Dans une étude menée conjointement avec Léger, Grenier aux nouvelles a sondé les professionnel.le.s des communications pour connaître leur opinion sur différents enjeux de leur industrie. Nous y avons abordé plusieurs questions et nous vous présentons les résultats de cette étude dans l'édition spéciale du Grenier Magazine.
À la question «Lorsque vous pensez aux dix prochaines années, êtes-vous plutôt optimistes ou pessimistes, en ce qui a trait à la confiance que vous portez envers les médias?», pas moins de 65% des répondants ont déclaré être plutôt pessimistes. Selon nous, c'est la réponse la plus surprenante. La désinformation et les fausses nouvelles qui circulent sur les médias sociaux sont au cœur de cette problématique et envenime ce manque de confiance envers les médias selon les répondants.
La pandémie a sans équivoque exacerbé la situation. Selon nous, il est impératif que les réseaux sociaux, et plus particulièrement Facebook, revoient leurs algorithmes, car il est navrant de constater que les sources crédibles d’information soient mises sur le même pied d’égalité que les blogues obscurs ou les pseudos sites d’information alternative. Avec la technologie actuelle, toute personne ou regroupement peut facilement mettre en ligne un site d’information, qui peut sembler au premier abord complètement crédible, mais qui dénature la réalité en véhiculant des propos trompeurs, incorrects, voire diffamatoires. En ce sens, il nous est d’avis qu’une meilleure éducation de la population en général, mais plus particulièrement des jeunes se doit d’être prioritaire.
Des initiatives pertinentes ont déjà vu le jour, notamment avec La Semaine de la presse et des médias, créée par la FPJQ, qui vise à bien faire comprendre le métier de journaliste et à faire découvrir le rôle des médias dans la société. Toutefois bien que nécessaire, cette initiative de la FPJQ ne dure qu’une petite semaine dans l’année. Qui aurait la légitimité d'éduquer la population sur les enjeux de désinformation, sans brusquer ces illustres “diplômé.e.s de la vie”, qui assimile ce qu’ils lisent sans contre-vérifier les faits? Et pourquoi pas les médias sociaux eux-mêmes? On lance l’idée et on ouvre les lignes par la suite. Pourquoi un avertissement n'apparaîtrait-il pas, lorsqu’un internaute clique sur un lien menant vers un site, où il a été reconnu que de la fausse information y a été diffusée dans le passé? Même chose du côté de YouTube, pourquoi ne pas afficher un avertissement avant la diffusion d’une vidéo douteuse?
Oui ou non, doit-on avertir la population qu’elle s’apprête à regarder une vidéo potentiellement truffée de fake news comme dirait l’autre? On ouvre les lignes, oui bonjour Karen, on vous écoute.
La fine ligne journalistes-chroniqueur.euse.s
Autre problème qui, nous le croyons, joue sur la confiance des citoyen.ne.s envers les médias, est la recrudescence d’opinions dans les médias traditionnels. Aujourd’hui, des journalistes devenus chroniqueur.euse.s (ou sont-ils les deux?) répandent leurs opinions sur les sujets d’actualités. Est-ce possible d’avoir une opinion sur tout? Peut-être, mais toutes les opinions ne se valent pas, à notre avis.
C’est-à-dire qu’il faut bien connaître un sujet avant d’émettre une opinion pertinente. Il faut avoir lu, écouté et soupesé le pour et le contre. Avec la vitesse de l’information qu’apportent les médias sociaux, il nous apparaît impossible que les chroniqueur.euse.s possèdent une opinion éclairée sur tous les sujets d’actualités. Les chroniqueur.euse.s émettent presque chaque jour leur opinion sur la tribune qui leur est offerte et représentent ainsi leur média respectif, en devenant en quelque sorte le visage de leur employeur. Il n’y a qu’un pas pour la population pour amalgamer l’opinion d'un.e chroniqueur.euse au média complet, incluant les journalistes. Par ailleurs, la plupart des citoyen.nes.s ne connaissent pas la différence entre «journaliste» et «chroniqueur.euse». Et vous savez quoi? C’est un peu normal si on ne baigne pas dans ce domaine d’activités. Sans penser qu’au Québec, la population déteste habituellement le débat et les nuances de gris. Alors que l’opinion des chroniqueur.euse.s ne vaut… que l’opinion des chroniqueur.euse.s.
Mais ne nous mettons pas la tête dans le sable. Représentant nous-mêmes un média (spécialisé, voire de niche, mais tout de même), nous sommes conscients que ces deux «problématiques» sont intimement liées. Tout part de la baisse des revenus des médias traditionnels au profit des GAFAM, qui a eu pour effet la montée de l’intérêt voué aux chroniqueur.se.s, pondant des articles aux titres tous plus «clickbait» les uns que les autres. Mais la solution, elle se trouve où? On pose la question : les médias traditionnels devraient-ils avoir moins de chroniqueur.euse.s et plus de journalistes? Oui bonjour Derek, on vous écoute.
Eric Chandonnet
Président, Grenier aux nouvelles