À titre de stratège marketing, je suis fasciné par la connaissance (du même coup, je suis aussi subjugué par l’ignorance).

Au fil des années, j’ai rencontré, observé, interrogé des milliers de personnes. J’ai donc eu la chance de voir comment les gens intègrent de nouveaux concepts, comment leurs attitudes se forment, bref comment ils apprennent. Certes, le contexte était surtout marketing et communicationnel, mais j’ai la conviction que les étapes menant à la connaissance sont assez universelles et qu’elles peuvent se regrouper en quatre niveaux.

Je ne sais pas que je ne sais pas 

Cette étape est souvent nommée « l’ignorance inconsciente ». Sans aller jusqu’à idéaliser ce moment, on doit tout de même admettre que l’individu affecté n’est pas malheureux puisqu’il ne sait même pas ce qu’il manque. L’expression assez méchante « heureux les creux » résume cet état d’esprit. Les philosophes résumaient aussi cette étape par la notion de double ignorance. En termes pratiques, les médias sociaux et les moyens de communication font toutefois en sorte que ces situations de double ignorance sont moins fréquentes. C’est pour éviter d’être largué ou surpris que les organisations se doivent d’organiser un minimum de veille stratégique. À ce sujet, les initiatives des applications de Google Actualités ou de Smartnews sont intéressantes, car elles présentent expressément des points de vue divergents ou différents aux internautes.

Je sais que je ne sais pas

On passe à la conscientisation du fait ne pas savoir (l’ignorance consciente ou l’ignorance « savante »).

Cette étape est importante, car c’est elle qui va générer l’énergie ou l’intérêt de poser des questions et déployer des efforts pour apprendre. Cela dit, certains individus se satisfont de ne pas savoir, surtout s’ils ne voient pas de bénéfices tangibles à consentir du temps pour apprendre. Pire encore, certains parviennent à relativiser leur ignorance, pour ne pas dire la justifier. À titre d’exemple, lors de nos travaux en marketing politique, un nombre croissant d’électeurs québécois avancent qu’il est inutile de s’informer sous prétexte de parité perçue entre les partis ou les programmes. Pire encore, certains résument leur désintérêt par une victimisation ou des convictions conspirationnelles.

Je sais que je sais

C’est le niveau de la connaissance consciente. C’est ce qui se produit après qu’une personne ait consenti des efforts pour apprendre. Malheureusement, c’est souvent à ce moment où ceux qui viennent d’apprendre ont le sentiment qu’ils ont TOUT compris. Les écarts de perception entre les jeunes diplômés par exemple et ceux qui sont sur le marché du travail depuis longtemps démontrent cet état de fait.

Indirectement, les nouveaux apprenants valorisent la connaissance explicite; celle qui est plus formelle, plus facile à codifier et à communiquer. Les plus expérimentés croient aussi à la connaissance tacite, souvent associée au savoir-faire et à l’expérience.

Je ne sais pas que je sais (connaissance inconsciente)

Cette connaissance inconsciente correspond au niveau le plus intéressant selon moi. La connaissance est tellement bien intégrée qu’elle devient presqu’une intuition. C’est une des raisons pour laquelle les enfants (d’artistes, de gestionnaires ou de sportifs) ont souvent plus de facilité que les autres à performer dans un secteur donné.

L’avocat en herbe ne réalise pas que ses cours de droit ont commencé depuis qu’il est enfant. Il ne réalise pas qu’il a appris sur le secteur en accompagnant maman au bureau ou en l’écoutant raconter ses journées lors du souper.

Le médecin d’expérience pose souvent un diagnostic avant même de parler ou d’ausculter son patient. Les milliers de personnes rencontrées au fil de sa carrière font en sorte que ce professionnel peut reconnaître des patterns de façon inconsciente. Ce sujet a d’ailleurs inspiré Malcolm Gladwell dans son livre Blink, comment réfléchir sans y penser.

En résumé

L’acquisition de connaissance requiert de l’énergie et du temps. En appliquant ces constats au secteur du marketing et des communications, cela nous fait réaliser que d’accroître la familiarité avec un concept et une marque est un projet souvent plus ardu que prévu.

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