La société s’est bien longtemps basée sur la binarité homme/femme. Or, aujourd’hui, les normes hétérosexuelles et cisgenres sont questionnées et on souhaite être simplement soi-même et aimer qui on veut. Le progrès se fait (très) lentement, mais sûrement.

Qu’en est-il du milieu du travail dans tout ça? Certains domaines ou entreprises sont plus «ouverts» que d’autres. Pour ceux·celles qui ne savent pas trop par où commencer pour s’assurer d’être un·e allié·e, le bec a posé quelques questions à Mathé-Manuel Daigneault, formateur, animateur et conférencier sur la diversité sexuelle et de genre, les enjeux trans et la neuroinclusion, pour essayer démêler un peu ce sujet complexe, mais ô combien important!

C’est important de tous·tes commencer avec la même base. Peux-tu me donner la définition d’une personne trans?  
Mathé-Manuel:
Une personne trans est une personne dont l’identité de genre diffère du sexe assigné à la naissance. Toutes les personnes trans ne se reconnaissent pas dans le système binaire homme/femme. Une des meilleures façons de démêler tout ça selon moi restera toujours la licorne du genre !

[La licorne du genre est un site web interactif qui vous permet de mettre des mots sur votre identité de genre et votre orientation sexuelle. Vous avez aussi accès à de l’information pour en apprendre plus sur l’identité de genre.]

Comment aider à déconstruire les mythes et préjugés en tant qu’allié?
Mathé-Manuel: Déjà, avoir conscience de ces mythes, savoir qu’ils existent, c’est un excellent départ. En effet, c’est difficile d’arrêter quelque chose qu’on ne sait même pas que ça se produit. Les allié·es peuvent déconstruire ces idées préconçues dans les milieux où il·elles œuvrent d’une part en répandant la bonne information. En fait, les allié·es devraient être là pour amplifier la voix des personnes marginalisées, et non pas pour parler à leur place. Ainsi, s'instruire, prendre en charge sa propre éducation, en consommant des contenus créés par les personnes directement concernées qui plus est, est essentiel pour contrer la désinformation. De se montrer ouvert·e, prêt·e à apprendre, prêt·e à écouter ce que les personnes concernées ont à dire de leurs réalités.

En tant qu’entreprise, comment peut-on créer un climat inclusif et sécuritaire pour une personne trans ou pour quelqu’un qui serait en questionnement de son identité?
Mathé-Manuel: La création d’un climat inclusif commence avant même qu’une personne annonce être trans. Parmi les différentes actions concrètes qui peuvent être mises en place, on note:

  • Adopter une politique d’écriture inclusive transversale à tous les départements, tant pour les communications internes qu’externes, tant écrites qu’orales;
  • Permettre facilement l’utilisation d’un prénom usuel différent du prénom légal dans les différents environnements web, dans les formulaires, les horaires, etc.;
  • Ajouter des champs pour demander les pronoms et accords à utiliser dans les formulaires, les modèles de signature de courriel, etc.;
  • Prévoir des toilettes et vestiaires nongenrés;
  • Dégenrer les codes vestimentaires (ex.: ne pas parler de «la jupe pour les femmes» quand on peut très bien parler uniquement de la jupe);
  • Mentionner explicitement dans les codes de conduites, règlements et politiques de préventions du harcèlement la tolérance zéro pour les propos transphobes et la discrimination basée sur l’identité ou l’expression de genre... et effectivement les appliquer;
  • Faire appel aux personnes directement concernées, c’est-à-dire aux personnes trans et non-binaires elles-mêmes, afin de valider les initiatives en place et d’entendre leurs points de vue;
  • Reconnaître le caractère cisnormatif de l’environnement et de la société — c’est-à-dire la tendance à considérer tout le monde comme étant cisgenre jusqu’à preuve du contraire et à ne jamais considérer les réalités trans sans y être absolument obligé·e;
  • S’assurer que les assurances collectives et PAE soient adaptés aux réalités des personnes trans.

Le plus important, c’est de garder en tête que chaque personne trans vit une expérience unique. Il n’y a donc pas de recette magique et le mieux est de discuter des besoins spécifiques de chaque individu pour s’adapter.

Le sujet des pronoms revient souvent quand on parle de la communauté 2SLGBTQ+. Pourquoi est-ce un sujet qui fait tant réagir d’après toi? Quels sont tes conseils pour s’ajuster plus facilement?
Mathé-Manuel: Plusieurs personnes réagissent fortement à la question des pronoms parce qu’elles ont peur de se tromper. En français, les marques de genre sont beaucoup plus présentes qu’en anglais, par exemple. Dans les pronoms de la 3e personne qu’on va utiliser — il ou elle — mais également dans les accords des adjectifs et des attributs du sujet. En dehors du masculin et du féminin arrive «iel», qui se veut une alternative neutre qui s’utilise de la même façon que «il» ou «elle».

Pour s’aider à intégrer les pronoms et accords neutres plus facilement, il n’y a pas des millions de solutions: il faut se pratiquer. Une bonne chose à faire est de respecter les pronoms d’une personne autant en son absence qu’en sa présence. On peut également s’entraîner avec une autre connaissance commune. On peut utiliser le mot «personne» pour simplifier les accords des adjectifs ou des titres: «Max est une personne débrouillarde» s’accorde de la même façon au masculin, au féminin ou au neutre. À l’oral, on peut privilégier les adjectifs et participes passés qui sonnent de la même façon au masculin et au féminin.

Il faut également demeurer indulgent·e avec nous-mêmes. Dès l’instant où on réalise une erreur ou qu’on nous la souligne, il faut s’excuser, se corriger, et continuer la conversation.

Quels genres de changements suivent dans une entreprise qui a eu un accompagnement avec toi?
Mathé-Manuel: Le premier contact est souvent via une formation théorique, qu'on parle d’une présentation plus générale sur les enjeux trans, ou encore d’une séance plus ciblée quant aux besoins spécifiques d’un milieu ou d’une profession. Il m’arrive au besoin de discuter plus en profondeur avec les ressources humaines, par exemple, ou les gestionnaires, afin de passer en revue les différents processus en place au sein de l’organisation, par exemple les formulaires à compléter à l’embauche et les guides d’employé·es, afin de m’assurer que chaque document est inclusif. Je peux également les aider à établir un protocole pour favoriser les chances qu’une transition en milieu de travail ou que l’arrivée d’une personne trans au sein de leur équipe se déroule le plus possible sans anicroches. Il y a notamment des enjeux de confidentialité à discuter, des questions de sécurité parfois, des aspects plus administratifs et des inquiétudes liées au climat de travail. Je mise avant tout sur le transfert de connaissances, puis sur un accompagnement personnalisé.

Dans tes mots, quelle est ta définition du bien-être?
Mathé-Manuel: Le bien-être, globalement, c’est d’être en mesure de se sentir calme, reposé·e, en sécurité, dans des conditions qui nous permettent de nous épanouir. En contexte de travail, c’est lorsque tu peux te consacrer à tes tâches ou à tes fonctions parce que tes besoins de base sont comblés et que tu te sens suffisamment soutenu·e pour le faire. Le bien-être, c’est un mince équilibre entre le trop et le pas assez.

Question bonus: pour ou contre les «gender reveal»?
Mathé-Manuel: Honnêtement, je n’ai jamais compris l’intérêt des gender reveal. Parce qu’au fond, lors de ces événements, on vient souligner les organes génitaux d’un enfant qui n’est pas encore né·e ! D’autant plus que dans ce genre d’événements, on vient ensuite renforcer pleins de stéréotypes de genre hétérocisnormatifs.

En soi, il n’y a rien de mal à préférer le rose ou le bleu. Là où ça devient un problème, c’est quand tout ce qu’on offre à notre enfant avec pénis, ce sont des camions, des outils et des articles de sport, et c’est pire encore si on lui interdit de jouer avec les poupées ou la dinette de sa sœur! Un jouet, ça n’a pas de genre. Un vêtement non plus. Une couleur non plus. Une activité non plus. Il faut remettre en question nos propres biais, nos propres stéréotypes de genre.

Pour avoir plus d’information sur les services de Mathé-Manuel, consultez ses plateformes: Instagram, Facebook et LinkedIn.

Pour être accompagné·e selon vos réalités, la ligne d’assistance du bec est là pour vous, 24/7 : 1-888-355-5548. Vous pouvez aussi consulter notre centre d’apprentissage DEI pour trouver des ressources qui pourraient répondre à vos questions.

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