Y’a pas juste le métro-boulot-dodo. Il y a l’anniversaire de notre oncle auquel participer, les haies de cèdres à tailler, les pitous à laver, la doudou à réparer, le dentiste à ne pas oublier… En une seule journée, on change souvent plus d’une fois de chapeau. Notre personne passe d’être la confidente à la dirigeante, de la jardinière et l’administratrice comptable des dépenses du mois.

Entre les exigences à la job et les responsabilités à la maison, c’est pas toujours évident de maintenir un bon équilibre. Comment avoir le temps pour accomplir tous les rôles de nos vies? C’est la question que plusieurs d’entre nous se posent au quotidien et à laquelle Yarledis Coneo se consacre depuis grand nombre d’années. La chargée de cours au département de management de la FSA ULaval cumule les expériences en matière de stratégies d’harmonisation travail-vie personnelle et de santé psychologique au travail. Elle est aussi responsable du Centre d’expertise Concilivi, une initiative du Réseau pour un Québec Famille, dont la mission est «de contaminer positivement les employeurs pour l’implantation de mesures de conciliation famille-travail adaptées à la nouvelle réalité du travail et aux besoins des employé·es.»

yarledis

Quelle est la principale différence entre la conciliation des rôles de vie (CRV) et la conciliation famille-travail (CFT)?
Yarledis:
La conciliation famille-travail (CFT) est la recherche d’équilibre entre les responsabilités familiales et professionnelles. Ici, la notion de famille est élargie et elle inclut les ami·es en relation de dépendance. De plus, une organisation qui offre des mesures de CFT peut élargir son offre de mesures à tout le personnel, peu importe leur situation familiale. Le concept de conciliation des rôles de vie (CRV) cherche à mettre en valeur l’être humain dans sa globalité, et ce, même lorsque le travail n’est pas présent. Pensons, par exemple, aux personnes aux études à temps plein, aux gens en congé parental, aux personnes à la retraite ou aux parents à la maison. L’intention derrière la notion de CRV est de sensibiliser les gens à prendre soin de l’être humain derrière l’employé·e, le·la gestionnaire, le parent… Le terme CRV s’adresse donc à tout le monde, même aux personnes qui n’ont pas un emploi rémunéré.

On le voit de plus en plus, les lieux de travail prennent des actions concrètes afin de soutenir leurs talents avec des initiatives telles que la semaine de 4 jours; les vendredis pm off l’été; les journées de santé mentale, etc. Selon toi, où se dresse la ligne entre la responsabilité de l’individu et celle de l’organisation en matière de conciliation?
Yarledis:
À mon avis, il est important d’insister sur la notion de responsabilité partagée, car malheureusement certain·es croient encore au mythe de «chaque personne doit s’organiser toute seule». C’est vrai qu’il revient à chaque employé·e d’être proactif·ves, car chacun·e d’entre nous est chef·fe d’orchestre de la mélodie de sa vie. En tant qu’individus, nous avons la responsabilité de trouver des solutions. Par exemple, s’informer sur les mesures disponibles dans son organisation, consulter la politique de conciliation famille-travail, s’informer sur les modalités d’accès, connaître et respecter ses limites, s’affirmer et apprendre à dire non, etc. Cependant, pour que les initiatives individuelles puissent fonctionner, on a besoin de collègues et des gestionnaires sensibilisé·es aux diverses réalités de la vie hors travail. Les organisations doivent créer un environnement propice pour que les gens soient à l’aise de parler de conciliation des rôles de vie et se sentent soutenus pour utiliser les mesures existantes. Même si les organisations implantent de belles mesures de CFT, elles n’auront un réel impact que si la culture de l’organisation les soutient. L’employeur est donc responsable de mettre en place des mesures qui répondent vraiment aux besoins des gens. 

Quels conseils donnerais-tu pour aider une organisation à consolider une culture favorable à la CFT?
Yarledis:

  1. La cohérence est le mot phare: on dit souvent «que les bottines doivent suivre les babines». Assurez-vous de respecter vos engagements en matière de CFT. Par exemple, si vous mettez en place une semaine de 4 jours, assurez-vous d’évaluer périodiquement la charge de travail; il ne s’agit pas d’effectuer le travail de 40 heures en 32 heures.
  2. Bâtissez vos initiatives autour des besoins des gens: il n’est pas question de faire du «copier-coller». Il est nécessaire de consulter vos équipes afin de comprendre la réalité de chacun·e. N’hésitez pas à faire de sondages structurés et, au besoin, allez plus loin en faisant des rencontres en petits groupes. Cela vous permettra de mettre en place des initiatives qui répondent vraiment aux diverses réalités de vos équipes.
  3. Répertoriez, formalisez et communiquez ce que vous offrez déjà: souvent, les mesures déjà en place répondent aux besoins du personnel, mais elles sont méconnues. Continuez de parler des mesures de conciliation travail-vie personnelle que vous offrez. Ne vous contentez pas de les consigner dans une politique, osez les diffuser par tous les moyens.
  4. Formez vos gestionnaires : vos leaders d’équipe sont le lien qui unit vos mesures de CFT et l’utilisation que les gens en font. Vos gestionnaires connaissent-ils leur rôle en matière de CFT? Sont-il·elles outillé·es pour favoriser la CFT avec des gestes concrets au quotidien? N’hésitez pas à leur proposer des activités de formation et des outils sur la gestion stratégique et quotidienne de la CFT. Des idées de formation très pertinentes ici.

Comment les dernières années ont-elles participé à l’application du terme «(sur)charge mentale» au contexte de la conciliation famille-travail?
Yarledis:
La charge mentale a été présente dans le contexte de la conciliation famille-travail depuis des décennies, surtout en ce qui concerne la planification des tâches ménagères et les soins aux enfants. Parler de ce «poids invisible sur nos épaules» n’est pas nouveau. Cependant, avec l’omniprésence de la technologie dans nos vies — surtout après la pandémie — on ajoute la notion de surcharge informationnelle à une charge mentale déjà élevée.

L’augmentation des rencontres virtuelles, la quantité des courriels, les nombreuses notifications sur plusieurs plateformes peuvent être énergivores. Selon nos données de sondage Concilivi, depuis le début de la pandémie, la moitié des parents et proches aidant·es (49%) ont remarqué être plus souvent trop fatigué·es pour participer à des activités familiales ou s’acquitter de leurs responsabilités lorsqu’il·elles terminent leur journée de travail.

Dans tes mots, quelle est ta définition de bien-être? 
Yarledis:
Pour moi le bien-être est un sentiment de satisfaction générale; se sentir bien dans son corps et dans son esprit, se sentir en harmonie.

Pour en savoir plus sur les projets et initiatives de Yarledis Coneo et Concilivi, visitez concilivi.com.

La famille et le travail sont des secteurs de soutien de la ligne d’assistance du bec. Pour être accompagné·e selon votre situation, suffit de composer le 1-888-355-5548.