Combinant 15 années d’expérience devant comme derrière la scène et la caméra, Pier-Luc Legault est le directeur général et artistique du Collectif INSIDE, un collectif de création conjuguant technologie, arts de la scène et impact social. Sa mission? Mettre au point des expériences immersives qui poussent à la réflexion et inspirent l’action. Depuis 2017, le Collectif s’affaire à engager les communautés par des événements à saveur spectaculaire. Plus récemment, prisonnière du contexte pandémique, l’équipe s’en inspire pour moduler les formats et s’aventure vers la production cinématographique. Riche de possibilités, le film Post mortem fait des petits et est adapté en minisérie interactive servant de formation autonome pour aborder maints enjeux de santé organisationnelle. Discussion avec l’artiste multidisciplinaire et entrepreneur social derrière le projet.

Qu’a motivé le Collectif INSIDE à se concentrer sur la santé psychologique au travail?
Pier-Luc:
C’est un enjeu qu’on retrouve dans tous les milieux actuellement. On dit que le burn-out est «le mal du siècle». C’est aussi l’esprit du Collectif: utiliser l’art comme catalyseur à la discussion pour solutionner collectivement des enjeux de société. Avec la santé psychologique au travail, on rassemble à la fois des artistes du théâtre et du cinéma, des psychologues, des conseiller·ères en ressources humaines, bref, plein de milieux différents! Jusqu’à maintenant, on a fait nos ateliers avec une banque, un syndicat, un ordre professionnel, une usine d’hélicoptères et des organismes de santé. 

Plus particulièrement, pour quelle raison avoir décidé de mettre l’accent sur le milieu des agences?
Pier-Luc:
J’aimais bien l’idée de regarder ce qui se cache dans l’ombre «des jobs les plus cools en ville». Dans l’esprit populaire, les agences incarnent l’esprit de «la job de rêve» de notre époque. C’est cool, c’est branché, c’est toujours à l’avant-garde. C’est du travail qui n’en a pas l’air. Le fameux adage work hard, party hard le résume bien. Ça m’a fasciné, cette vision, car on sait bien qu’en coulisse, rien n’est jamais parfait, que c’est parfois seulement cosmétique, de la poudre aux yeux! En m’y penchant, j’y ai découvert la place euphorisante qu’occupent la créativité et l’esprit de camaraderie, mais aussi la pression de performance dans le milieu, sa très grande compétitivité et la surcharge des équipes. Ce n’est pas parce qu’il y a une rampe de skateboard et des vacances illimitées pour tout le monde que c’est une job parfaite. Si tu n’as jamais l’occasion d’utiliser ni l’un ni l’autre, c’est pas mal inutile à mon sens.

Post-mortem

Comment est né le projet Post mortem?
Pier-Luc:
Quand je suis sorti de l’École de théâtre et que je me suis retrouvé sur le marché du travail à temps plein, je me voyais déjà aller. J’ai tendance à être très carriériste. J’aime beaucoup me réaliser au travail, mais je désire aussi une vie personnelle et familiale riche. Comment est-ce qu’on trouve l’équilibre entre les deux dans une société qui nous pousse toujours plus vers la performance, où il faut faire toujours plus avec moins, plus vite? C’était en 2017. J’ai eu cette vision de quelqu’un qui éclate en morceaux de vitre au bureau. Qui travaille jusqu’à en éclater. Littéralement. Ça m’a inspiré et Post mortem est né: cette agence de communication fictive où cet employé qui éclate, c’est Simon. J’ai créé 6 personnages différents pour représenter 6 réactions différentes à l’événement. Avec Anne-Hélène Prévost, on a écrit en 2019 ce qui, à la base, a été un spectacle de théâtre immersif, c’est-à-dire que le public pouvait suivre les personnages de son choix durant le spectacle. Ce qui m’a frappé le plus, c’est la réaction des gens en sortant. Je voyais dans leurs yeux que ça leur parlait, qu’ils se reconnaissaient dans cette satire de notre vie. C’est là que j’ai su qu’il fallait faire quelque chose pour aller plus loin. Quand la Covid a frappé, on s’est dit que c’était le bon moment pour en faire un film et s’associer avec des expert·es en santé du travail pour donner des ateliers de formation. 

Pourquoi avoir choisi la vidéo interactive comme ressource pour optimiser le bien-être à l’emploi?
Pier-Luc:
On est habitués à ce que les formations soient comme elles l’étaient à l’école, c’est-à-dire un·e formateur·trice qui parle pendant 3 heures pour nous dire ce qu’on devrait faire. C’est ennuyant pour les adultes, et à la limite parfois moralisateur. Qui se sent excité·e à l’idée d’assister à une formation sur le burn-out? Le défi est grand si, à la base, on ne suscite pas l’intérêt! Le film est là pour ça, pour stimuler le·la participant·e. Avec son format interactif, ça a deux avantages majeurs. Le premier, c’est que ça laisse le choix à chaque personne de voir ce qui l'interpelle. Le second: elle voit l’une des 63 combinaisons possibles de l’histoire, ce qui veut dire que chaque personne a une version différente et ça, ça stimule d’emblée la discussion, ça crée une dynamique de l’ordre de: «Qu’est-ce que tu as vu toi?»

L’engagement vers le changement, ça naît d’une émotion. Il faut atteindre les cœurs pour faire bouger les têtes. On parle tellement à nos cerveaux au quotidien, on commence à peine à faire un peu de place aux émotions. Avec le film interactif et la formation qui suit, on fait le pont entre le cœur et le cerveau. Avec une approche expérientielle, on nourrit à la fois les connaissances cognitives et l’intelligence émotionnelle. 

Quels conseils donnerais-tu à une organisation souhaitant susciter l’engagement du bien-être auprès de ses équipes?
Pier-Luc:
Tout d’abord, en parler avec les équipes! C’est une excellente nouvelle qu’une organisation souhaite s’engager dans le bien-être collectif, mais ça se matérialise comment pour vous? Quels sont les besoins de l’équipe? Une personne peut difficilement connaître la réponse. Je reviens à mon exemple de l’école. On a dépassé les modèles directifs, on sait que le collaboratif nous mène plus loin, est plus engageant et plus riche. La communication et le soutien social font partie des risques psychosociaux reconnus pour encourager le bien-être au travail. Chaque organisation sera différente. Il n’existe pas de formule universelle pour créer le bien-être, sinon, eh bien on l’aurait déjà tou·tes appliquée! C’est exactement ce qu’on fait avec notre atelier Post mortem. Le film ouvre la discussion et nos collaborateur·trices expert·es en santé du travail accompagnent la discussion vers une démarche personnalisée à toute taille d’entreprise. Tout ça dans le plaisir!

Post-mortem 2

Selon toi, et dans le cadre de vos démarches avec Post mortem, y a-t-il encore du chemin à faire en matière d’ouverture face aux conversations sur la santé mentale?
Pier-Luc:
Je crois qu’on est sur une très bonne voie pour outiller l’ensemble de la population à mieux comprendre les problèmes de santé mentale, ce qui les distingue, connaître et reconnaître les symptômes et comment les traiter. La difficulté, c’est l’aspect non concret des enjeux. La dépression, c’est pas aussi visible qu’une fracture du tibia. En même temps, ça peut l’être si on connaît les comportements qui y sont associés. Il reste encore des tabous dans différents milieux, mais la pandémie a beaucoup aidé à mettre cela de l’avant. L’envie d’en discuter est clairement plus présente, dans beaucoup d’entreprises. Je crois que c’est digne d’une société contemporaine et ça me donne beaucoup d’espoir.

Dans tes mots, quelle est ta définition de bien-être?
Pier-Luc:
Ma définition change probablement de jour en jour parce que ça évolue, et ça doit continuer d’évoluer à mon avis. Aujourd’hui, j’ai envie de dire que c’est l’amour, dans son sens large. Aimer ce qu’on fait, où on met son temps, les gens qui nous entourent, s’aimer soi-même dans nos bons coups et nos p’tits défauts. C’est aussi ce sentiment de liberté, d’air intérieur qui nous porte vers l’extérieur. J’aime bien l’image du funambule pour parler d’équilibre: pour avancer, il a une conscience large de son environnement, tout en se concentrant constamment, car s’il dit «ça y est, j’ai trouvé l’équilibre!», eh bien, il va tomber! Mais, avant tout, il fait ça par pur plaisir. La vie reste une sorte de jeu. 

Pour en savoir plus sur l’expertise de Pier-Luc Legault et le Collectif INSIDE dont son film Post Mortem, visitez collectifinside.com.

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