L’expérience québécoise est le terme que chaque immigrant fraichement arrivé se verra marteler par divers services et structures d’accueil. Cette expérience québécoise a-t-elle encore une raison d’être ? N’est-elle pas utilisée pour occulter autre chose ?
Tout d’abord, le terme « expérience québécoise » est utilisée par le gouvernement du Québec dans le cadre d’un programme de sélection de travailleuses et travailleurs qui veulent s’établir au Québec de façon permanente.
Si on évacue le côté institutionnel et la volonté du Québec d’aider les immigrants à trouver un emploi, nous sommes dans notre droit de se questionner sur l’usage de cette expression et ce qu’elle engendre, toujours en dehors du cadre gouvernemental.
L’expérience québécoise est généralement présentée par les centres d’accueil des immigrants comme la condition sine qua non pour accéder au marché de l’emploi.
Vous devez décrocher cette expérience si vous voulez augmenter vos chances de trouver un emploi.
Tout d’abord, certains vont définir l’expérience québécoise par la connaissance de la culture du travail au Québec. La résolution de conflits, la communication en milieu de travail… des notions qui n’ont donc aucun lien avec les compétences techniques ou un quelconque savoir-faire manufacturier.
La première problématique est que la définition est mal comprise, et qu’elle vient indirectement valider les terribles statistiques de la discrimination des immigrants sur le marché du travail.
En résumé, et si nous voulions caricaturer les choses, le premier message que l’on donne aux nouveaux arrivants est : si vous voulez travailler au Québec, vous devez avoir déjà travaillé au Québec. Bien sûr il y a un non-sens dans cette condition, car pour avoir de l’expérience québécoise, il faut déjà travailler.
Certains organismes conseillent le bénévolat afin d’acquérir cette expérience. C’est loin d’être une mauvaise idée, mais nous devons quand même permettre aux nouveaux arrivants de travailler sans passer par la case bénévolat. Car se nourrir et se loger ne se payent malheureusement pas encore par des heures de bénévolat.
Sans oublier que certains nouveaux arrivants sont hautement qualifiés, et cela serait tout simplement un gâchis pour la société, de ne pas profiter de leurs expertises à leur arrivée.
En quoi alors cette expérience québécoise peut renforcer la discrimination à l’embauche des immigrants ?
Encore une fois, on comprend l’idée derrière, que le monde du travail est différent d’un continent à un autre, même si un Européen va sans doute avoir moins l’occasion de se l’entendre dire... Reste que cette phrase va aider à légitimer une discrimination en donnant un argument assez flou et arbitraire à ceux qui recherchent un profil ethnique bien précis.
Il est donc admis et normal, de refuser un entretien ou un poste à un nouvel arrivant, car il ne possède pas cette fameuse expérience. Jusqu’au jour où l’immigrant tombe sur la bonne personne qui n’aura que faire de cette expérience québécoise et va l’embaucher pour ses compétences, ses valeurs, sa qualité humaine et simplement lui donner la chance de faire ses preuves.
L’autre effet pervers de cette notion d’expérience québécoise est de pousser les nouveaux arrivants à s’orienter vers des emplois où l’expérience n’est pas requise, et/ou la main-d’œuvre doit rester à faible coût.
Il est donc là l’autre effet négatif, celui de soutenir tout un circuit d’emploi payé au salaire minimum et qui trouve son gisement chez de nouveaux arrivants, qui bien souvent sont diplômés et prêts à l’emploi dans leur domaine.
À ce sujet, il fut clairement établi par une étude qu’un immigrant gagne en moyenne 10 % de moins qu’un Canadien. Ajoutez à cela, si vous êtes une femme immigrante, l’écart sera encore plus important.
L’expérience québécoise ne devrait plus être un obstacle ou une excuse. Le terme en lui-même doit peut-être laisser place à d’autres, afin de mieux exprimer le besoin du marché et ne plus sous-estimer l’expérience humaine des nouveaux arrivants.
Il faut bien entendu, des encadrements et accompagner au mieux les immigrants dans le milieu du travail, mais ils ont d’abord besoin de vivre une belle expérience de vie québécoise, pour que l’expérience québécoise au travail suive naturellement.
Références
- Vous pouvez visiter le site du projet Beyond Canadian Experience qui apporte des solutions à ce sujet.
- Statistique de chômage au Canada, par région de naissance.
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