Vous échouez votre transformation numérique... Du moins, c’est ce que stipule une récente étude du Centre sur la productivité et la prospérité (CPP) — Fondation Walter J. Somers, de HEC Montréal, menée auprès des PME québécoises. Une situation qui pourrait être catastrophique pour notre économie, si elle n’est pas rectifiée.

Selon ces experts, un manque d’investissement en éducation, en formation et en R&D est au cœur du problème, autant de la part du gouvernement que de votre côté. Une thèse difficile à contredire, puisque l’investissement en éducation n’a augmenté que de 9 % en 10 ans, et que le Québec se positionne en queue de peloton au Canada en ce qui concerne les investissements entourant les compétences de la main-d’œuvre. 

Le ministre Fitzgibbon prend cette « menace » très au sérieux. Il y travaille activement, multipliant les annonces et la création de programmes, afin de pousser les entreprises québécoises à entamer cette transformation. Il profite de tous ses passages dans les événements où il est convié, pour prendre parole afin d’inciter les entreprises à entamer un virage numérique, qu’il tende vers l’industrie 4.0 ou le commerce électronique. 

Mais est-ce vraiment ça, la transformation numérique ? Vendre en ligne ? Planter un robot sur une chaîne de production ?

Beaucoup de gestionnaires sont partis de cette idée pour faire leurs premiers pas dans le numérique. Qu’est-ce que le marché a à offrir ? Commerce électronique ? ERP ? AI ? Blockchain? En empruntant cette avenue, beaucoup se sont cassé les dents. 

De ma perspective, avant toute chose, nous avons un grave problème de définition.

Qu’est-ce que la transformation numérique ?

La première chose qu’il est important de reconnaître, c’est que nous n’avons rien inventé. Au bout du compte, ajouter le mot « numérique » n’a fait que moderniser un sujet qui a été documenté, pour la première fois, au début du XXe siècle.

Ainsi, quand vient le temps de parler de transformation numérique, laissez de côté le mot numérique. Ça ne fait qu’augmenter la confusion et créer un faux sentiment d’urgence qui vous pousse à prendre de mauvaises décisions. C’est ce mot qui a lancé beaucoup d’entre nous dans une course folle vers la vente en ligne et l’optimisation d’une chaîne de valeur, et ce, sans un plan stratégique réfléchi et viable.

Le numérique est la réponse à une restructuration, mais il ne devrait pas en être la cause. L’amorce de votre transformation devrait plutôt naître d’un désir de modifier votre environnement compétitif, de répondre aux besoins de vos clients, d’explorer des idées novatrices. Le résultat de cette transformation tendra fort probablement vers le numérique, mais la base sera constituée de vos priorités.

La deuxième chose qu’il faut reconnaître, c’est que la transformation des organisations est un casse-tête que de nombreux grands philosophes du management ont tenté de résoudre au fil du temps. Comme le démontre le penseur canadien Henry Mintzberg, dans une revue de littérature sur le sujet, le consensus est qu’il n’y a pas de consensus. Tous s’entendent pour dire qu’une organisation doit se transformer, évoluer et changer. Mais les opinions divergent grandement lorsque le temps est venu d’appliquer ladite transformation. 

Transformation planifiée, contrôlée ou spontanée ? Transformation drastique ou continue ? Cette décision vous revient. Cela dit, si votre équipe et vous n’avez pas une définition et une vision claire, votre transformation est vouée à l’échec. 

Une question de visibilité

Selon la littérature, la transformation peut s’effectuer sur trois couches : votre modèle d’affaires, vos processus et vos produits. À cela, j’ajoute deux autres couches : la vision et la gouvernance.

pyramide

Les organisations qui réussissent leur transformation s’offrent une plus grande visibilité sur toutes ses couches, de la plus conceptuelle à la plus fonctionnelle, et s’assurent de les arrimer de façon cohérente :

  1. La vision — Quels seront les enjeux de nos clients et du marché dans 10 ans ? Où sera l’organisation dans 10 ans ? Qu’est-ce que l’on contrôle ? Qu’est-ce que l’on ne contrôle pas ? Quel sera le rôle de la technologie ?
  2. Le modèle d’affaires — Comment cette vision transforme-t-elle notre modèle d’affaires ? A-t-on une feuille de route qui nous permet de nous amener du modèle d’affaires actuel au modèle d’affaires du futur ? 
  3. Les processus — Comment est-ce que cette feuille de route affecte nos processus en place ? En production et logistique ? En marketing et service client ? En RH ? A-t-on un parcours utilisateur clair qui reflète le modèle d’affaires du futur ?
  4. Les produits – Est-ce que nos nouveaux processus optimisent nos produits ? Comment réagiront nos clients ? 

L’épicentre de la transformation peut se trouver à n’importe quel niveau. Partir du sommet de la pyramide n’est pas une nécessité. Par expérience, je dirais que ce sont souvent des idées ou des lacunes au niveau des processus et du « mid-management » qui poussent une entreprise à vouloir se transformer. L’important est de s’assurer que tous les éléments s’arriment bien, afin d’augmenter nos chances de réussite. 

Utiliser une méthodologie d’idéation par le Design Thinking autour de canevas comme le Vision Canvas, le Business Model Canvas, le Customer Journey Canvas et le Value Proposition Canvas est un excellent point de départ.