Lorsque nous pensons au futur des médias sociaux, nous avons souvent une vision pessimiste, presque dystopique. C’est probablement dû au fait qu’on se soucie de plus en plus des enjeux de vie privée et de l’engagement social et humanitaire des corporations derrière nos réseaux sociaux.   

En effet, autour du monde, on parle beaucoup des problématiques causées par les réseaux sociaux: la dépendance, la dépression, la protection (ou non) des données et les impacts environnementaux de notre consommation numérique. Mais si l’humain a une qualité, c’est bien sa capacité à se remettre en question. Grâce à la technologie, il nous est même possible de réfléchir ensemble avec des utilisateurs des quatre coins du globe, et d’ainsi avoir une vision plus globale des enjeux du numérique. C’est d’ailleurs ce que j’ai eu la chance de faire lors du DAVOS Communication Summit avec des experts de tous les continents, le 7 juin dernier. Je participais à un panel avec deux homologues de l’Espagne et de Singapour pour nous entretenir sur les réseaux sociaux du futur et nous souhaitions partager avec vous nos réflexions.

Les utilisateurs ont un besoin d’authenticité grandissant
Les tendances découlent souvent des besoins des utilisateurs. Par exemple, les utilisateurs d’Instagram se sont lassés des filtres et des contenus retouchés pour se tourner vers des contenus plus spontanés et sans filtre, comme de simples bribes du quotidien. En tant qu’experts en marketing, nous avons le réflexe de transformer un besoin en une occasion et de créer une tendance en création de contenu. Il n’en reste pas moins que la fatigue des internautes et, surtout de la génération Z, amplifie ce besoin d’authenticité. Nous croyons que ce besoin est là pour rester et dépassera le caractère éphémère de certaines tendances, et ce, à deux niveaux:

  1. L’authenticité de nos contenus en tant qu’utilisateur
    L’apparition de nouveaux réseaux sociaux comme BeReal témoigne d’une fatigue chez les utilisateurs. Qu’est-ce que BeReal? Le concept est simple: vous recevez une notification et vous prenez une photo de ce que vous êtes en train de faire, sans filtre. La photo est prise avec les deux caméras simultanément pour permettre de voir la personne et l’action. L’idée derrière BeReal est de partager avec ses amis son quotidien de manière plus authentique, et l’application fait fureur en Amérique du Nord et en Europe. Selon l’outil statique SimilarWeb, au Canada, en date du 10 juin 2022, BeReal était en tête de palmarès des réseaux sociaux ayant le plus progressé. On observe aussi plusieurs changements dans la manière dont on partage notre contenu. Par exemple, les photodumps qui rassemblent plusieurs photos dans un carrousel montrant des bribes banales du quotidien sans retouches. Et depuis plus longtemps, les stories qui nous permettent de partager des contenus de manière plus spontanée et éphémère.
     
  2. L’authenticité des plateformes sociales et du web
    Les plateformes sont aussi de plus en plus critiquées et contestées sur leur transparence quant à la protection des données, les conditions de travail dans ces entreprises ou leur consommation énergétique. Les plateformes actuelles et futures devront certainement rendre plus de comptes aux utilisateurs. À moins de changements majeurs, nous pouvons même imaginer que la confiance déjà ébranlée des utilisateurs poussera certains à se tourner vers des plateformes indépendantes et plus transparentes d’un point de vue éthique.

La technologie s’adaptera à notre humeur et non l’inverse
La pandémie et les récentes crises mondiales ont un impact sur notre santé mentale, c’est connu. Sur une étude de The Lancet, on peut lire qu’en 2020, les cas de dépression majeure et d’anxiété sévère ont augmenté de 28% et 26% respectivement. Selon une étude menée par Spotify, les utilisateurs sont à la recherche de contenus qui sont davantage alignés avec leur humeur et qui leur causent moins de stress. Par exemple, la plateforme remarque une tendance pour les contenus qui élèvent l’humeur ou pour la musique avec des rythmes plus lents. Les réseaux sociaux et leurs fonctionnalités seront certainement davantage adaptés à notre humeur et à ce que nous vivons collectivement.

En effet, on peut imaginer que les avancées en intelligence artificielle permettront aux algorithmes des médias sociaux de proposer des contenus en fonctions de différentes humeurs ou de différents contextes (ce qui est déjà le cas pour certaines applications d’ailleurs). La santé mentale et le bien-être s’annoncent également pour être de plus en plus omniprésents sur les plateformes. Nous observons déjà depuis des années une montée du slow content, des applications de méditation, des capsules de sensibilisation à la santé mentale et d’autres contenus qui visent à réconforter les gens.

C’est le temps de reprendre le contrôle des plateformes sociales pour qu’elles aient un impact positif sur notre vie!

Des enjeux de réputation à l’horizon
Avec les dernières crises ultramédiatisées, il sera de plus en plus difficile de gérer la réputation des marques et des organisations en ligne. Il sera d’autant plus ardu de trier le vrai du faux avec l’essor des fake news, des deep fake et du journalisme citoyen sur les réseaux sociaux.

Les utilisateurs espèrent donc plus de surveillance de la part des différentes plateformes pour retirer les contenus trompeurs ou non fiables. Par contre, ce travail représente l’embauche à grande échelle de plusieurs gestionnaires de communautés et/ou l’implantation d’une intelligence artificielle plus fiable pour effectuer cette surveillance. Les plateformes ont déjà commencé à ajouter des mentions sur les publications qui touchent différents sujets pour rappeler aux utilisateurs de vérifier leurs sources. Il y aura probablement davantage de surveillance, de sanctions et d'avertissements sur les articles dont les sources ne sont pas vérifiées. Espérons-le!

Bref, la technologie évolue si rapidement qu’il est difficile de prédire quels seront les réseaux sociaux du futur. Même la boule de cristal (ou l’IA la plus puissante) doit avoir du mal à s’imaginer ce que l’humain pourra inventer d’ici quelques années. Une chose est certaine, l’humain derrière la technologie saura se questionner pour trouver des solutions et s’adapter aux besoins de ses utilisateurs. Enfin, j’ose croire à un futur du numérique souhaitable, mais surtout, j’ose faire confiance à nos collègues d’ici et d’ailleurs pour innover pour le mieux!

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Rosanne Bourque est conseillère principale, communications numériques chez NATIONAL cabinet de relations publiques, membre de l’Alliance des cabinets de relations publiques du Québec.

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