Il y a plusieurs techniques utilisées en thérapie pour aider des gens à régler ou passer par-dessus des problèmes ou encore améliorer leur bien-être. La pleine conscience en est une qui est de plus en plus populaire. L’hypnose en est une autre qui est encore mise en doute par certaines personnes, mais qui gagne à être considérée.

Le bec s’est entretenu avec le psychologue Robert Philippe pour démystifier cette pratique. Un plongeon fascinant dans l’inconscient et dans le laisser-aller par l’hypnose.

Si on devait expliquer l’hypnose à quelqu’un qui n’en a jamais entendu parler, comment l’expliqueriez-vous?
Robert:
L’hypnose c’est un état de conscience. C’est une façon d’être dissocié·e, d’être en transe. La transe hypnotique c’est la même chose que lorsqu’on marche sans penser à nos jambes. C’est la même chose que de faire un trajet en auto pour s’apercevoir après une certaine distance que nous ne portions pas vraiment attention à la route, parce que trop occupé·es par nos pensées. Pourtant, nous sommes resté·es en deçà des lignes de la route et nous avons même fait des dépassements sans vraiment y porter attention. Notre esprit était ailleurs. L’hypnose c’est l’art d’être ailleurs tout en restant fonctionnel·le ici et maintenant. C’est bien la preuve qu’une bonne partie de notre cerveau, que certain·es nomment l’inconscient, est capable de prendre en charge une multitude d’activités et de fonctions sans trop qu’on y pense. Or, même si vous êtes capable de contrôler votre respiration, vous n’avez pas cessé de respirer pendant que vous lisiez ce texte. Votre «inconscient» est capable de s’en occuper aisément. Dans un état hypnotique, nous nous retrouvons dans un état de conscience altéré parce que nous serions dans deux lieux différents au même moment alors que nous aurions conscience seulement de l’un des deux à la fois. Nous serions dissocié·es et être dissocié·e c’est être en transe hypnotique.  

Comment se déroule une session d’hypnose?
Robert:
La personne est invitée à fermer les yeux au moment qui lui conviendra, car fermer les yeux c’est aussi accéder à un monde un peu différent. Un monde un peu plus intérieur, un peu plus près de nos sensations, un peu plus près de nos pensées, de nos sensations internes et aussi de nos émotions. Aller vers l’intérieur c’est un peu se dissocier de l’extérieur et par la même occasion altérer notre manière de penser et de ressentir.

Avec des suggestions, il s’agit surtout d’inviter ou amener le·la client·e dans un lieu qui lui convient, qui le·la rassure ou même qui lui amène une certaine sérénité. Pendant que le·la client·e est occupé·e à se concentrer dans cet état de conscience, l’intervenant·e lui parle aussi d’autres choses. Ces autres choses sont essentiellement des stratégies et des manières de faire pour résoudre une difficulté. L’intervenant·e aborde ces «choses» sur un mode métaphorique, ce que l’inconscient saisit amplement bien étant donné que sa lucidité est imperméable au conscient. C’est pourquoi à la suite d’une séance d’hypnose le·la client·e ne se souvient pas vraiment de son contenu. Toutefois, son inconscient a bien saisi, bien compris, bien intégré et bien résolu ce qui faisait problème avant cette expérience. 

Quels sont les principaux bienfaits de l’hypnose et pour quelles raisons devrait-on considérer ce type de thérapie spécifiquement?
Robert:
L’hypnose n’est pas une thérapie. C’est une technique. C’est une méthode pour travailler avec quelqu’un·e dans le cadre d’une démarche thérapeutique et cette démarche implique l’idée d’une rencontre significative (encounter) entre deux personnes dans le but de régler certaines difficultés. Il faut surtout avoir l’impression de se retrouver devant la bonne personne avec la certitude qu’il y aura une transformation…

On parle souvent de l’hypnose comme une pratique «alternative». Comment expliquer que celle-ci ne soit pas reconnue comme un soin dit conventionnel?
Robert:
L’être humain n’aime pas ne pas être en contrôle. Quand il est question de laisser notre inconscient prendre sa place, une place qu’il occupe déjà très bien et très largement malgré ce que l’on peut en penser, il est difficile d’accepter ou de croire qu’en ne faisant rien pour régler un problème que ce dernier trouvera son chemin de résolution. Si ce qui précède est vrai, on pourrait penser que nous perdons tou·tes beaucoup de temps à croire qu’intervenir, agir, penser et expliquer pourrait faire la différence dans nos existences. Nous pourrions ainsi avoir l’impression d’avoir le contrôle, d’être en contrôle de ce qui se passe ou ne se passe pas. Ça, c’est conventionnel. Laisser aller, ce l’est moins.

Je rajoute ici une petite note pour ceux·celles qui craindraient de perdre le contrôle. Quand le·la client·e se retrouve dans une sorte d’état altéré de conscience, c’est-à-dire en transe, il·elle peut à tout moment en sortir et revenir présent à la rencontre. Le·la client·e a toujours le contrôle de ce qui est abordé durant une séance. 

On voit parfois dans les films un personnage dont sa trajectoire de vie change à cause d’une prise de conscience ou une découverte importante grâce à une séance d’hypnose. En quoi ces histoires sont-elles près ou loin de la réalité?
Robert:
Les conclusions auxquelles on arrive de l’autre côté d’une séance d’hypnose ne sont pas nécessairement à propos de ce qui faisait problème. C’est plutôt la réalisation de l’absence du problème et des bienfaits qu’il s’en suit. Se souvenir d’un problème c’est d’une certaine manière, continuer à s’attacher à ce problème et si ce dernier a disparu alors la conscience se porte ailleurs. L’attachement à un problème, c’est rester ici avec le problème. C’est l’antithèse même du mouvement, l’antithèse d’aller de l’avant, l’antithèse d’être ici et maintenant.

On ne peut pas concevoir ou comprendre quelque chose qui n’est pas déjà là dans notre esprit/conscience. Il faut que l’idée, le mot, le concept existe déjà en nous pour le reconnaître. RE-CO-NAÎTRE… naître encore une fois avec… Et, à partir du moment où on reconnait un problème, on est aussi en train de le remettre au monde pour ensuite se dire qu’on ne le veut plus. Or, si un·e client·e se retrouve de l’autre côté d’une séance d’hypnose réussie, il·elle ne fera pas référence à ce qui était un problème. Le faire serait de ramener ce problème à sa conscience. Aussi, le·la client·e reste plutôt surpris·e par ce qui n’est plus là sans trop pouvoir se l’expliquer. Ça, c’est le signe d’une démarche réussie d’autant plus que le·la client·e se présente à lui·elle-même comme à nous sous une forme différente. Il y a une amnésie pas très loin derrière lui·elle et sa conscience. Il y a eu transformation, un mot d’origine latine faisant référence à «métamorphose».

Dans vos mots, quelle est votre définition du bien-être?
Robert:
Il y aurait beaucoup à dire sur l’idée du bien-être et beaucoup de mots seraient nécessaires pour en suggérer sa nature. Je vous dirai simplement que je suis assis devant mon clavier à répondre à votre question avec la sensation que je suis là où je dois être à ce moment-ci de mon existence. En paix avec le passé, confiant à propos du futur, il ne reste que le moment présent pour constater que le partage avec les autres crée nécessairement de «l’humanitude».

Maintenant, si vous voulez faire l’expérience d’une transe hypnotique, relisez lentement le texte à voix haute…

Pour contacter le psychologue Robert Philippe, vous pouvez consulter son profil sur le site web de l’Ordre des psychologues du Québec.


Pour être accompagné·e selon vos réalités, la ligne d’assistance du bec est là pour vous, 24/7 : 1-888-355-5548.

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