On est toutes et tous influenceur·ses.

Eh oui, que vous le vouliez ou non, vous exercez une influence sur les gens qui vous entourent : vos amis, vos collègues, vos proches. Et eux aussi vous influencent. C’est ce que Robert Cialdini, psychologue américain de renom, a baptisé la preuve sociale (social proof), un principe qui dit que l’humain a tendance à adopter les comportements ou opinions des autres, surtout ceux qui lui ressemblent.

Bien que la théorie de Cialdini date de 1984, elle n’a jamais été aussi pertinente qu’aujourd’hui, avec l’essor du marketing d’influence. Ce fameux marketing qui nous pousse à acheter un kit de blanchiment des dents à deux heures du matin après avoir vu une célébrité québécoise affirmer que ça fonctionne super bien et que c’est totalement indolore (oui, c’est du vécu).

Le marketing d’influence a fait son entrée au Québec au début des années 2000, mais c’est autour de 2010, avec les blogueuses et Youtubeurs (on pense à Camille DG et PL Cloutier) qu’il a vraiment explosé. Depuis, grâce aux réseaux sociaux, le phénomène a pris de l’ampleur et a permis à des personnes comme des mamans cool, des geeks et des passionnés de soins de la peau de se faire un revenu d’appoint. Certaines marques, comme Frank & Oak et Mejuri, doivent même leur succès à cette stratégie.

En 2025, le marché du marketing d’influence atteindra 34,2 milliards de dollars. Pas étonnant quand on sait que les marques qui l’exploitent efficacement génèrent en moyenne 5,78 $ pour chaque dollar dépensé. Mais qui sont vraiment ces influenceur·ses qui font la différence ?

Influenceur·ses 101 : qui fait quoi ?
Si la preuve sociale semble évidente, c’est la diversité des profils d’influenceur·ses qui joue un rôle fondamental dans la réussite des campagnes. Pour mieux comprendre, on fait appel à Vicky Boudreau, cofondatrice de Heylist, et Maude Perreault, fondatrice de Nellie Marketing.

Vicky Boudreau
Vicky Boudreau

Selon les expertes, on peut généralement classer les influenceur·ses en quatre paliers, établis en fonction de leur portée. Les seuils permettant de définir chaque palier varient d’un pays à l’autre, m’expliquent-elles. Par exemple, dans un marché comme le Québec, une personne comptant plus de 250 000 abonné·es sur Instagram sera considérée comme une célébrité, tandis qu’aux États-Unis, il faut en compter plusieurs millions avant d’atteindre ce niveau.

- Les macro-influenceur·ses (ou célébrités) ont la portée la plus grande. Souvent issue du milieu du divertissement (Alicia Moffet, Math Duff), ces figures jouent un rôle plus aspirationnel, dit Vicky Boudreau. Elles sont sollicitées par des grandes marques pour leur capacité à atteindre une large audience en un instant. Cependant, leur engagement avec leur communauté est parfois moins direct, ce qui peut rendre leur influence moins personnelle et plus superficielle. 

- Les intermédiaires (mid-tier) : Ces influenceur·ses, comme Julie-Anne Ho ou Aly Brassard, ont entre 50 000 et 250 000 abonnés. Leur portée est respectable, tout en gardant une certaine proximité avec leur audience. Ils exploitent des niches et font des collaborations à l’échelle nationale.

- Les micro-influenceur·ses : Avec des communautés entre 10 000 et 50 000 abonnés, ces créateurs·ices ont un pouvoir considérable grâce à l’engagement fort d’un public plus restreint mais extrêmement fidèle. Maude Perreault les décrit comme des gens dont le quotidien nous intéresse, avec des recommandations crédibles pour des restos, cafés, boutiques et plus encore. C’est le cas par exemple de Michelle Furtado ou d’Elye Lemieux.

- Les nano-influenceur·ses : Avec des communautés encore plus petites, ces personnalités locales sont souvent perçues comme les plus authentiques. Elles entretiennent une relation intime avec leur audience et leurs recommandations valent de l’or. « C’est comme une meilleure amie par extension », résume Maude Perreault. Bien que les nano-influenceur·ses aient une portée plus limitée, leur taux d’engagement est souvent supérieur à celui des célébrités.

« En résumé, plus on monte la pyramide, plus on obtient de la notoriété. Plus on descend, plus on a de l’engagement », explique Vicky Boudreau.

heylist
Visuel fourni par Heylist

L’essor de TikTok et des nano-influenceur·ses
Ce qu’on observe depuis la pandémie, avec la croissance explosive de TikTok, c’est la montée en puissance des nano-influenceur·ses. Les marques se tournent de plus en plus vers les petits joueurs. Selon eMarketer, la part totale des dépenses de marketing d’influence aux États-Unis pour les nano-influenceur·ses a augmenté de 11 % entre 2021 et 2024, tandis que la part des macro-influenceur·ses a diminué de 10 %. Cela s’explique notamment par la rentabilité surprenante des nano-influenceur·ses qui offrent un ROI plus de trois fois supérieur à celui des macro-influenceur·ses. On parle d’un rendement de 20 fois l’investissement, en moyenne. Disons que ce n’est pas négligeable.

La confiance qu’instaurent les nano-influenceur·ses avec la communauté est payante, pensent les expertes. « Si Ford est commanditaire d’un festival et qu’il y a des événements à Sept-Îles et à Saguenay, on va inviter des personnalités locales à vivre l’expérience en tant qu’invitées de Ford. Ce sont des gens qui ont peut-être 600 abonné·es, mais ce sont des abonné·es engagé·es et réellement influencé·es par leurs recommandations. » Une telle approche permet aux marques de maximiser leur impact auprès de publics ciblés et pertinents.

Plusieurs campagnes récentes démontrent à quel point les influenceur·ses, même de petite taille, peuvent jouer un rôle clé dans le succès d’une marque ou d’une initiative. Maude Perreault évoque notamment une collaboration réussie avec les Comités sectoriels de main-d’œuvre (CSMO) pour le recrutement dans le secteur de l’éducation à la petite enfance. « On a collaboré avec des créatrices de contenu qui étaient elles-mêmes éducatrices, ainsi qu’avec des mamans influenceuses. On a aussi travaillé avec des athlètes de natation qui parlaient de leur rôle de maman et de l’importance des éducatrices. » Cette approche a permis de créer un contenu authentique et engageant, fidèle aux valeurs des audiences ciblées.

Maude Perreault
Maude Perreault

L’authenticité : le vrai secret des campagnes qui fonctionnent
Existe-t-il donc une recette universelle pour réussir une campagne de marketing d’influence ? Non, mais les marques ayant les moyens devraient exploiter chacun des niveaux d’influence, conseille Vicky Boudreau. « Je recommande toujours aux clients de repartir des objectifs de la marque et de déterminer comment chaque palier peut amplifier la stratégie marketing. »

Par ailleurs, Maude Perreault insiste sur la pertinence de l’influenceur·se choisi·e. C’est pourquoi son équipe a défini trois persona distinctes : les personnalités publiques, les créateur·rices de contenu et les influenceur·ses. « Avant de se demander si on désire collaborer avec un macro ou un nano-influenceur, on doit déterminer quelle catégorie d’influenceurs répond aux objectifs de marque afin de s’assurer que l’association est naturelle et pertinente. Ça ne suffit pas de faire du beau, il faut faire du bon. » 

Et faire du bon, en 2025, c’est faire du contenu authentique. En effet, l’essor des nano-influenceur·ses a aussi eu pour effet de valoriser les contenus plus spontanés et naturels, sans filtres ni production ultra léchée. Exit la perfection, on veut du vrai. On veut que les gens nous présentent des pans de leur vie en toute transparence, sentir la proximité et les ressemblances pour se laisser influencer tout naturellement. Preuve sociale à l’appui.

Bien choisir sa collaboration
Alors, comment les marques peuvent-elles s’assurer de développer des partenariats qui leur collent à la peau ? En faisant appel aux agences spécialisées comme Heylist et Nellie Marketing, entre autres.

Heylist propose une technologie hyper conviviale qui connecte les marques et les agences aux créateur·rices de contenu et automatise toutes les étapes des campagnes. Un outil dont Vicky Boudreau rêvait depuis longtemps et qui s’est finalement concrétisé en 2024. Depuis le lancement de la plateforme, plus de 5500 nano-influenceur·ses de 27 pays différents s’y sont inscrits, entrant volontairement les informations permettant d’établir leur « casting ». Les marques qui travaillent avec Heylist ont ainsi accès à la banque d’influenceur·ses et peuvent faire leurs choix en fonction de plus de 200 critères, allant des adeptes de transport en commun aux personnes ayant des pellicules. À même la plateforme, les marques peuvent communiquer avec les influenceur·ses, puis accéder aux résultats de leurs campagne en temps réel. Tout est comptabilisé et automatisé.

Chez Nellie Marketing, on prône notamment l’utilisation d’outils pouvant évaluer la santé et la performance de la communauté. « Pour éviter les coups d’épée dans l’eau, on analyse de façon très minutieuse les données relatives à l’activité de l’audience. Si elle est composée de gens qui ont abandonné leur compte ou qui suivent 1500 personnes, il y a peu de chances que ta publicité ait l’effet escompté. La taille de la communauté n’a pas tellement d’importance si celle-ci n’est pas performante. »