Popularisée par le New York Times avec l’acquisition de Wirecutter, l’affiliation s’impose comme un modèle de revenus en pleine expansion dans le monde des médias. Au Québec, bien que plus discrète, elle gagne du terrain comme alternative aux modèles traditionnels. Pour accompagner cette transition, plusieurs entreprises québécoises ont développé des solutions d’affiliation adaptées aux réalités locales. Marie-Claude Ravary de Milesopedia et François Charron du Club Boomerang partagent leur approche pour intégrer l’affiliation aux réalités du marché québécois.
Face à la chute des revenus publicitaires et à l’érosion des modèles traditionnels de financement, les médias québécois cherchent de nouvelles sources de revenus. L’affiliation, qui permet de générer des commissions sur des ventes réalisées via des liens traçables, est une avenue de plus en plus explorée. Des acteurs comme Protégez-Vous, Le Journal de Montréal, L’actualité et francoischarron.com ont déjà adopté ce modèle, mais son efficacité et son impact éditorial soulèvent des questions.
Créé en 2015 par Jean-Maximilien Voisine, Milesopedia a intégré l’affiliation quelques mois plus tard, après avoir été approché par la Banque Scotia. Aujourd’hui, le site s’est spécialisé dans les cartes de crédit et les programmes de fidélisation, faisant de l’affiliation son principal moteur de revenus. Pendant la COVID, Protégez-Vous l’a sollicité pour développer un nouveau comparateur de cartes de crédit. Voyant le potentiel, Jean-Maximilien et son équipe ont décidé d’élargir l’offre à d’autres médias et créateurs de contenus. L’initiative a porté fruit, car le comparateur est désormais disponible sur plus d’une douzaine de sites partenaires.
D’autres entreprises québécoises, comme PlanHub, Talent.com, Goloot et Club Boomerang, développent des solutions adaptées aux besoins des médias d’ici, en proposant d’intégrer en marque blanche leur offre d’affiliation allant du magasinage de forfait cellulaire, à l’achat de vêtement en passant par la recherche d’emplois.
Avec Club Boomerang, son président, François Charron, a voulu créer un modèle où chacun y trouve son compte. « Quand j’ai décidé de lancer un programme d’affiliation, j’aimais l’idée d’y intégrer un système de cashback (remise en argent), parce que j’aime les modèles qui s’autoalimentent », explique-t-il.

Concrètement, chaque vente génère une commission qui est ensuite répartie entre Club Boomerang, le consommateur et le média à l’origine de la transaction. Une approche qui, selon François, valorise le rôle des éditeurs et renforce le lien entre un média et son audience. « Chaque consommateur reste lié à son média d’origine à vie, ce qui signifie que ce dernier continue de percevoir des commissions sur chacune de ses transactions futures », précise-t-il.
Monétisation et intégrité journalistique
L’un des défis majeurs de l’affiliation reste l’équilibre entre monétisation et rigueur journalistique. Par maintenir une impartialité, Milesopedia recommande sur son comparateur de cartes de crédit avec lesquelles elle est affiliée que celles pour lesquelles elle ne reçoit aucune commission. François Charron, quant à lui, mise sur la transparence avec Club Boomerang, qui reverse une partie des commissions aux consommateurs. Selon lui, « si c’est bien fait, tout le monde y gagne : le lecteur, le média et l’annonceur ». Le risque de biais commercial est réel. Les médias doivent établir des balises claires et faire preuve de transparence. « L’important, c’est de ne jamais devenir un panneau publicitaire déguisé. Si ton lecteur sent qu’il se fait passer un sapin, il ne reviendra pas », souligne François Charron.
Un modèle d’affaires viable ?
L’affiliation est-elle un modèle d’avenir pour les médias québécois ? François Charron en est convaincu, mais insiste sur l’importance du volume et de la pertinence du contenu. « Un article bien référencé peut générer des revenus récurrents, mais il faut une stratégie robuste et du contenu de qualité », souligne-t-il. Marie-Claude Ravary et lui s’accordent sur le point que l’affiliation repose sur la performance et la quantité du contenu. « C’est une course de fond, pas un sprint. Ceux qui s’attendent à des résultats immédiats risquent d’être déçus », souligne Marie-Claude.

L’affiliation ne peut compenser la chute des revenus publicitaires, mais elle aide à diversifier le financement. Dans un paysage où les modèles traditionnels de monétisation sont en perte de vitesse, des plateformes comme PlanHub, Talent.com, Goloot et Club Boomerang, offrent des solutions adaptées aux besoins des médias québécois. L’enjeu pour les médias n’est pas seulement d’adopter l’affiliation, mais de l’intégrer intelligemment. Il s’agit de trouver un équilibre entre monétisation et rigueur éditoriale afin de préserver la confiance de l’audience. Un usage transparent et bien encadré de l’affiliation peut non seulement générer de nouveaux revenus récurrents, mais aussi renforcer le lien avec l’audience en proposant des recommandations pertinentes et utiles.