Un travailleur autonome est un fournisseur de service, au même titre qu’un avocat, qu’un architecte paysager, qu’un géant de la télécom. Un travailleur autonome, c’est aussi quelqu’un de flexible, qui fait bien des courbettes pour accommoder ses clients. Mais ce que le travailleur autonome n’est pas, c’est une carpette où s’essuyer les pieds.

Les histoires concernant les pigistes qui tardent à se faire payer sont de plus en plus nombreuses autour de moi. Les ententes ne sont pas respectées, les clients font attendre, et les pigistes doivent répéter leurs demandes d’être payés. Savez-vous combien c’est désagréable, de quémander ce qui nous est dû? Pire, de se frapper à la réserve inépuisable d’excuses servies par le mauvais payeur pour se justifier? C’est toujours un problème de système, une nouvelle clause au contrat, une démission, la grand-mère qui a mangé le devoir. Mais jamais jamais jamais de la mauvaise volonté, ben non, faudrait surtout pas penser ça.

ÇA VA FAIRE.
Ça va bien faire, même.
Est-ce qu’un client accepterait qu’un pigiste lui rende son travail avec des semaines de retard? Jamais. Faut cesser de nous prendre pour des cons, là.

Les journées de retard sont toujours trop nombreuses. Toujours dérangeantes. Ces journées (semaines, mois!) de retard causent chez certains de réels problèmes, une réelle détresse. Et pourtant, POURTANT. Ça n’est pas au client de décider quand il paye. Chaque pigiste a ses termes de paiement, et c’est à celui qui l’embauche de les respecter, point à la ligne. Les termes de paiement ne conviennent pas au client? On en discute, on trouve des solutions quand c’est possible. Mais le client n’a pas le droit de décider en cours d’entente que LUI ne respecte pas ses obligations. Tout comme le pigiste ne peut pas décider en cours d’entente qu’il ne livre pas un script de 30 secondes, mais bien un script de 15.

Nous, pigistes, quand on nous demande de rendre un travail le 12 mars, ne le rendons pas le 3 avril. Nous, pigistes, respectons les dates de tombées, les processus, les façons de faire du client. Nous, pigistes, justifions le travail à grands coups de feuilles de temps. Nous, pigistes, faisons tout pour ne pas laisser tomber le client, quitte à annuler nos plans. Nous, pigistes, traitons nos clients avec respect. Nous, pigistes, ne demandons rien en retour. Sauf être payés à temps, comme un avocat, un architecte paysager ou un géant de la télécom. Côté exagération, on repassera.

J’ai donc pris l’habitude de discuter des termes de paiement en amont. De bien faire comprendre mes exigences au client qui veut m’embaucher. On ne m’engage pas pour mes beaux yeux, comme je ne travaille pas pour des sourires. C’est un échange sain, qui permet aux deux parties de bien saisir les attentes de l’autre.

Mais si, aujourd’hui, les pigistes se passaient le mot sur ces très très mauvais clients? Et si les pigistes refusaient de se plier à la tyrannie de ceux qui ont une réputation de mauvais payeurs et exigeaient 50% de la paye en amont? Et si, un jour, les mauvais payeurs se retrouvaient sans ressources? Et si ça poussait les mauvais payeurs à revoir leurs façons de faire parce que plus personne ne veut travailler pour eux?

Ils sont rares, les mauvais clients. Très rares, même. Mais quand ils sont mauvais, ils sont Mauvais-avec-un-M majuscule. Le moment est venu pour les pigistes de ne plus accepter de se faire traiter n’importe comment, surtout par n’importe qui. Les Mauvais clients ne méritent pas les Bons pigistes. Mais surtout, les Bons pigistes, eux, méritent les Bons clients. Ça tombe bien : ils sont légion. Alors laissons tomber les Mauvais : ils s’étoufferont dans leur médiocrité.

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J'ai quinze ans de pub derrière la cravate, tant en agence que du côté client. J'ai une grande gueule et une plume acérée. Et rassurez-vous : je ne suis pas toujours fâchée.
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