On le voit venir de loin, l’annonceur qui commande un coup créatif vite et à emporter. Quelques minutes plus tard, la campagne est servie chaude, prête à surfer sur la tendance du jour. Bienvenue dans l’ère du fast-marketing, où l’on peut désormais commander une publicité au service au volant pour combler sa fringale de réactivité dans un délai serré et pour une consommation instantanée.

Pour Simon Litalien, président chez Kabane, le fast-marketing n’est pas un plat qu’on sert à toutes les sauces. C’est un outil qu’il faut manier avec discernement, transparence et stratégie. Car si un contenu minute peut rassasier, une trop grande dépendance à la malbouffe risque de nuire à la santé d’une marque.

Simon Litalien

Un marketing d’opportunités
Selon Simon, le fast-marketing n’est pas synonyme de travail bâclé : « C’est un marketing d’opportunités. Tu as une marque, un client, et tu saisis ce qui se passe rapidement. Ce n’est pas une fin en soi, mais un outil dans la boîte à outils des agences ». Il précise que c’est une manière de « capitaliser sur la réactivité, les délais courts et le temps réel pour produire nos publicités afin de générer de l’engagement ou de la visibilité. C’est une culture du quantitatif plutôt que du qualitatif. »

Simon rappelle que le fast-marketing n’est pas né avec l’intelligence artificielle (IA). On n’a qu’à penser aux célèbres échanges humoristiques de Maxi sur les réseaux sociaux, qui ont longtemps servi de référence en matière de réactivité. Mais l’IA agit aujourd’hui comme un véritable accélérateur. Elle permet de livrer rapidement des campagnes qui auraient été inimaginables à ce rythme il y a quelques années. Kabane en a fait la démonstration avec Sprint, lors du dernier Super Bowl. Bien sûr, la marque n’avait pas les moyens d’acheter un spot pendant l’événement, alors l’agence a imaginé ce que ce serait si Sprint y avait été.

Le résultat est une publicité réalisée à petit budget, entièrement produite avec l’IA et livrée en un temps record. Le tout assumé avec transparence, jusqu’à revendiquer l’aspect expérimental de la démarche. « On s’est amusés, et on l’a dit haut et fort », insiste Simon Litalien, qui voit dans ce type d’initiative un moyen de créer du bruit tout en assumant pleinement la nature de l’exercice.

Chez Kabane, la réactivité n’est pas un caprice, mais une nécessité, explique Simon. « Tout est une question d’objectifs et de budget disponible. On souhaite la performance de nos campagnes autant créative que dans les résultats. Les besoins des clients ont changé, leur réalité aussi, on n’a pas le choix d’aller plus vite. Les habitudes de consommation des médias changent aussi et il y a une grosse culture du contenu jetable. Donc oui, on y a recours. Est-ce que c’est notre façon préférée de travailler ? Non. » La nuance est importante. Kabane n’abandonne pas les grandes campagnes, les fondations stratégiques restent là, solides. Mais la spontanéité devient une garniture essentielle. « On bâtit des stratégies qui vont nous permettre d’établir les fondations, un socle solide. Cette base ne bouge pas. Le reste peut effectivement s’y attacher en fonction du contexte. »

Les risques de l’indigestion
Nous avons tous en tête les récents ratés du fast-marketing lié, entre autres, à une mauvaise utilisation de l’IA. Il faut être prudent et travailler intelligemment insiste Simon. « Le fast-marketing peut assurément nuire à la construction d’une marque forte et cohérente à long terme. D’où l’importance d’avoir son socle stratégique solide », souligne-t-il.

Faut-il choisir entre le fast-marketing et les grandes campagnes léchées ? Simon ne croit pas à cette opposition simpliste.« Oui, une agence peut faire du fast-marketing et du marketing plus raffiné. Les deux cohabitent bien. » Les grandes offensives stratégiques demeurent essentielles pour construire l’ADN d’une marque. Le fast-marketing, lui, permet d’être dans la conversation au quotidien.

Le fast-marketing est-il une mode passagère ou une habitude durable ? Litalien est prudent : « Chaque révolution technologique a forcé l’industrie à s’adapter. L’IA évolue plus vite que tout le reste. On ne sait pas encore où ça s’en va, mais une chose est sûre : les agences doivent l’apprivoiser. »

En attendant, la tendance n’est pas près de ralentir. Le fast-marketing, c’est comme une poutine à 2h du matin. Ça peut être excellent, marquer la soirée et générer des conversations pendant des jours. Mais en faire son seul régime ? Mauvaise idée.