Ce billet a précédemment été publié sur le blogue de bicom

Ok, on l’avoue on a tous adoré la série Emily in Paris. Son style de vie totalement parisien, ses tenues incroyables et tous les projets stimulants sur lesquels elle a la chance de travailler. La vie rêvée ! Mais tout ça est bien loin de la réalité…

Tout commence à Chicago, Emily, une employée marketing du Gilbert Group, se retrouve à remplacer sur le tas sa patronne Madeline pour un contrat d’un an à Paris. Son mandat consiste à apporter une perspective américaine et des idées nouvelles afin d’augmenter l’engagement sur les médias sociaux des clients du cabinet Savoir, une petite agence marketing française que le Gilbert Group vient d’acquérir.

Voici les 6 faits qu’on a relevés qui semblent bien trop beaux pour être vrais s’ils s’étaient déroulés dans une réelle agence de marketing numérique. Et, on sait de quoi on parle !

Emily in Paris
Photo : Netflix 

Sa croissance indécente d’abonnés Instagram

Nous sommes obligés de commencer par ce point : l’augmentation rapide de son nombre d’abonnés Instagram. Dans le premier épisode, Emily a exactement 48 personnes qui la suivent sur son compte. Quelques jours plus tard, ce n’est pas moins de 20 000 abonnés qui suivent sa vie. Même si Instagram est une plateforme sociale qui connait un meilleur taux d’engagement et des gains d’abonnés quotidiens comparés à d’autres, il est peu probable d’atteindre des chiffres pareils en si peu de temps. Une marque avec une stratégie numérique efficace peut espérer une croissance mensuelle entre 6 et 8 %.

Sans d’amplification ni de concours, et avec un hashtag à peine par publication, soit la série a fait un bond dans le temps sans qu’on s’en aperçoive, soit Emily a boosté quelques photos en cachette… Dans tous les cas, n’espérez pas trop, gagner autant d’abonnés en quelques jours (sans les acheter), c’est presque mission impossible !

Le buzz national de l’une de ses publications

Alors qu’elle supervise le compte d’un client de l’industrie pharmaceutique, Emily est outrée d’apprendre que dans la langue française, c’est le genre masculin qui est utilisé pour le sexe féminin. Elle s’empresse de partager son mécontentement sur Instagram. Carla Bruni, l’ancienne Première Dame, envoie la publication par texto à Brigitte Macron, l’actuelle, qui la retweete. C’est un buzz aux quatre coins de l’Hexagone.

Il y a beaucoup trop à commenter dans cette scène :

Premièrement, il n’y avait que très peu de chances que cette publication devienne virale. Il n’y a aucun hashtag dans le texte et Emily n’a « que » 5 811 abonnés. Ce n’est pas impossible, mais improbable. Improbable aussi que Carla Bruni soit tombée sur cette publication dans son fil d’actualité. À moins qu’une de ses amies suive le compte d’Emily et ait aimé sa photo… Ou que la publication soit apparue dans l’onglet Explore de l’ex Première Dame. On y croit moyen…  

Deuxièment, si on suppose qu’Emily a une portée record de 34 % sur son compte, cela voudrait dire qu’environ 1 700 abonnés ont été atteints par sa publication. Maintenant supposons qu’Emily a un taux d’engagement exemplaire de 10 %, elle obtiendrait 170 interactions sur sa publication. À l’écran, Emily a 11 300 j’aime et aucun commentaire, c’est un peu tiré par les cheveux tout ça.

Interactions sociales ou débat social ?

Dans le troisième épisode, Emily propose de publier une publicité à la vision plutôt controversée (qu’elle ne partage pas du tout) sur le Twitter de Maison Lavaux, son client, accompagnée d’un sondage. La question de celui-ci est « Vous trouvez cette publicité : sexy ou sexiste ? ».

« Ce qui importe, c’est l’avis de l’acheteur. On a qu’à lui poser directement la question », dit-elle après que le directeur de la marque lui demande son avis sur le sujet. On est totalement d’accord avec son point. En revanche, pas avec sa stratégie. Une marque ne devrait pas lancer de polémique à propos d’un sujet aussi sérieux que la vision de la femme sur les médias sociaux.

Les médias sociaux sont l’endroit idéal pour engager la conversation, faire des sondages, utiliser des quiz et les stickers pour augmenter l’engagement de sa page et connaître son audience. C’est une tout autre histoire d’engager la conversation pour parler d’un sujet sensible, cela peut même affecter négativement l’image de la marque. En prenant en considération que tout le monde ne partagera pas forcément la même opinion, prendre position sur les médias sociaux demande une stratégie de gestion de crise réfléchie et une gestion de communauté préparée. L’ouverture d’esprit et la tolérance sont les secrets d’une page bien gérée !

L’évènement média avec les influenceurs

Les cosmétiques Durée organisent un évènement média influenceurs pour présenter leur toute dernière collection de produits. Les influenceurs sont invités à créer du contenu pendant le lancement. En publiant une vidéo sur son Instagram parmi toutes les personnes présentes, Emily attire l’attention de la responsable marketing de Durée qui souhaite la rencontrer.

Déjà, l’employé d’une marque ne peut pas parler de cette façon à une influenceuse invitée, c’est la base. Grâce à leur communauté, les influenceurs offrent de la visibilité aux produits de façon spontanée. Et, c’est eux qui amènent de nouveaux clients potentiels.

Ensuite, un influenceur qui veut se faire remarquer par l’entreprise, comme Emily a réussi à le faire, devrait publier quelque chose d’un peu plus original (comme faire de la planche à roulettes en buvant du jus de canneberge). Ou, encore simplement, montrer un intérêt sincère à la marque. La plupart du temps les influenceurs se font repartager leur contenu ou offrir un produit comme geste de remerciement, mais rencontrer la responsable du marketing à la suite d’une vidéo c’est, encore une fois, très exagéré.

L’installation éphémère urbaine du lit

Emily convint une marque de matelas d’installer un lit éphémère dans l’un des plus beaux endroits de Paris. Le tout dans le cadre d’une campagne réseaux sociaux. C’est une idée ingénieuse ! Mais, quelques plans plus tard, le lit se retrouve posé au milieu de la place Dalida et les passants intrigués prennent l’installation en photo.

Ce que la série ne montre pas, c’est tout le processus derrière une telle activation :  

  • Recevoir les autorisations, les permis de la ville et les assurances. Chaque ville a ses propres documents à remplir et à valider, cette étape s’anticipe et peut prendre des mois.
  • Développer la signalétique. On ne peut pas juste poser un lit dans la rue. Il faut montrer la marque ou le logo quelque part, mettre des panneaux ou des pancartes pour annoncer et contextualiser l’installation. On ne voudrait pas que quelqu’un passe à côté du lit sans retenir le nom de la marque !
  • Porter attention à la logistique. Ça semble évident, mais il faut s’assurer que l’estrade ait une entrée et une sortie. Est-ce que l’installation a une capacité d’accueil ou de temps limité ? Ce sont des points à penser avant même de commencer à chercher l’endroit.
  • Avoir une stratégie marketing. Il faut créer l’engouement autour du projet, utiliser un nano-influenceur n’est pas suffisant. Attention, utiliser les nano-influenceurs n’est pas une mauvaise idée, surtout quand on sait qu’ils ont un taux d’engagement plus fort que les micro-influenceurs et les célébrités. Avec 20 ou 30 Emily, on arrive à une stratégie marketing plutôt solide.
  • Avoir des goodies. S’il n’y a rien à acheter à l’installation éphémère, quel est le but ? Juste de la visibilité de marque ? Un peu de marchandisage pourrait aider les clients potentiels à se souvenir de la marque et les pousser à partager leur expérience.
  • Embaucher du personnel et instaurer des règles à suivre. Ne jamais laisser l’installation sans supervision, c’est la catastrophe assurée ! S’assurer que ce qui est autorisé et interdit sur place est clairement affiché. Que se passe-t-il si quelqu’un fume sur le lit et que les draps ou le matelas prennent feu ? Espérons que le premier point est respecté et que l’assurance couvre les dégâts.
  • S’assurer d’avoir un budget adéquat. Équipe, matériaux et mobiliers, affichage, permis, assurance et stratégie marketing. Cela coûte un certain montant à prévoir et présenter au client, ce n’est pas le genre de décision qui prend rapidement sur le coin d’une table.

La publication Pierre Cadault

Après une soirée mémorable pour la maison de Haute Couture Pierre Cadault, Emily aperçoit la robe iconique du couturier au sol d’une chambre d’hôtel. Elle y voit la composition parfaite pour une photo à publier sur le compte de la marque. Le lendemain, elle demande quand même l’avis de ses collègues pour savoir si l’image publiée n’est pas trop sulfureuse ce qui prouve qu’Emily n’a pas discuté du contenu avec l’équipe de Caudault, son client. En tant qu’agence marketing, nous travaillons main dans la main avec le client pour lui garantir les meilleures performances possible, que ce soit en termes d’engagement, de portée ou de trafic sur le site web. On ne publie jamais un contenu sans l’accord ou l’approbation d’un client. Jamais !

En conclusion malgré les incohérences relevées concernant le marketing numérique, nous avons pris plaisir à regarder la série Netflix Emily In Paris. Emily est audacieuse et on adoreait l’avoir au sein de notre équipe chez BICOM. Elle cherche toujours à apporter des idées qui sortent de l’ordinaire et est assurément un atout pour la filiale française. Cependant, on espère que nos clients et nos confrères ne se baseront pas sur la série pour réfléchir et planifier leurs prochaines campagnes numériques.

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