Je n’aime pas les généralisations, du moins lorsqu’elles sont appliquées aux personnes. Je ne compte plus le nombre de fois où on m’a demandé « qu’est-ce que les employeurs pensent de (compléter par la préoccupation de la personne qui s’exprime) », comme si ceux-ci formaient un groupe homogène, qui adhère à des valeurs communes. Je suis sans cesse irritée par les affirmations stéréotypées, qui attribuent à tout un genre les caractéristiques déplorées chez un individu : « Ton chum t’a trompée, on sait bien, tous les hommes sont des salauds ! »

En psychologie sociale, la généralisation est la tendance des individus à classer leurs semblables en catégories plus ou moins stéréotypées. Les stéréotypes, qui ne sont pas nécessairement négatifs, ont pour fonction de rendre l’environnement complexe dans lequel on vit, plus compréhensible et prévisible (Hamilton & Trolier, 1986).

Les stéréotypes sont à la base des préjugés. Des chercheurs en psychologie sociale (Gergen et Jutras) ont défini le préjugé comme « une prédisposition à réagir défavorablement à l’encontre d’une personne sur la base de son appartenance à une classe ou à une catégorie de personnes ».

De nos jours, en matière de généralisation, la cible de prédilection de plusieurs semble être les milléniaux. Une recherche rapide sur Google vous indiquera tous leurs défauts (et il semblerait qu’ils en ont vraiment beaucoup !) et vous permettra de vous abreuver de conseils pour les attirer, susciter leur engagement, travailler avec eux ou leur vendre. On croirait presque en fait que cette génération est idéale pour les gens de marketing, puisqu’elle parait former un seul segment totalement uniforme !

Puisque je crois qu’il est nécessaire de considérer les personnes que l’on rencontre dans leur individualité, plutôt que d’adopter des raccourcis, en référant à des généralisations relatives à leur appartenance à un groupe social, j’ai immédiatement été interpellée par cet article Le phénomène « génération Y » : symbole d’une plainte existentielle ?, paru dans la Revue multidisciplinaire sur l’emploi, le syndicalisme et le travail (REMEST) 

Les chercheurs des départements de relations industrielles et de sociologie qui ont produit cet article démontrent « que l’explication sociocognitive sous-jacente au concept de génération ne tient pas et que le phénomène Génération Y relève du mythe », en prenant appui sur les récentes recherches sur le sujet.   Ils expliquent que les caractéristiques que l’on attribue aux membres de la Génération Y ne seraient pas propre à une génération, mais plutôt caractéristiques de la jeunesse.

Ils émettent l’hypothèse que le discours actuel sur la génération Y « revêt les allures d’une plainte existentielle et revendicatrice émanant de cadres et de gestionnaires et faisant écho aux difficultés et aux frustrations que ces derniers rencontrent dans cette société managériale postfordiste. »

Donc, les gens d’âge mûr se plaindraient des plus jeunes et les accableraient de tous les torts, parce qu’ils vivent eux-mêmes des frustrations ? Ils critiquent les jeunes parce qu’ils osent revendiquer ce qu’ils n’ont pas pu obtenir eux-mêmes ? Bien sûr les Y ne se privent pas non plus de faires des reproches aux X et aux boomers. 

Pourtant, quand on navigue sur le marché du travail, on est tous dans le même bateau, jeunes et plus vieux. L’organisation d’aujourd’hui, axée sur l’optimisation de la productivité, met à l’épreuve chacun d’entre nous — nous devons tous nous adapter à des changements rapides et continus, sans perdre la boussole. Dans un tel contexte, il me parait plus constructif (et productif !) de faire cause commune et de rechercher la complémentarité qui réside dans la différence. En s’attardant à connaître les particularités de chacun, on peut voir quel peut être son apport spécifique à l’objectif commun. 

Lorsqu’on cesse d’appliquer des généralisations à des groupes de gens, on découvre que les différences ne sont pas si importantes et qu’il est en fait possible d’établir des collaborations fructueuses et durables avec une myriade de personnes. Mais bien sûr ça requiert du temps et de l’effort, il serait tellement plus facile de se référer à un mode d’emploi. 

Alors, si vous voyez un fossé, investissez vos efforts à le combler, ne le creusez pas davantage…

générations

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Nathalie Lord

Conseillère en transition professionnelle

Lord & Complice

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