Beaucoup de discussions actuelles avec des entrepreneur·es portent avec raison sur la pénurie de main-d’œuvre. Je ne compte plus les fois (je devrais peut-être) où j’ai entendu, «mais il·elles sont rendu·es où les travailleur·euses?» Toutes ces personnes qui ne sont plus sur le marché du travail, elles sont où? Les postes vacants au Canada ont atteint des niveaux record et les taux de chômage se situent à des niveaux historiquement bas. Il y a bien entendu quelques éléments pour répondre à cette question: l’augmentation des départs en invalidité dus à une santé mentale criante, le nombre croissant de travailleur·euses autonomes, le changement de modèle chez certains ménages pour ralentir et profiter davantage de la vie, les facteurs démographiques et l’immigration, la désertion et le désengagement des jeunes.

Nous avons décidé de ne traiter ici que de la situation des jeunes. Pourquoi se concentrer sur les jeunes? Parce qu’il·elles sont le futur de notre société et parce que leur refus du modèle qu’on leur propose a des impacts économiques visibles, tangibles et croissants sur notre économie.

Le contexte de la jeunesse
La situation n’ira pas en s’améliorant, on le sait, nous aurons une décennie de pénurie de main-d’œuvre devant. En plus d’une population vieillissante, on projette également une décroissance de la proportion de la population active sur le marché du travail, passant de 65,2 % à 63,4 % d’ici 2031. Il y aura donc non seulement plus de sorties que d’entrées de travailleur·euses, mais également un facteur d’inactivité croissant. D’où vient cette désertion? Elle existe à travers les générations, mais ce qui est préoccupant, c’est qu’elle est bien réelle chez les jeunes.

On pouvait lire il y a quelques jours dans les quotidiens que pour la deuxième année consécutive, le nombre d’élèves inscrits au cégep à l’automne est en deçà des prévisions ministérielles; de fait, le nombre d’inscriptions s’élève à 173 392 collégien·nes, soit une baisse de 1,1% par rapport à l’automne 2021. Mais s’il y a moins de jeunes sur les bancs d’école, il·elles devraient donc, si on suit la logique, travailler. Oui et non. Une importante population chez les jeunes est inactive.

On constate une jeunesse de plus en plus inactive. À l’heure actuelle, 200 800 Québécois·es de 17-34 ans ne sont ni à l’emploi, ni à l’école, ni en formation (NEEF).

Ce chiffre s’élève à 998 000 Canadien·nes de 15-24 ans au chômage. Cette statistique peu banale démontre que les jeunes sont activement désengagé·es face au milieu du travail. Et pourtant, ce ne sont pas tou·tes les jeunes qui sont inactif·ves, bien au contraire. Plusieurs travaillent, mais d’importants courants de désengagement se manifestent. 30% des 18-34 ans songent à quitter leur emploi actuel. Des milliers le font même sur Tiktok. Allez voir le #quitmyjob ou #quittingmyjob. Mais la plus invisible et la plus nocive de toutes les vagues est celle que j’ai surnommée les «kangourous». Ces travailleur·euses de moins de 30 ans qui cumulent les emplois de moins de 6 mois, sautant d’une entreprise à une autre. Parfois par manque de motivation, parfois par quête de soi, parfois sans aviser.

Pourtant notre jeunesse, elle est fougueuse et vive, et elle est activement engagée à contribuer à un monde meilleur. Elle manifeste et prend la parole pour des politiques climatiques responsables, elle redéfinit les genres et les orientations sexuelles pour un monde plus inclusif, elle est la génération la plus diversifiée, issue du plus grand nombre de couples interraciaux, elle est éduquée, informée et a soif de transparence.

La dernière étude de Deloitte (Millennial Survey 2020 auprès de plus de 9 100 répondant·es venant de 13 pays) souligne une très grande attente des nouvelles générations vis-à-vis des entreprises en matière d’engagement sociétal.

En effet, seulement 29% des répondant·es à l’enquête réalisée en mai 2020 estiment que l’entreprise a un impact positif sur la société, un chiffre qui enregistre une chute conséquente de 10% par rapport à l’enquête initiale réalisée en décembre 2019.

Les citoyen·nes du monde ont largement perdu confiance en leurs gouvernements pour faire bouger les choses et c’est la société tout entière qui s’en remet aux entreprises pour qu’elles agissent.

On cherche d’ailleurs encore et toujours les solutions instantanées et les résultats à court terme, d’où l’intérêt de certain·es pour la marque employeur. Mais ce que la jeunesse cherche vraiment, c’est du changement systémique, structurant, de la réflexion de fond.

Le rôle de l’entreprise
Au-delà de la volonté des jeunes de repenser les convictions et le sens du travail, il y a aussi de la place pour que les entreprises réfléchissent au rôle qu’elles souhaitent jouer dans la transformation du modèle proposé. À l’impact véritable qu’elles souhaitent avoir. Pour les jeunes, mais aussi pour les travailleur·euses qui ont besoin de connecter, de trouver du sens dans leur implication, dans leur quotidien, dans le rôle qu’ils et elles jouent.

La réflexion passera assurément par le dialogue, et le pouvoir que les entreprises ont, c’est celui de commencer chez elles. D’entamer le dialogue avec leurs employé·es, de remettre en question leur gouvernance, leur modèle d’affaires. De bien identifier leur raison d’être, leur ambition profonde et d’entamer des planifications stratégiques qui vont bien au-delà de 3 ans. Parce que le changement, le vrai, celui qui porte fruit, celui qui assurera l’avenir, il prend du temps. Et il doit se faire avec la force du collectif et dans la collaboration.

Vous avez besoin d’aide pour réfléchir à un modèle inspirant et connecté Communiquez avec nous.

dada