Le Pew Research Center's Project for Excellence in Journalism vient de publier une recherche particulièrement intéressante qui fait le point sur l'état de la situation des journaux quotidiens américains. Cette enquête, menée auprès de 38 journaux, nous présente là où en sont les Américains dans la recherche d'un nouveau modèle d’affaires. En voici donc les principaux constats.
Il existe aux États-Unis 1350 journaux de langue anglaise, soit 50 de moins qu’il y a cinq ans. Pour la plupart, ces journaux affichent un tirage inférieur à 25 000 copies. Aujourd'hui, seuls 70 journaux ont un tirage supérieur à 100 000 exemplaires. Globalement, les journaux quotidiens ont perdu 40% de leurs recettes depuis dix ans.
Les gestionnaires de journaux aux États-Unis croient que la croissance future des revenus passera par le numérique, en particulier par la publicité locale ciblée. Ils pensent aussi que la réduction de la taille des salles de rédaction perdurera, laquelle a d’ailleurs diminué de 30% depuis 2000. Ils estiment que de plus en plus de journaux cesseront de publier une édition quotidienne, pour n’offrir que deux ou trois éditions par semaine, dont celle du dimanche, actuellement la plus rentable.
Ce qui démarquera le succès de l’échec des journaux dans cette quête d’un nouveau modèle d’affaires: la culture de l’entreprise et la qualité de l’équipe de gestion en place. Sur ce point, je pense que les journaux devront prendre des risques et surtout donner le droit à l’erreur, pour stimuler la créativité des troupes et l’émergence de nouvelles façons de faire.
L’enquête du Pew révèle que les journaux à plus faible tirage (20 000 copies et moins) sont ceux qui voient le moins les revenus du papier chuter. Par contre, ils sont aussi ceux dont la croissance des revenus numériques est la plus faible.
Retenez le chiffre clé de l’étude: le ratio 7-1. Pour chaque tranche de 7$ perdus dans la publicité papier, un maigre 1$ n’est généré par les revenus du numérique. Le manque à gagner est donc de 6$. Autrement dit, le numérique ne permet de compenser que 15% des pertes du papier! L’étude révèle aussi que le point d’équilibre se situe à la jonction suivante: une croissance de 30% des revenus numériques est nécessaire pour compenser une baisse de 6% à 8% des recettes papier. Pour certains journaux, une croissance de 50% des revenus numériques est requise pour compenser la perte des revenus papier. Imaginez toute la complexité d’atteindre de tels niveaux de croissance année après année.
En 2011, 92% des revenus des journaux provenaient du papier et 8% du numérique, dont 0,9% de la publicité mobile. Pour 2011, les journaux misent sur une croissance moyenne de 19% des revenus du numérique et sur une baisse de 9% des revenus issus du papier.
Il est intéressant de noter que dans l’univers global des revenus numériques (toutes provenances confondues):
• 46% des recettes proviennent de la publicité sur les moteurs de recherche;
• 29% des revenus sont issus des bannières. Dans les journaux, 76 % des revenus numériques proviennent de cette catégorie;
• 10% émergent des petites annonces sur internet;
• et 7% sont générés par la publicité en format vidéo
Ainsi, à la lumière de ces données, les journaux n’ont pas accès à près de 50% de l’assiette numérique.
Finalement, l’étude nous révèle que peu de journaux ont exploré les sources alternatives de revenus non publicitaires que sont l’organisation d’événements, les conférences, la création de carrefours commerciaux sur le web et l’offre de service-conseil numériques (création de site internet, etc.). De plus, ce que l’on nomme les «daily deals», inspirés des Groupon de ce monde, qui offrent des rabais de dernière minute aux annonceurs, ne comptaient en 2011 que pour 5% des revenus des journaux.
On peut donc constater que les journaux avancent encore à tâtons et selon un rythme différent selon leur taille dans la recherche du nouveau modèle d’affaires. Nous en sommes encore à l’étape des essais et erreurs, tentant de trouver une solution au problème de base: la faible valeur publicitaire d’un lecteur numérique comparativement à la valeur de ce même lecteur dans le papier. Et pourquoi le prix du lecteur numérique est-il si dévalué? Simplement par une offre trop abondante dans le vaste univers numérique, formé de l’internet et des plateformes mobiles.