Ce qui s’annonçait comme une mission estivale ardue — trouver des personnes motivées pour parler de surcharge mentale en pleine saison de la gougoune et des courriels automatiques d’absence — s’est finalement révélé assez simple. Plusieurs collaborateur·rices ont levé la main avec enthousiasme ! Cela confirme une chose : en 2025, la question de la surcharge mentale est loin d’avoir été épuisée. Pour mieux comprendre cette réalité, j’ai discuté avec Sann Sava, fondatrice de l’agence Nosolo, qui m’a partagé son expérience et ses stratégies concrètes pour préserver l’équilibre dans un milieu qui évolue à vitesse Grand V.

Sann Sava

L’évolution d’hier à aujourd’hui
La surcharge mentale dans les milieux créatifs n’est pas nouvelle, mais elle a changé de visage. Sann se rappelle qu’en 2008, « faire une nuit blanche pour un pitch, c’était normal. Et valorisé ». Pourtant, la pression la plus lourde venait surtout d’elle-même. Dans un secteur historiquement masculin, elle ressentait le besoin de légitimer sa place.

Aujourd’hui, l’épuisement est davantage intérieur, particulièrement chez les jeunes, tiraillés entre réseaux sociaux, intelligence artificielle et peur de décevoir. Un rapport compilant plusieurs études auprès des professionnel·les du marketing révèle que 46 % d’entre eux présentent des signes d’anxiété modérée à sévère, et 83 % ont déjà souffert d’épuisement professionnel.

Passion et limites : un piège pour les créatif·ves
Le sociologue Mark Deuze souligne un paradoxe intéressant : travailler « pour la passion » est à la fois un privilège et un piège.

Dans ces métiers où la créativité est au cœur de l’activité, la frontière entre engagement personnel et charge mentale professionnelle s’efface facilement. La passion pousse à repousser les limites, à travailler hors des horaires habituels, et à accepter la surcharge sans même s’en rendre compte.

Cette relation intense au travail crée une vulnérabilité au stress, car plaisir et motivation peuvent masquer les signaux d’alerte. Reconnaître que la créativité ne peut pas fonctionner à plein régime 24/7 est essentiel. Accepter les cycles naturels de productivité et valoriser les pauses profite autant au bien-être qu’à la qualité des idées.

Sann partage ce point de vue, rappelant que personne ne peut donner son 110 % en permanence. Comme un fleuve, notre créativité a des marées hautes et basses. Autant apprendre à surfer sur la vague plutôt que lutter contre le courant.

La speed culture : une course contre la montre
Selon Sann, la course à la performance s’est accentuée : « Il faut faire toujours plus avec moins. C’est la “speed culture” : on valorise parfois la vitesse plutôt que la justesse. » Les délais raccourcissent, les tendances évoluent constamment, et les temps morts créatifs ont quasiment disparu.

Elle déplore la disparition des pauses informelles : « Combien de tables de baby-foot prennent la poussière ? »

L’impact est tangible : insomnies, doutes, perte de motivation. « Plus on est sous pression, moins on crée du bon », résume Sann. À cette pression s’ajoutent l’essor de l’IA, les notifications incessantes et les réseaux sociaux, qui amplifient la comparaison constante et renforcent le stress.

Solutions concrètes pour retrouver l’équilibre
Quand on est à bout mais que le projet doit avancer, Sann rappelle qu’il est rare de trouver un espace d’écoute sincère : « Il faut créer des milieux où on peut dire “Je suis fatigué·e”, sans craindre les répercussions. »

Certaines agences prennent le temps d’identifier ce qui motive leurs talents, pour leur confier des projets qui leur parlent. Résultat : moins de stress, plus d’énergie, des idées qui jaillissent.

Parmi ses astuces, elle recommande les walking meetings. Une étude de Stanford montre que la production créative augmente de 60 % quand on marche plutôt que quand on reste assis. Alors, pourquoi ne pas troquer quelques heures derrière un écran contre une marche en plein air ?

Initiatives qui font la différence
Sann a constaté des changements inspirants : « J’ai vu des semaines de 4 jours repensées, des plages sans meetings, des formations en santé mentale, et même des gyms, coachs sportifs et massothérapeutes au bureau… Ça impacte la création. »

Elle rappelle : « Le cerveau créatif n’est pas une machine à rendement. Il a besoin de vide pour faire des connexions, de respiration pour créer. »

Outils pour combattre la surcharge mentale
Pour gérer la pression, Sann s’appuie sur quatre outils essentiels : l’humour pour dédramatiser, la discipline pour garder le cap, la reconnexion au réel avec des activités manuelles comme le jardinage ou la rénovation, et le Flip Mental — une méthode inspirée de Brooke Castillo pour transformer les situations négatives en opportunités, qu’elle partage aussi en conférence.

« Trop de pression tue la création. La surcharge mentale étouffe la légèreté, la spontanéité, l’audace… et l’humour. La création devrait rester fun », affirme Sann.

Elle a récemment vu cette philosophie porter ses fruits : un projet mené dans une ambiance amusante a connu un succès phénoménal !

Ce n’est pas un hasard — dans le monde créatif, le fun n’est pas la cerise sur le sundae, c’est la recette.

Si vous avez lu jusqu’ici en hochant la tête, considérez cela comme un petit signe de l’univers : vous méritez une vraie pause. Sans culpabilité (et surtout, sans notifications activées).