Si je vous dis que le titre de cette chronique est en fait les deux premières lignes d’une chanson de Frida Boccara, vous n’avez rien appris de particulier sur moi. Si, pour le cas où vous ne la connaissiez pas, je vous précise que cette chanteuse décédée en 1996 a surtout connu la popularité au cours des années 1970 et que, petite fille que j’étais à l’époque, je comptais parmi ses fans, je vous révèle ainsi mon âge. 

Malgré cette information qui trahi mon âge, je ne crois pas que vous ayez néanmoins conclu nécessairement que je suis vieille, même si vous n’étiez vous-même pas encore de ce monde à ce moment-là.

Par contre si j’ajoute que je considère « qu’on ne fait plus de musique comme celle-là », ou « qu’il ne se fait rien d’intéressant de nos jours » (pour dire vrai je trouve qu’il se fait des choses très intéressantes), il se pourrait, qu’il vous vienne à l’esprit l’image d’une personne d’un certain âge… ou d’un âge certain. À tout le moins, j’aurai fait la démonstration de mon incapacité à apprécier quoi que ce soit d’actuel dans le domaine de la musique, il ne serait donc pas extraordinaire que l’on considère que mon oreille rejette tous les sons qui ne lui sont pas familiers.

On parle souvent de la discrimination basée sur l’âge en recrutement. Je crois qu’elle existe effectivement et qu’elle se manifeste dans tous les milieux. Ironiquement, mon quotidien professionnel fait en sorte que j’entends parler de discrimination basée sur l’âge de la part de personnes aux deux extrémités de la vie.   Les jeunes déplorent d’avoir du mal à accéder aux emplois qu’ils convoitent en raison de leur manque d’expérience. Ils me diront souvent avec frustration « si tous les emplois affichés exigent un minimum de deux années d’expérience, je suis sensé la prendre où, cette expérience ! ». Fort heureusement la jeunesse est un défaut qui a tendance à se corriger de lui-même.

À l’autre bout du spectre, beaucoup de gens qui sont comme moi dans la cinquantaine vivent plusieurs déceptions dans leur recherche d’emploi. Dans bien des cas, ils auront l’impression que leur âge entre en ligne de compte dans la décision de l’employeur de ne pas retenir leurs services. Ils n’en obtiendront jamais la confirmation, souvent on leur dira plutôt qu’on « a apprécié leur candidature et reconnait leur compétence, mais qu’on ne croit pas que le fit est là ».

Il n’y rien que l’on puisse faire pour changer son âge, même si on a recours au maquillage et la teinture pour le rendre moins évident. Par contre il y a des comportements et des attitudes qui le rendent davantage apparent. Il s’agit là d’un aspect que l’on peut travailler.

La nostalgie est une de ces attitudes qui nuisent aux chercheurs d’emploi plus matures. Elle nait d’un sentiment de regret, qui s’exprimera parfois de façon inadéquate en entrevue. Tout le monde sait que l’entreprise d’hier était plus faste que celle d’aujourd’hui. Combien de candidats ont pourtant cru bon de m’entretenir de ce fait pendant une large part de l’entrevue, à l’époque où je travaillais en recrutement.

À voix haute, ils regrettaient l’époque où les ressources mises à la disposition d’un gestionnaire étaient mieux adaptées aux défis à relever, présentant d’un ton critique les restrictions d’effectifs et les budgets serrés avec lesquels ils avaient dû composer plus récemment. Ce faisant, ils s’accolaient eux-mêmes une étiquette vieillie, celle d’une personne qui peine à s’adapter à la réalité du travail d’aujourd’hui.

Pourtant, s’ils m’avaient fait un récit enthousiaste, s’ils s’étaient seulement montrés emballés d’avoir connu ces années de grâce, en évitant de les comparer à des expériences plus récentes qui avaient manifestement été pour eux moins satisfaisantes, je n’aurais pas eu la même impression.

L’amertume est un autre sentiment qu’il est essentiel de laisser de côté dans les démarches professionnelles. Il arrive à tout le monde de connaître des déceptions En recherche d’emploi, elles se succèdent souvent en lot… Il n’est par ailleurs pas constructif d’en faire étalage en entrevue. Si vous avez connu un revers de fortune professionnel, il n’est pas utile de le cacher. Par contre, ne vous laissez pas entraîner dans le piège de la compassion ! Si votre interlocuteur se montre sympathique à votre cause, ne prenez pas ça pour une invitation à vous vautrer dans le récit de votre malheur.

Je n’oublierai jamais la remarque ironique qu’un client m’a faite en réponse à ma demande de commentaire suite à une entrevue avec une (jeune) candidate que je lui avais référé, il y a plusieurs années. « Nous avons beaucoup parlé. Ça du lui faire du bien, mais je pense quand même qu’elle aura besoin de consulter un thérapeute ». Face à un interlocuteur amical et chaleureux, la jeune femme avait simplement oublié qu’elle rencontrait un employeur potentiel. Elle s’était laissé glisser dans une longue complainte sur les difficultés qu’elle avait connues en recherche d’emploi.

Les aléas de votre recherche d’emploi ne concernent qu’un petit cercle d’intimes. Dans des entretiens d’information, comme en entrevue d’emploi, même s’ils y paraissent sympathiques, épargnez à vos interlocuteurs le détail de vos déboires. 

Heureusement moins fréquemment manifestée, mais selon moi l’attitude la plus regrettable à démontrer en entrevue, c’est l’envie. Il m’est arrivé malgré moi d’être la dépositaire étonnée de remarques désobligeantes de candidats à l’égard de leurs prochains, du genre « si Untel, qui n’est pas qualifié, a un job, je ne vois pas pourquoi je n’en décrocherais pas un ! ».

J’ai malheureusement aussi trop souvent entendu « Avec toute mon expérience, j’ose espérer qu’il y a un poste pour moi quelque part, on emploi des jeunes qui ne savent rien faire ! » et aussi « Si les boomers peuvent prendre leur retraite, les gens de ma génération auront finalement accès à des postes intéressants ». 

Chaque âge a ses défis. Assurez-vous de bien vous outiller et vous préparer pour relever les vôtres. Jeune ou plus vieux, si vous êtes en entrevue c’est pour discuter du futur, pas de votre passé, trop court ou trop long. 

Ne laissez pas à votre interlocuteur le soin de deviner ce qui serait pour vous un futur souhaitable, dites-lui. 

Trop Jeune Ou Trop Vieux

Ce monde est partagé en deux
Mais pas pour ceux qui se comprennent avec les yeux
Trop jeune ou trop vieux
Ça n’a jamais voulu rien dire
On est vivant tant qu’on a l’âge de sourire

Trop gris ou trop bleu
Quelle est la vraie couleur du jour ?
C’est chaque fois question de cœur, question d’amour
Je connais des arbres
Plus forts que tous les hivers
Et des fleurs qui ne supportent pas la lumière

Il y a des églises
Enracinées dans leur printemps
Et des ruines qui n’ont pas vingt ans
Trop jeune ou trop vieux
Laissez-moi rire doucement
Le soleil est un enfant

Trop jeune ou trop vieux
Mathusalem était les deux
Jérusalem est à la mode et c’est tant mieux
Trop jeune ou trop vieux
La maxi-jupe est déjà morte
Et ça fait deux ou trois cent mille ans qu’on la porte

Trop jeune ou trop vieux
Le rock était né avant nous
Et des martiens le danseront bien après nous
Trop jeune ou trop vieux
Les cheveux courts, les cheveux longs
C’était réglé déjà du temps des pharaons

À force d’aller
Contre le vent ou dans le vent
On finit par vivre dans du vent
Trop jeune ou trop vieux
De Charlemagne à grand-maman
Nous sommes tous des enfants

jeune