En publicité, les duos créatifs sont l’équivalent d’étoiles binaires, comme deux entités qui gravitent l’une autour de l’autre, amplifiant leur éclat respectif. Parfois on peut même parler de partenariats uniques qui redéfinissent les règles du jeu. Parmi ceux qui marquent les esprits, le duo de Maxime Jenniss, directeur de création, et de Marie-Eve Best, directrice de création exécutive chez LG2, incarnent une alliance aussi contrastée que complice : il est un punk invétéré, elle une Swiftie assumée. Pourtant, leur vision partagée sur les valeurs, le storytelling et l’individu les propulse vers des sommets créatifs. Voici leur portrait, articulé autour de quelques questions qui en disent long sur leur dynamique remplie de rire et de respect.
Parlons un peu de vos parcours respectifs. Pourquoi avoir choisi la publicité, et qu’est-ce qui vous attire dans ce milieu ?
Marie-Eve : Mon parcours est assez atypique. J’ai commencé par des études en histoire de l’art et j’ai travaillé dans des galeries. Puis, une job d’été comme coordonnatrice dans une boîte de pub m’a fait découvrir cet univers. J’ai travaillé dans des grandes agences, des petites agences, name it. Aujourd’hui, chez LG2, dans mon rôle, j’aborde tout de façon très holistique. J’aime parler plusieurs « langues », si on veut et toucher à tout. Je crois que c’est ça qu’on a en commun avec Maxime : une grande curiosité et cette envie d’explorer différentes facettes du métier.
Maxime : Mon parcours a aussi été sinueux. Au départ, je voulais aller en criminologie. Après une technique policière et un passage en criminologie à l’université, j’ai finalement bifurqué en communication, puis en design graphique. Ironiquement, je ne voulais rien savoir de la pub à l’époque, je voyais ça comme « le mal ». Je voulais faire du design. Mais finalement, j’ai rejoint Taxi, puis Bos, et c’est là que mon parcours en pub a vraiment décollé. Je me suis finalement ramassé chez LG2 à travailler sur des projets comme celui du Fonds FTQ, où j’ai rencontré Marie-Eve.
Qu’est-ce qui vous passionne le plus dans votre rôle respectif chez LG2 ?
Maxime : En tant que directeur, ce que j’aime le plus, c’est travailler avec les jeunes. Depuis la pandémie, le télétravail a creusé un fossé entre juniors et seniors, rendant l’apprentissage du métier plus long et difficile. L’encadrement est essentiel dans un milieu aussi stressant et exigeant que la pub. Maintenant, ce que j’adore en tant que créatif, c’est la diversité des projets. Trouver et faire vivre des idées, peu importe la forme, c’est vraiment ce qui me motive.
Marie-Eve : Ça rejoint ce que je dis souvent à propos de mon parcours : on a souvent essayé de me mettre dans une boîte en agence, mais moi, j’ai toujours voulu explorer. Chez LG2, on célèbre la curiosité, et ça me permet non seulement d’avoir enfin la possibilité de faire ce que je fais de mieux (soit de sortir de la boîte) mais aussi d’enfin pouvoir mobiliser des talents variés autour de la table.
Selon vous, quand on parle de duos créatifs : les contraires s’attirent ou les pareils s’assemblent ?
Maxime : La meilleure recette, c’est d’avoir des compétences complètement différentes. Si tout le monde autour de la table a les mêmes skills, ça n’apporte pas de couleurs ni de richesse au projet. Il faut que les gens puissent se compléter. C’est encore plus important quand il y a plusieurs personnes dans la pièce : la diversité des compétences devient essentielle.
Marie-Eve : Exactement, sinon, ça ne marche pas. On a longtemps parlé de « fit d’équipe », mais ça se limitait souvent à embaucher des gens identiques, avec les mêmes points de vue ou le même sens de l’humour. Aujourd’hui, les agences cherchent plus de diversité, et ça fait du bien. Cela dit, le fit reste important : une fois que les compétences diffèrent, il faut trouver un point commun pour que les gens s’entendent et que ça tienne.
Maxime : Il faut aussi beaucoup d’ouverture. C’est un métier particulier, la création. Honnêtement, c’est bizarre quand on y pense, comme carrière.
Marie-Eve : Oui, c’est difficile à expliquer à quelqu’un qui n’a jamais fait de création ou qui n’a pas travaillé en agence. Une collaboration réussie en création demande une énorme ouverture d’esprit et beaucoup de vulnérabilité. C’est quétaine à dire, mais c’est vrai. Quand les personnes autour de la table sont accueillantes et ouvertes aux idées des autres, tout devient plus plaisant et productif. Sinon, c’est l’enfer. Et il faut le dire : il faut aussi savoir laisser son ego de côté.
Vous avez des intérêts très différents dans votre vie personnelle – punk pour l’un, Swiftie pour l’autre. Comment votre dynamique fonctionne-t-elle concrètement ?
Maxime : On a envie de travailler avec des gens qui veulent le bien des autres. C’est super important pour nous que l’équipe ait du plaisir et se sente en sécurité, pas juste les créatif·ves, mais tout le monde. Une bonne dynamique d’équipe, ça mène forcément à de meilleurs résultats.
Marie-Eve : Oui, mais on partage une vision très holistique. On ne se limite pas au mandat devant nous. Max et moi, on circule beaucoup dans l’agence et on va chercher les meilleur·es talents pour chaque projet.
Quel est l’avantage d’avoir un·e partenaire créatif·ve à vos côtés dans un environnement où les idées doivent toujours se renouveler ?
Marie-Eve : Max et moi, on n’est pas une équipe classique de création, comme un concepteur-rédacteur et un D.A. On a été jumelé·es pour un gros mandat en continu, et c’est en naviguant à travers ce projet qu’on a appris à se connaître. Très vite, on a compris nos rôles respectifs et on a évité de dédoubler nos efforts. C’est essentiel de ne pas avoir peur d’avoir ces discussions dès le début d’une collaboration.
Maxime : Exact. Moi, je connais mes faiblesses : je suis un gars d’image, pas de mots. Marie-Eve, avec son background en conception-rédaction, m’apporte beaucoup là-dessus. J’aime qu’on croise nos forces plutôt que de travailler en parallèle. Ça crée une dynamique où nos compétences s’enrichissent mutuellement.
Marie-Eve : Avant même de commencer à travailler ensemble, on a pris le temps de jaser de nos forces et de nos faiblesses autour d’une pizza, et ça a tout changé. Penses-tu ?
Maxime : Oui ! C’est important de nommer ses faiblesses, comme je le dis souvent aux jeunes. Les cacher ne mène nulle part. Au contraire, reconnaître où tu es moins fort·e te permet d’avoir un meilleur soutien et fait progresser. C’est une leçon que j’ai retenue d’un mentor : la vraie force, c’est de s’appuyer sur ceux et celles qui complètent tes faiblesses.
Les duos dans l’industrie publicitaire sont courants. Pourquoi, selon vous, est-il important d’avoir des duos créatifs ?
Maxime : Les duos ne sont pas valorisés partout. Certaines agences les encouragent, d’autres non. Moi, je pense qu’une équipe solide gagne en confiance. À deux, c’est plus facile d’affronter un mandat, de se soutenir, surtout dans un domaine comme la pub, où on traverse souvent des tempêtes.
Marie-Eve : Oui, et c’est rare de trouver quelqu’un avec qui tu peux travailler huit heures par jour. Quand ça fonctionne, c’est presque magique. Mais ça ne doit pas être forcé, sinon ça ne marche pas. Chaque talent a des besoins différents : certains ont besoin d’un partenaire, d’autres de silence ou de brainstorms. Mais une bonne équipe, c’est vraiment un atout face à la pression et aux échéances.
Maxime : C’est vrai. J’ai eu dix partenaires dans ma carrière, et à chaque fois, ça m’a fait grandir. Tu apprends de nouvelles choses avec chaque personne, et ça change tes idées.
Comment voyez-vous l’évolution des attentes envers les créatif·ves dans un monde qui change rapidement et qui impose de plus en plus la collaboration avec l’IA ?
Maxime : J’utilise l’IA comme un outil, mais il faut bien comprendre ses limites. C’est essentiel de garder le contrôle et d’être curieux de ce que chaque marque ou client·e a vraiment besoin. L’IA peut aider, mais la créativité reste entre nos mains.
Marie-Eve : C’est utile, oui. Il faut rester curieux et curieuses sans s’épuiser ni perdre nos instincts. Aujourd’hui, les tendances explosent et tout le monde essaie de comprendre et d’anticiper ce qui s’en vient. Mais le danger, c’est de vouloir trop s’informer et de perdre ce qui anime notre créativité. Au final, les gens viennent vers nous pour notre créativité. C’est notre valeur ajoutée, et on ne doit jamais l’oublier.
Si vous deviez choisir une qualité que vous admirez chez l’autre ?
Marie-Eve : Max est une force tranquille. Quand ça va mal, il reste rassurant, et toute l’équipe se tourne vers lui. Je ne suis pas comme ça, et j’aimerais m’en inspirer pour être plus posée.
Maxime : Moi, j’admire la capacité de Marie-Eve à garder le focus. Même quand ça dérape, elle reste concentrée sur le mandat et continue d’avancer, alors que moi, j’ai tendance à me disperser.
Enfin, quelle est la chose qui vous surprend encore aujourd’hui chez l’autre, même après avoir travaillé ensemble ?
Marie-Eve : Sa patience. Il a énormément de choses sur les épaules, et pourtant, il reste toujours calme. Parfois, je m’attends à ce qu’il explose, mais non. Son niveau de patience me surprend encore.
Maxime : Ce qui me surprend, c’est qu’on ne perd jamais notre sens de l’humour. On tient à avoir du fun, on garde du recul, et on ne se prend pas trop au sérieux. Bon… Sauf sur ma photo.
Et une petite dernière pour la blague : si vous deviez créer une pub pour votre duo, quel serait le slogan et pourquoi ?
Maxime : Marie-Eve a payé cher deux fois pour voir Taylor Swift et faudrait me payer cher pour aller voir Taylor Swift.
Marie-Eve : Haha ! Effectivement.