Alors que Marc tente de naviguer dans une mer d’opinions et de signaux faibles, cette série suit pas à pas son effort de réinvention.
La semaine dernière, il était dépassé par les réponses reçues.
Cette semaine, il se tait. Il assiste. Il observe une réunion où les tensions éclatent… et comprend, enfin, qu’il n’a pas besoin de tout résoudre pour pouvoir guider.
—
Marc entre dans la salle de travail de la création avec en tête une chose : ne pas imposer, ne pas diriger, juste rester. Il est là pour observer. Pour comprendre. Mais très vite, le réel se charge du scénario.
Sophie, la directrice du groupe service-conseil, entre rapidement, laptop en main.
— On vient d’avoir un retour du client. Ils veulent avancer la présentation à lundi. Et ils trouvent que la piste actuelle… « manque d’audace ».
Luc, DA senior, s’exaspère :
— Ah, come on! Ils veulent plus d’audace, après avoir tué les deux idées les plus risquées ?
Sophie soupire.
— Je vous rapporte le message, OK ? Ils trouvent que ça « ressemble à une ancienne campagne ». Ils veulent du neuf, plus punché, moins prudent. Mais sans s’éloigner de la nostalgie et des valeurs familiales de la marque.
— Ils veulent tout pis son contraire, comme d’hab.
Marc ne dit rien. Il observe. Puis, calmement :
— Sophie, t’as une idée de pourquoi ça sort comme ça, là, à la dernière minute ?
Elle réfléchit.
— Ils ont une présentation interne. La nouvelle VP marketing est débarquée avec une nouvelle vision. Y’a de la pression. Ils veulent marquer un coup.
Marc hoche la tête.
— Fait que dans le fond, ils sont stressés. Pis leur stress, on l’hérite.
Silence. Puis, il se tourne vers Luc.
— Toi, qu’est-ce qu’il te faudrait pour pouvoir vraiment pousser une idée qui te rend fier ?
Luc cligne des yeux, surpris par la question.
— Du temps. Du vrai temps. Du recul. Un nouveau rédac. Notre pigiste a commencé un nouveau mandat, il n’est plus dispo. Peut-être même impliquer un ou deux autres cerveaux. La stagiaire qui est super sharp, pis Émilie en média, elle a une bonne lecture stratégique.
Marc hoche la tête.
— OK. 15h, pizza sur la table, du sucre, les portes barrées, annulez vos meetings. Une session juste pour ça. Zéro deadline, juste de la réflexion. Sophie, demande à ta cliente le strict minimum qu’il lui faut pour la campagne. Et si on pouvait avoir une semaine de plus.
Luc sourit malgré lui, sachant que Sophie n’accepterait jamais.
— Sophie?
Sophie se redresse :
— Je peux voir s’ils nous donnent jusqu’à mardi matin mais ils n’accepteront jamais de pousser leur rencontrer d’une semaine. Même 24h de plus, ça nous permet de respirer un peu.
Marc :
— Regarde leur horaire, mais on ajuste la demande en conséquence. Appelle-les. Dis-leur qu’on travaille quelque chose de fort, mais qu’on veut le faire bien. Pas dans la panique.
Élodie, la directrice de création qui avait été silencieuse pendant tout le meeting, prend une grande inspiration.
— J’peux-tu juste… aller marcher 30 minutes ? J’ai besoin de décrocher avant de replonger. Ma tête va exploser.
Luc :
— Moi aussi. Sinon j’vais juste copier-coller des trucs que j’ai déjà faits. Ou sauter sur un GPT.
Marc les regarde.
— Allez. Changez de décor. À 15h, on se retrouve ici. C’est moi qui paye la pizza. Je vais dire à Sophie d’annuler vos autres meetings cet après-midi.
Luc, en sortant :
— Commence pas à penser que tu viens de révolutionner l’agence en annulant des meetings et en nous donnant de la pizza et 24h de plus. On est quand même dans le rush.
– Un pas à la fois.
Marc sourit.
—
Il ressort son carnet de notes.
Et si la vraie audace, c’était de reformuler les contraintes de façon empathique ?
Est-ce que je peux cultiver un espace vivant, même dans des contraintes rigides ?