Développer et entretenir une relation positive avec la nourriture et son corps n’est pas chose simple pour tout le monde. «C’est un processus d’observation et de changements graduels, c’est de la flexibilité, des essais-erreurs», explique Andrée-Ann Dufour Bouchard, nutritionniste de formation, détentrice d’une maîtrise en nutrition et cheffe de projet pour l’organisme ÉquiLibre. «Quand on mange avec bienveillance, on donne une place à tous les aliments, on reconnaît que manger répond à plusieurs besoins et on accepte que notre alimentation fluctue et ne soit pas parfaite.»

Le bec s’est entretenu avec elle à l’occasion de la 15e édition de la Journée internationale sans diète.

Parle-nous du thème de cette année.
Andrée-Ann:
Cette fois, ÉquiLibre souhaitait aborder le phénomène des diètes déguisées! Depuis quelques années, les diètes restrictives sont de plus en plus critiquées, notamment en ce qui a trait à leur efficacité et à leur sécurité. Afin de demeurer lucrative, l’industrie de l’amaigrissement a adapté sa stratégie de marketing et propose maintenant des méthodes soi-disant axées sur la bienveillance, le bien-être, la santé. Elles n’en demeurent pas moins des diètes, avec les risques qu’elles comportent, et les gens doivent apprendre à les démasquer afin d’éviter de tomber dans le piège!

Découvrez la capsule Sauriez-vous reconnaître une diète déguisée? dans laquelle les nutritionnistes Bernard Lavallée et Andrée-Ann Dufour Bouchard vous aident à reconnaître les diètes déguisées et à comprendre les impacts sur la santé et le bien-être.

 

Comment notre relation sociétaire envers la nourriture a-t-elle évoluée depuis la création initiale de la Journée internationale sans diète — il y a déjà 30 ans de cela! — en 1992?
Andrée-Ann:
Il y a 30 ans, les diètes restrictives étaient beaucoup plus à la mode et étaient beaucoup moins remises en question. Maintenant, la science démontre bien qu’elles sont généralement inefficaces à long terme et donc, que le poids perdu est repris après l’arrêt d’une diète. On sait que le problème n’est pas le manque de volonté des gens, c’est la méthode qui est inefficace. On sait aussi que les diètes peuvent laisser des séquelles significatives sur la relation que l’on entretient avec notre corps et la nourriture. Par exemple, elles nous habituent à suivre des règles externes (points, portions, calories, etc.) pour savoir quand manger et quand arrêter de manger au lieu de nous fier aux signaux de faim et de rassasiement du corps. Elles font aussi en sorte de nous faire sentir coupables de manger certains aliments plutôt que de nous procurer du plaisir. Heureusement, aujourd’hui, on dénonce de plus en plus ces conséquences néfastes.

Selon toi, pourquoi a-t-on encore besoin de souligner cette journée?
Andrée-Ann:
On a encore besoin de souligner cette journée pour 3 raisons :

1. Parce que les gens sont encore très préoccupés par leur poids. Selon un sondage réalisé par Léger* pour le compte de l’organisme ÉquiLibre, 65% des Québécois·es souhaitent maigrir, peu importe leur poids, et 37% affirment que la gestion du poids les obsède.

2. Parce que l’industrie de l’amaigrissement fait du profit en misant sur cette insatisfaction corporelle. Les stratégies marketing des diètes misent sur les insécurités des gens pour vendre leurs produits. Par ailleurs, comme les diètes restrictives ont été critiquées, l’industrie a adapté son message en proposant des approches soi-disant axées sur la santé, le bien-être, la bienveillance. Ceci contribue à semer encore plus de confusion dans la tête des gens et c’est pour cette raison qu’il faut continuer de dénoncer les stratégies utilisées par cette industrie lucrative pour faire en sorte que le moins de gens possible tombent dans le piège.

3. Parce que ça prend du temps et de la répétition pour faire changer des comportements. Les règles issues de la culture des diètes sont tellement ancrées dans les mentalités qu’on peut parfois en suivre sans même s’en rendre compte. Quand on réalise qu’on classe les aliments comme étant permis ou interdits ou qu’on ressent beaucoup de culpabilité quand on mange, c’est souvent parce qu’on suit des règles. Plus on va parler de l’impact des diètes, plus les gens vont prendre conscience des règles qu’ils suivent et c’est la première étape pour pouvoir s’en libérer! Ultimement, on aspire à ce que les gens se reconnectent aux signaux de faim et de rassasiement du corps et aient du plaisir à manger une variété d’aliments!

 *Léger pour le compte d’ÉquiLibre. (2021). Préoccupations envers le poids, l’alimentation et la pratique d’activité physique en temps de pandémie. Sondage réalisé du 12 au 23 août 2021 auprès de 1 817 Québécois·es âgé·es de 14 ans et plus.​

Vrai ou faux

La privation peut mener à l’excès en plus de générer de la frustration et de la culpabilité.
Andrée-Ann:
VRAI. Même si ça peut sembler contradictoire, se priver des aliments qu’on aime ne fait que les rendre plus attirants! Qui n’a jamais tenté de résister à l’envie de manger un biscuit au chocolat en essayant de distraire son envie avec une pomme, un yogourt faible en gras, pour finalement manger toute une rangée de biscuits en se sentant coupable et en se disant que c’est fini pour de bon les biscuits parce qu’on ne peut pas se contrôler. C’est un scénario qui démontre l’impact typique de la privation! En se permettant de manger les aliments interdits et en apprenant à les savourer sans culpabilité, ils finiront par devenir moins attirants et pourront être consommés dans des quantités qui répondent mieux aux besoins du corps.

Ce ne sont pas tous les aliments qui ont leur place dans une alimentation équilibrée.
Andrée-Ann:
FAUX. Tous les aliments ont leur place dans une alimentation équilibrée. On ne peut pas évaluer la qualité de notre l’alimentation en pensant à un seul aliment, un seul repas ou une seule journée. Il faut aussi prendre conscience que l’alimentation répond à plusieurs besoins (nutritionnels, plaisir, réconfort, socialisation) qui sont tous importants à combler pour être en bonne santé physique et mentale. Plutôt que d’exclure certains aliments ou de suivre des règles contraignantes proposées par les diètes, il est préférable d’apprendre à identifier ses préférences, de savourer tous aliments, peu importe leur valeur nutritive, et de ressentir et respecter les signaux de faim et de rassasiement du corps.

Lâcher prise sur son poids est synonyme d’abandon du souci de son apparence et de sa santé.
Andrée-Ann:
FAUX. La culture des diètes nous fait croire le contraire depuis des décennies. Pourtant, la vérité, c’est que les facteurs qui influencent le poids d’une personne sont nombreux et qu’on n’a aucun contrôle sur plusieurs d’entre eux, comme l’âge, le sexe, la génétique ou la prise de certains médicaments. En parallèle, la science a démontré que la grande majorité des gens reprennent le poids perdu dans les quelques années suivant l’arrêt des diètes. Bref, on a un contrôle limité sur notre poids et les méthodes proposées sont inefficaces à long terme. C’est pour cette raison qu’on doit accepter de lâcher prise sur notre poids. Ce qui ne veut pas dire de lâcher-prise sur sa santé, au contraire! Quand on apprend à apprécier notre corps pour tout ce qu’il nous permet d’accomplir, qu’on se valorise pour ce qu’on est, plutôt qu’uniquement pour notre apparence, on est plus enclin à vouloir prendre soin de notre corps, à vouloir améliorer nos habitudes de vie graduellement, en ayant comme motivation notre bien-être et le plaisir plutôt que notre poids. Et ça, c’est beaucoup plus gagnant pour maintenir ces changements, ce qui risque aussi d’avoir un impact positif sur notre santé physique et mentale à long terme!

Pour en savoir plus sur l’expertise d'Andrée-Ann Dufour Bouchard et l’organisme ÉquiLibre, visitez equilibre.ca


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