Racheter une agence ou en créer une nouvelle? Partir à neuf ou établir un partenariat collaboratif? Se spécialiser ou opter pour du 360? Nous avons demandé l'opinion de Jean-Philippe Shoiry de Republik, qui a racheté l'agence en 2013 avec son partenaire Vincent Fortin afin de connaître les avantages, inconvénients et défis d'une telle procédure.

Grenier aux nouvelles (GN): Comment s’est déroulé la transition et qu’est-ce qui a encouragé cette décision?

Jean-Philippe Shoiry (JPS): «Vincent et moi sommes des amis de longue date, et il y a longtemps que nous nous étions identifiés comme des partenaires potentiels. On avait reconnu une complémentarité entre nous au niveau entrepreneurial. Vincent est plus du type opérations, down to earth, dans ce qui se passe au jour le jour, alors que moi je suis plutôt dans la vision à long terme.

Dans le cas de Republik, c’était vraiment une coïncidence. Vincent y travaillait déjà, il était au fait des dossiers et de l’équipe. Robert Beaudoin, le fondateur, était en fin de carrière et cherchait à passer le flambeau. Il avait jonglé avec l’idée de fusionner avec une grosse boîte, mais c’était plus intéressant pour lui de conserver l’entité telle qu’elle était, après l’avoir bâtie de toutes pièces. J’ai commencé à faire de la pige pour Republik, et rapidement, les flûtes se sont alignées avec Robert et Vincent.

GN: Est-ce que l’ancien propriétaire s'est impliqué dans cette transition?

JPS: «Nous nous sommes entendus sur un plan de transfert progressif sur deux ans, qui nous faisait devenir partenaires en janvier 2013. C’était un transfert en deux phases, avec le rachat officiel en janvier 2015, qui se finalise. Robert a conservé son rôle de stratège et de président dans l’entreprise et il était présent à tous les jours durant cette transition.

Cette longue période nous aura permis de bien comprendre l’entreprise, son offre de services, son positionnement et sa perception dans le marché. Comme Republik passait d’un actionnaire président seul à trois associés, c’était important de valoriser l’implication de tout le monde. Et somme toute, la transition s’est très bien passée. Robert a su nous faire confiance pendant tout le processus, même si nous sommes jeunes et qu’il s’agit de notre première entreprise.

GN: Est-ce qu’il a eu un rôle de mentor pour vous?

JPS: «C’est certain que lorsque tu t’associes à quelqu’un qui a 40 ans d’expérience, tant à son compte qu'en grandes agences, qu’il a développé des réflexes professionnels et d’affaires propres à l’industrie, son expertise est la bienvenue. Il a su mettre les freins à certains moments en nous apprenant à ne pas dire oui à tous les projets de façon systématique. Mais inversement, notre arrivée lui aura permis de le challenger sur certains trucs et d’énergiser les approches.»

GN: Quels conseils donneriez-vous à ceux qui souhaitent acquérir une agence déjà existante?

JPS: «C’est vraiment une question de fit entre les individus. Si Robert, Vincent moi n’étions pas arrivés à s’entendre sur la transition, ça n’aurait tout simplement pas fonctionné. Et en publicité spécifiquement, il faut évaluer la relation client, jauger si le client est attaché à Robert ou à l’entreprise, voir si les affinités existent toujours entre les nouveaux associés et la personne qui a recruté ces clients-là. C’est du relationnel, en bout de ligne, il faut être capable d’entretenir le lien de confiance avec le client en lui démontrant qu’on comprend ses enjeux d’affaires, ses besoins et ses objectifs.»

GN: Quels sont les pours et les contres du rachat d’une agence versus la création d’une nouvelle agence?

JPS: «Il y a beaucoup plus de pours, à mon avis. Premièrement, la marque existe déjà, dans notre cas depuis 16 ans, elle est connue de beaucoup de gens autant dans l’industrie que du côté des clients. Le portfolio de réalisations existe déjà, la clientèle est établie avec de vrais budgets et de vrais objectifs, la business est plus tangible, on a des états financiers sur lesquels s’appuyer. C’est plus facile pour la vente, d’avoir la possibilité de s’asseoir sur les beaux coups du passé. Il y a un aspect crédibilité à cette option qui pèse lourd dans la balance. Après, il y a plein de choses anodines auxquelles on ne pense pas nécessairement mais qui ont beaucoup d’importance, comme le fait d’avoir des comptes ouverts et des termes de paiements établis auprès des médias, par exemple.

Le plus gros défi, à mon avis, c’est d’avoir une marque qui a déjà son positionnement et sa culture d’entreprise, dans ce cas-ci, celle de Robert. Arriver avec de nouvelles idées et réussir à les mettre en place n’est pas toujours évident. Pour faire une analogie de start-up, tu ne pars pas en petit bateau speedster pour aller où tu veux, tu es déjà en mer avec un paquebot solide mais qui prend plus de temps pour tourner.»

GN: Quels sont vos objectifs à court et long termes?

JPS: «En ce moment, nous sommes à finaliser les détails de la transaction au niveau du buy-out, mais toutes les clauses et les montants étaient déjà mis en place. Il ne nous reste qu’à optimiser la transaction au niveau fiscal avec nos conseillers légaux.

Nous ne prévoyons pas de changements majeurs, mais on reconnaît déjà quelques défis. L’agence, par exemple, n’est pas spécialisée, ni en service, ni en industrie; nous souhaitons nous spécialiser afin de faciliter le processus de pitch, de mieux se positionner face aux gros joueurs et aux clients, de devenir les meilleurs dans notre segment de marché. Mais ce changement n’est pas tant dû au rachat qu’à l’évolution de l’industrie. Le chiffre d’affaires de l’agence, à notre arrivée, était pratiquement à 100% en médias traditionnels, alors que maintenant c’est plus 50-50. Il faut s’adapter aux nouveaux médias, et aux besoins qui changent.

Pour le moment, on aime bien notre titre de petite agence, très agile et très forte au niveau stratégique et relation client.»