Suite à la sortie du livre de Jacques Nantel, professeur titulaire à HEC Montréal, en collaboration avec Ariane Krol de La Presse, intitulé «On veut votre bien... et on l’aura», beaucoup de gens ont pris peur des bases de données qui nous sont soutirées, avec notre accord tacite, grâce, en grande partie, aux cartes de fidélité qui pullulent dans nos portefeuilles. Au Québec, nous avons un rapport amour-haine important avec ces cartes. Nous les accumulons mais ne savons pas toujours à quoi elles servent ou comment mieux s’en servir.

Même son de cloche du côté des entreprises: elles savent que la carte de fidélité leur permet un accès privilégié à une meilleure relation avec leur clientèle, mais, souvent, trouvent que la mise en place de cet outil peut être coûteux et, ne savent pas comment maximiser leur utilisation.

Même si le spectre du Big Brother contrôlant nos vies et nos achats en se foutant éperdument du surendettement fait peur, à juste titre, à une partie de la population, il est du devoir et de l’intérêt des entreprises commerciales de trouver le moyen le plus fiable et qui s’applique à son activité, d’utiliser les cartes de fidélité, combinées ou non à des moyens de paiement, et les données engrangées qui viennent avec.

Allons chercher nos exemples dans une économie dont la population nous ressemble à bien des égards, c’est-à-dire en Europe, plus précisément en France. Dans le secteur de la grande distribution alimentaire, les bannières que sont Auchan, Cora, Système U, Casino ou Carrefour ont choisi de faire affaires avec des entreprises spécialisées dans le traitement des bases de données recueillies au travers de leur carte de fidélité. Elles s’appellent MarketingScan, Dunnhumby (sous contrat avec Métro pour le Canada) ou Emnos (sous contrat avec Target aux États-Unis) et y gèrent les informations de plus de 34 millions de cartes de fidélité. Ceux-ci peuvent suivre au jour le jour, foyer par foyer, produit par produit, les différentes habitudes d’achat. Mais au fait, concrètement, pourquoi? C’est un moyen subtil de mesurer la sensibilité au prix, à la référence dans les différentes familles de produits offerts en magasin. Aussi, et surtout, cela permet à l’enseigne de se centrer encore un peu plus sur le client en étudiant le comportement des porteurs de carte afin d’avoir un suivi et une mesure précise de la fidélité. Vu que c’est en France que ça se passe, il appelle évidemment ça du shopper discovery.

L’application de ces «découvertes» mène à l’optimisation des assortiments et à l’affinage de leur marketing direct. Chez Casino, on évoque des taux de retour de l’ordre de 70% quand les catégories de clients (les «styles de vie») sont bien ciblées. Les chaînes de magasins mettent également en place des politiques de communications ciblées sur le consommateur en tenant un discours cohérent quelque soit le point de vente.

Évidemment, ce genre d’information peut être partagé avec les fournisseurs de ces magasins. Et tout ça pour quel genre d’investissement? Les fournisseurs de Tesco, au Royaume Uni, verse 200 000 € par an à la maison mère de Dunnhumby pour avoir accès au suivi des ventes.

Aux États-Unis, Target, qui a été mentionné plus haut, fait une très grande utilisation de ses bases de données avec un marketing agressif et très ciblé. Sa prochaine venue sur le sol québécois va forcement changer bien des habitudes.

Chez Conforama, un des plus grand acteur français de la distribution d’équipement pour la maison à prix réduit avec quatre lignes de produit (des meubles, de la décoration, de l'électroménager et de l'électronique grand public), on collecte les informations avec la carte de crédit maison et aussi lors de la facturation. Leur base de données est remplie de nombreux détails utiles et est riche de 33 millions de clients. Parmi ceux-ci, 900 000 sont détenteurs de la carte de crédit maison pour 8 millions de clients actifs annuellement. La base de données sert surtout à la segmentation suivant 3 critères: le montant total des achats d'un client sur 24 mois, la fréquence et le, ou les, univers fréquenté(s): meuble, décoration, électroménager et électronique grand public. Suite au classement de leur clientèle, les responsables marketing ont remarqué une plus value sur les segments des meilleurs clients en prenant compte de leur fréquence d’achat et du montant de leur achats. Ceux-ci adorent le concept du «tout sous un même toit» et sont sensibles au marketing par courriel mis en place pour eux. Cette connaissance du client leur permet aussi d’accueillir les nouveaux clients et de relancer les clients inactifs. Afin de montrer à quel point, leurs meilleurs clients sont importants pour eux, Conforama organise des instants de consommation privilégiés dans un cadre plus privé. L’entreprise programme notamment des soirées: le magasin leur est alors entièrement réservé. Ces événements leur permettent de bénéficier d'avantages valables uniquement lors de la soirée.

On peut entrevoir le futur de manière assez réaliste. On voit poindre ça et là une utilisation de la biométrie mais pas encore de réalisation à long terme. Imaginons du fait: fini l’utilisation d’une carte de fidélité en plastique. Bientôt, les cartes de paiement seront vétustes... la carte de fidélité et de paiement sera vous! Tout sera relié à votre emprunte digitale, à l’analyse de votre oeil grâce à un scanneur optique ou encore plus amusant et moins invasif, à l’entrée d’un magasin où vous êtes habitué de vous rendre, des capteurs biométriques savent qui vous êtes en rentrant ou d’autres capteurs reconnaissent le signal GPS de votre téléphone intelligent par la géolocalisation. Et pourquoi donc? Peut-être simplement pour vous signaler les promotions des produits achetés habituellement, faire des ventes croisées ou proposer des alternatives et, de façon efficace, vous envoyer par courriel ou message texte votre facture qui sera, avec votre accord, débiter de votre compte crédit.

En conclusion, afin d’être bien accepter d’un public méfiant, il faudra installer des règlements d’utilisation de toutes ces informations à portée de mains (ou plutôt, de clavier). Encore dans ce cas, la France est un très bon exemple. Après avoir aidé à fixer plusieurs règlements et lois qui régissent spécifiquement le commerce électronique, l’Union Française du Marketing Direct et Digital et ses partenaires ont proposé au Ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie, un guide du bon usage des cookies publicitaires (qui recueillent de la même manière un tas de données sur le consommateur). Ce nouveau guide s’inscrit dans la continuité de la charte publicité ciblée et la protection des internautes signée le 30 septembre 2010 sous l’égide de l’UFMD. Bien conscientisées par les enjeux liés à l’utilisation des bases de données client, ces associations et les autorités compétentes sont soucieuses de trouver des solutions répondant aux attentes des consommateurs concernant leur vie privée et la propension de certaines industries à pousser le consommateur à la surconsommation.

L'équipe de ZenData Marketing