L’agence montréalaise Laprod n’est pas seulement spécialisée en événements, mais bien en expériences de marques. Selon son président, Serge Pointet, lorsque l’on parle d’événements, il ne suffit pas de réaliser un projet; il faut aussi créer de l’émotion, du contenu et une interaction avec son public.

Laprod ne réalise pas seulement des événements : elle crée des expériences mémorables. D’ailleurs, l’agence montréalaise a récemment été mandatée par La Mode en Images (LMI) pour produire nul autre que le défilé de Givenchy, lors du New York Fashion Week de cet automne, et, par la même occasion, célébrer les 10 ans de son créateur, Riccardo Tisci. Tout un honneur que de se voir confier ce mandat, dans le cadre de la très convoitée NYFW, sans compter que l’agence célèbre elle aussi ses 10 années dans l’industrie. Le Grenier Magazine s’est entretenu avec son président et fondateur, Serge Pointet, qui a récemment été nommé « Personnalité de la semaine », par La Presse. Nous lui avons demandé de nous parler de son prestigieux mandat, mais aussi de l’évolution du travail dans l’industrie de l’événementiel.

Laprod est une agence spécialisée en « événementiel de marque », mais vous semblez beaucoup miser sur le terme « expérience de marque » lorsque vous décrivez vos services. Que voulez-vous dire par là?
Serge Pointet : Pour nous, créer un événement, c’est faire vivre une expérience. Aucun autre média ne permet ce contact privilégié avec les consommateurs. Simplement avoir la chance de parler directement de sa marque avec le public, c’est puissant en marketing. C’est rare d’avoir autant de temps de contact privilégié avec son public.

Selon vos valeurs d’entreprise, il y a trois notions fondamentales et indissociables pour réussir un événement, soit la perception, le contenu et l’interaction. Pouvez-vous nous en dire plus sur ces trois notions?
S. P. : La perception, positive ou négative, c’est ce qui fait qu’on est intéressé à quelque chose ou non. Le branding de l’événement est donc important. Est-ce que c’est beau? Est-ce que ça me tente d’y aller? Ensuite, l’interaction doit s’établir entre la marque et les gens qui seront à l’événement. L’interaction amène donc au 3e point : le contenu. Sans interaction, il n’y aura pas de création de contenu. Et le contenu, quant à lui, va faire en sorte que tu vas te rappeler de la marque, parce que c’est le contenu qui reste, à la fin ! Sans contenu, il n’y a pas de pertinence à faire de l’événementiel. Il faut toujours avoir un équilibre entre ces trois piliers pour que ça fonctionne. Sans ces trois notions combinées, les gens vont trouver ça joli, interagir avec la marque, mais ne se souviendront pas du tout de ce que la marque voulait dire.

Avez-vous un mode d’emploi lorsque vous créez un événement? Comment est-ce que vous vous y prenez?
S. P. : La première chose à faire, c’est de déterminer l’objectif. Les objectifs de l’événement vont déterminer l’ensemble de l’œuvre. Même quand on pense qu’il n’y a pas d’objectif en événementiel, il y en a! L’art de l’événementiel, c’est donc la capacité à diffuser un contenu, de façon amusante et pertinente, tout en atteignant les objectifs prédéterminés.

L’agence a maintenant 10 ans, qu’est-ce qui a le plus changé dans le paysage de l’événementiel, au cours des dernières années?
S. P. : Ces dernières années, le plus gros changement en événementiel, c’est l’avènement des médias sociaux! Il y a 10 ans, ils n’existaient pas, mais ils ont carrément révolutionné l’événementiel, autant par la façon dont on l’approche, que par la manière dont on le réfléchit et qu’on l’organise. Le « avant-pendant-après » l’événement a complètement changé. Maintenant, on est capable d’aller cibler un public et de diffuser l’information que l’on veut sur notre événement « avant », alors que « pendant », on peut créer un lien entre notre événement et les médias sociaux. Puis, finalement, l’« après » nous permet de relancer les gens. Pour moi, c’est ça la grande révolution!

Comment utilisez-vous les médias sociaux en événementiel, chez Laprod?
S. P. : Une des choses que je dis à mes clients, c’est qu’il faut être présent et qu’il faut connaître les plates-formes des médias sociaux, et ce, avant la tenue de l’événement. On ne peut pas espérer des résultats probants si on se lance sur les médias sociaux au moment de l’événement. Il doit y avoir un certain build up, et la marque doit être présente sur le Web avant même de penser à une activation des médias sociaux pendant l’événement. Lorsqu’on crée un événement, les réseaux sociaux doivent être pris en compte dès le départ et faire partie intégrante du concept.

Donc, selon vous, le fait de simplement créer un hashtag pour un événement, ça ne sert à rien?
S. P. : Non, ça ne sert à rien. Et pourtant on le voit tous les jours! Parfois, on voit quatre tweets sur un événement… c’est ridicule ! Il vaut donc mieux de ne rien faire. Ça prend bien plus qu’un hashtag : ça prend un plan stratégique tout au long de l’événement. La réalité, c’est qu’en événementiel, il y a peu de réactions instantanées. Ainsi, il faut solliciter les gens pour qu’ils réagissent sur les médias sociaux. C’est rare que les gens, par eux-mêmes, vont participer à une campagne sur les réseaux sociaux, dans le cadre d’un événement.

Comment peut-on rendre les gens « intéressés », et les motiver à participer à des discussions sur les médias sociaux?
S. P. : Nous, on utilise peu de staff promotionnel. On engage plutôt des comédiens lors de nos événements. C’est un aspect qui nous différencie des autres, je crois. Donc le côté interactif, le dialogue, est beaucoup plus important de par la nature du personnel sur place. Les comédiens vont accueillir les gens et les pousser dès le départ à participer à la discussion sur les médias sociaux, en leur posant des questions, en leur disant d’utiliser le hashtag choisi et en leur demandant de réagir à ceci ou à cela.

Vous avez brièvement parlé de blogueurs tantôt, c’est une stratégie qui est de plus en plus utilisée par les marques. Elles veulent que les blogueurs les aident à aller chercher un reach, pour ensuite engager la discussion dans un certain domaine d’activité. Êtes-vous pour ou contre cette stratégie?
S. P. : Je ne suis pas du tout contre les blogueurs engagés. Comme vous dites, c’est normal pour une marque de vouloir s’assurer une base pertinente de contenus et un minimum d’activité au niveau de la discussion sur le Web, par exemple. Par contre, le but ultime d’une marque, c’est de faire réagir le consommateur, et non le blogueur. Toutefois, le blogueur peut quant à lui faire réagir le consommateur. La stratégie des médias sociaux en est un très bon exemple : si on a un hashtag et que les blogueurs sont là pour l’activer, puisque c’est dans leur mandat, ça peut aider à engager la discussion, donc peut-être que d’autres embarqueront dans le mouvement. Les blogueurs, c’est la base, mais ça doit simplement t’aider à aller rejoindre ton vrai public.

Finalement, Laprod a récemment été mandatée par La Mode en Images (LMI), pour produire le défilé de Givenchy de NYFW. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce mandat et nous raconter comment cette association est arrivée?
S. P. : La Mode En Images est une agence avec laquelle j’ai travaillé longtemps lorsque j’étais à Paris et je la connais très bien. Avant le NYFW, on avait déjà fait des choses pour les Français, à New York entre autres : un lancement de parfum pour Dior, un défilé pour Lacoste, etc. On avait déjà prouvé notre plus-value. Culturellement aussi, les Français et les Québécois sont beaucoup plus proches, en termes de valeurs et de philosophie de travail, qu’un New-yorkais et un Parisien. C’est donc naturel pour les Français de venir vers nous : on a la même culture d’entreprises et de services. Laprod était la seule agence capable de livrer un projet comme celui-là, en termes de qualité et de compréhension de la marque.


Article paru dans le Grenier magazine du 7 novembre 2015. Pour vous abonner, cliquez ici.


Photo : C’était la première fois, depuis 1945, que la maison Givenchy décidait de présenter sa nouvelle collection à New York, plutôt qu’à Paris. Cet événement à grand déploiement a eu lieu au bord de la rivière Hudson, cet automne, et il était ouvert au grand public. Il y avait environ 2000 personnes venues du public, en plus de la presse et des invités, soit autour de 4000 personnes en tout.