Le 24 mai 2022, le gouvernement québécois a finalement adopté le projet de loi 96 intitulé Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français (la « Loi ») réformant la Charte de la langue française (la « Charte »), en ce qui a trait notamment à l’utilisation au Québec de marques de commerce dans une autre langue que le français dans l’affichage public, la publicité commerciale et sur des produits. 

Voici un résumé des principaux changements ainsi apportés à la Charte en la matière:

  • La marque de commerce dans une autre langue que le français sur un produit doit être enregistrée: Une marque de commerce apparaissant sur un produit (incluant son étiquette et l’emballage) peut être rédigée dans une autre langue que le français, à la condition que cette marque soit enregistrée auprès de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC) et qu’aucune version française correspondante ne soit enregistrée. De plus, si cette marque contient un générique ou un descriptif du produit dans une autre langue que le français, celui-ci doit figurer en français sur le produit ou sur les étiquettes, emballages ou contenant, de manière permanente [1].
  • La marque de commerce dans une autre langue que le français dans les publicités commerciales et les affiches publiques doit être enregistrée: Une marque de commerce figurant dans des publicités commerciales et affiches publiques (y compris par exemple les véhicules de livraisons, les uniformes d’employés, les sites web et les réseaux sociaux) pourra être rédigée uniquement dans une autre langue que le français, pourvu qu’elle soit enregistrée auprès de l’OPIC et qu’aucune version française n’ait été enregistrée. Dans le cas contraire, cette marque devra être traduite en français et être affichée de façon nettement prédominante [2].
  • Le français doit être nettement prédominant dans l’affichage public visible depuis l’extérieur: La marque de commerce enregistrée dans une langue autre que le français figurant sur l’affichage public visible depuis l’extérieur d’un local doit être accompagnée d’inscriptions en français devant apparaître de façon nettement prédominante (ce qui remplace l’ancien critère la «présence suffisante du français») [3]. Selon le règlement actuellement en vigueur [4], le critère de nette prédominance sera respecté si le texte rédigé en français a un impact visuel beaucoup plus important que celui rédigé dans une autre langue (en faisant abstraction de la marque de commerce), c’est-à-dire deux (2) fois plus grand. Il est toutefois prévu que le règlement soit amendé et prévoit de nouvelles balises quant à la nette prédominance en matière d’affichage public. 

L’application des modifications résumées ci-dessus n’entrera en vigueur que dans trois (3) ans [5], soit à partir du 24 mai 2025. Or, le délai d’enregistrement d’une marque de commerce étant actuellement minimalement de trois (3) ans, il est recommandé:

  • d’établir une liste des marques de commerce dans une autre langue que le français employées au Québec (ou qui le seront dans le futur)
  • de faire les recherches préalables nécessaires
  • de déposer rapidement une demande d’enregistrement visant ces marques qui ne sont pas encore enregistrées (pour les marques comprenant un générique ou un descriptif du produit dans une autre langue que le français, voir nos commentaires ci-dessus).

Cette approche vous permettra d’éviter les coûts reliés à l’ajout d’une traduction dans vos affiches publiques, publicités, étiquettes et emballages (sans parler des amendes en cas de non-conformité!). Notre équipe spécialisée en marques de commerce, ainsi qu’en publicité et marketing saura vous accompagner à travers le processus d’enregistrement de marques de commerce, et vous conseiller quant à l’impact de la Charte de la langue française et de ses modifications sur vos affaires au Québec ou celles de vos clients.

Qc

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* Merci à Alexandre Pagé pour son aide dans la rédaction de cet article.

[1] Article 42.1 de la Loi, ajoutant l’article 51.1 à la Charte.

[2] Article 47 de la Loi, ajoutant l’article 58.1 al. 1 à la Charte.

[3] Article 47 de la Loi, ajoutant l’article 58.1 al. 2 à la Charte. En vertu de l’article 113 de la Loi, l’OLQF aurait également des pouvoirs supplémentaires, lui permettant notamment de demander au tribunal d’ordonner le retrait ou la destruction d’affiches, annonces, panneaux-réclame et enseignes lumineuses contrevenant à la Charte.

[4] Règlement précisant la portée de l’expression « de façon nettement prédominante » pour l’application de la Charte de la langue française, RLRQ c. C-11, r. 11.

[5] Paragraphe 201(5) de la Loi.