Dans ce premier épisode de Vecteur H, Serge Marquis, médecin et auteur, discute avec Emilie Pelletier, conseillère en ressources humaines agréée, de l’importance de rendre les milieux de travail plus sains. Ensemble, il et elle abordent les symptômes d’une organisation malade, ainsi que les moyens pour la soigner.

Dès le début de sa carrière en médecine du travail, au début des années 80, Serge Marquis a eu la chance d’avoir comme professeur un psychiatre bien visionnaire. Il mentionnait que l’origine des problèmes de beaucoup de ses patient·es provenaient de leur espace de travail. «Ces gens-là sont des symptômes d’une maladie de l’organisation», disait-il. Si on se fie à cette déclaration, on peut croire que si l’on soigne l’organisation, nous pourrions dire au revoir aux symptômes? Oui, mais comment?

Selon Serge, il faut d’abord savoir identifier les symptômes d’une maladie organisationnelle. Ceux-ci pourraient être catégorisés en 3 sphères:

  1. La sphère physique
    Les travailleur·euses vont souvent présenter des maux de dos, plus de rhumes et plus de fatigue. Il y en a même pour qui la pression artérielle aura augmenté. «Si on voit une augmentation, dans l’entreprise, de l’absentéisme pour des problèmes de santé physique, ça vient allumer un petit clignotant.» Ça devrait commencer à sonner la cloche.
  2. La sphère intellectuelle
    Ça englobe toute la question de la vigilance, de la capacité à se concentrer, de la mémoire et de l’attention. D’ailleurs, le manque d’attention c’est très important, ça peut engendrer des accidents de travail, entre autres. Parfois, on associe un accident de travail à l’attitude de quelqu’un ou à son manque de vigilance. «Mais c’est peut-être quelque chose dans l’ensemble de l’entreprise qui a créé l’augmentation de la tension psychique chez l’individu, et qui a créé le manque d’attention», souligne le médecin.
  3. La sphère émotivo-comportementale.
    «Ça, c’est les personnes qui vont commencer à être plus irritables, à ‘péter les plombs’, à faire des colères, alors qu’elles n’en faisaient pas avant.» En gros, ce sont des gens qui démontrent des changements de comportements graduels et qui font dire à leur entourage «on ne te reconnait plus, qu’est-ce qui se passe avec toi?»

Une fois ces symptômes identifiés, quelles seraient les pistes de solutions?
D’abord, il faut limiter les facteurs de risques, tels que la surcharge quantitative (trop de tâches à faire pour un temps donné) et qualitative (manque de formation, se sentir inadéquat), mais également la sous-charge (ne pas avoir l’impression qu’ils sont dans un espace de travail qui leur permette de développer leur potentiel).

Limiter l’ambiguïté des rôles est aussi très important. Clarifier les rôles et les tâches (que ce soit ceux des gestionnaires ou des employé·es) et oser demander les précisions nécessaires.

Ensuite, permettre aux employé·es de participer aux prises de décisions les concernant, leur montrer qu’on écoute leurs idées, mais aussi qu’on en tient compte, essentiellement, les écouter.

S’assurer que le·la dirigeant·e et/ou le·la gestionnaire soit alerte, «parce qu’il·elle le veuille ou non, il·elle va devenir un modèle», explique Serge, qui aime bien décrire la personne responsable comme un «symbole». Son comportement, ses actions et son attitude auront des impacts sur toutes les personnes dans l’organisation.

Le soutien social. Dans la capsule, Serge donne l’exemple d’une entreprise qui a demandé à ses employé·es d’identifier la personne à laquelle il·elles se confient au travail. Après avoir pris connaissance des personnes nommées, des formations pour les outiller dans ce rôle «d’aidant·es naturel·les» leur ont été offertes. Créer ce réseau de soutien est bien important; ça évite les rumeurs et le «chialage» dans les discussions de machine à café.

En somme, soyez des modèles, créez des espaces de parole, démontrez de la reconnaissance et offrez un espace propice au soutien social. Permettez à votre équipe de s’épanouir et de grandir avec vous!

La capsule expert
Cette courte capsule est présentée par Maître Katherine Poirier, CRHA et Avocate, associée, Conseillère en ressources humaines agréées chez BLG, qui nous explique quoi mettre en place pour bâtir une culture d’entreprise saine.

«En fait, d’avoir une entreprise saine, ça devrait être un objectif pour toutes les organisations, mais c’est pas seulement un objectif positif. C’est également une obligation légale», explique-t-elle. Il y a 4 axes d’obligations en vigueur: l’employeur doit adopter une politique en matière de harcèlement psychologique, il doit prévenir les risques psychosociaux, il doit prévenir la violence dans l’organisation et il doit également intervenir en cas de violence domestique chez les salariés. 

Pour en apprendre plus sur ces axes, vous pouvez consulter l’article Prise en charge de la santé, de la sécurité et du bien-être au travail.

Vous pouvez également trouver une fiche récapitulative de la capsule ici.