Dernièrement, au Canada, Apple Music a lancé son offre streaming & radio sur Internet, permettant à l’auditeur d’ignorer un nombre illimité de publicités, tout en lui donnant la possibilité d'ajouter toute musique de son choix à sa bibliothèque personnelle. De l’autre côté du spectre, on retrouve les radios traditionnelles, qui demandent sans cesse un assouplissement des quotas francophones au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), ne serait-ce que pour les adapter à la réalité de la concurrence d’aujourd’hui.
Si la politique d’Apple Music s’appliquait à nos stations de radio, choisiriez-vous d’ignorer les chansons francophones? C’est ce que craint le CRTC et c’est justement pourquoi les quotas de diffusion de musiques francophones ont été introduits; afin de répondre aux défis liés à la diffusion de la musique locale. Sur une semaine de sept jours, une station de radio francophone est donc tenue de jouer 65 % de contenu francophone et 35 % de contenu canadien. Pour une station anglophone, c’est 35 % de contenu canadien et pas plus de 50 % de « hits ». Selon le CRTC, la diffusion sans restriction de contenu étranger nuirait à la création de musique locale et à l’accès à celle-ci.
Un peu à la manière de Netflix versus une chaîne de télévision traditionnelle, les stations de radio canadiennes sont assujetties à des normes de diffusion de contenu canadien, pour veiller à la protection, de même qu'à la promotion, de nos artistes et de notre langue. Toutefois, selon les gros joueurs de la radiodiffusion, ces éléments nuisent à leur compétitivité par rapport à des stations non réglementées auxquelles les auditeurs ont accès : que ce soit via la Webradio, la radio satellite ou tout simplement grâce à un puissant signal radio. « De ce que j’ai pu constater des rapports du CRTC, la plupart des diffuseurs sont à peine conformes avec les exigences de diffusion de musique francophone (pour les stations francophones) ou de musique canadienne (pour les stations anglophones), confie Steve Faguy, spécialiste des médias. Ça m'apparaît donc clair que sans les quotas, ils en diffuseraient encore moins! Déjà, on a vu se propager des moyens utilisés pour contourner ces règlements, par exemple en jouant de longs montages de chansons anglophones, qui comptent comme une seule chanson, selon les règles du CRTC. Le conseil a par la suite limité l’utilisation des montages, pour ainsi freiner cette tactique.»
À plusieurs reprises, l’Association canadienne des radiodiffuseurs (ARC) a proposé que l’on abaisse le niveau actuel de musique vocale de langue française. L’ARC a invoqué le fait que l’écoute des francophones, particulièrement des jeunes, se tourne de plus en plus vers les stations de langue anglaise pouvant être captées dans ces régions; on n’a qu’à penser à toute la polémique entourant l’arrivée du 94,7 HITS-FM, une station basée aux États-Unis dont le signal se rend jusqu’à Montréal. Puisqu’il s’agit d’une station américaine, le 94,7 FM est exempté de la réglementation du CRTC en ce qui concerne la langue et la diffusion de contenus canadiens. CHOM, Virgin et The Beat, ses principaux compétiteurs, doivent, quant à eux, diffuser 35 % de musique canadienne, alors que HITS-FM peut diffuser absolument tout ce qu’elle veut, ou plutôt, selon ses dires, tout ce que les auditeurs veulent.
« On fait de bien bonnes choses ici, en termes de musique, nous explique Francis Gilbert, qui anime le Décompte Franco, à CKOI FM, depuis trois ans. Toutefois, en tant que radiodiffuseur, on doit faire des choix selon notre format et, surtout, selon les demandes de notre auditoire. Prenons à preuve les mégas succès, comme Espionne Russe de Joseph Edgar, ou Fleur Bleue de Simon Boudreau... Un artiste n’a pas besoin de quota pour obtenir un succès! Si une chanson est bonne, si un artiste est apprécié, l’auditeur aura un coup de cœur. D’un autre côté, si on veut continuer de développer des talents, la radio FM doit survivre et, pour survivre, elle se doit d’être concurrentielle et d’offrir ce que l’auditeur [client] recherche. »
À l’opposé, le milieu du disque veut maintenir le pourcentage de musique vocale de langue française au niveau actuel, pour promouvoir l’industrie. La chanteuse québécoise Fanny Bloom, récipiendaire du titre "Album de l’année 2012" à l'adisq, pour la sortie de son premier album, se confie : « La radio est un moyen beaucoup plus efficace que l’on pourrait le croire, pour faire connaître et découvrir la musique d'ici. Le quota de musique francophone est donc vraiment important. Je crois également que les gens qui écoutent beaucoup la radio finissent par aimer ce qu’ils entendent. Donc, en diffusant plus de chansons francophones, les gens embarqueraient certainement, parce que la qualité de la musique francophone est indéniable! »
Sources : 1- Le site officiel d’Apple Music, 2- Le site officiel du CRTC, 3- Un article tiré du blogue Fagstein.
Article paru dans le Grenier magazine du 3 octobre 2015. Pour vous abonner, cliquez ici.