièrement que la concentration de la presse cause un appauvrissement des contenus. Et ce ne sont pas des spécialistes des communications qui me font ces confidences. Ce sont des retraités, des infirmières, des machinistes, monsieur madame tout le monde quoi.

Peut-on penser que les grands conglomérats ont sous-estimé la capacité du public à se faire une opinion en matière de qualité de l’information. La question est lancée. Chose certaine, plusieurs indicateurs me portent à croire que les médias accélèrent leur déclin. Aux États-Unis, les médias qui reviennent aux sources, avec des contenus enrichis et fouillés, s’en sortent désormais mieux que les autres.

Dans mon prochain billet, je traiterai des six principales tendances en matière d’information, une suite en quelque sorte de la chronique que vous venez de lire.