Dans l’univers d’Audrey Malo, l’humour surgit là où on ne l’attend pas, au détour d’un clin d’œil subtil ou d’une imperfection savamment orchestrée. Portrait d’une illustratrice montréalaise assumée (et très humble !).
Crédit photo : Marco Di Bennardo
Une passion cachée sous des crayons… et des doutes
« Petite, je dessinais tout le temps, mais je n’imaginais pas que ça pourrait devenir un métier. Je pensais que pour en vivre, il fallait aller ailleurs, comme en Europe ou aux États-Unis. À l’époque, l’illustration, c’était vraiment une niche au Québec », confie Audrey en souriant. Son amour d’enfance pour les dessins et son obsession des « p’tits détails » l’ont pourtant menée à une carrière qu’elle n’aurait jamais osé imaginer. Après un DEC en design graphique qui ne la séduit pas complètement, elle bifurque vers les beaux-arts à l’Université Concordia, où la peinture et la sculpture nourrissent ses réflexions. Mais le doute persiste : devenir artiste à plein temps semble hors de portée. Elle avoue candidement que son parcours académique a été marqué par un manque de confiance en elle, mais elle a gagné en assurance au fil de ses études. « Je me cherchais, dit-elle. Je voulais affiner mon style, trouver une voix qui m’était propre. »
Trouver sa signature
C’est en 2015, lors de son deuxième bac à l’UQAM en design graphique, que les choses prennent (enfin) forme. Avec l’essor des réseaux sociaux qui transforme le paysage créatif, le soutien de l’iconique agence d’Anna Goodson, qui sera un véritable tremplin pour sa carrière, sa signature visuelle se précise. « Mon trait a évolué à mesure que je comprenais ce que je voulais raconter. Ça m’a pris du temps, mais aujourd’hui, je suis à l’aise avec mon univers », confie-t-elle.
Son nom est désormais synonyme de talent et de versatilité. Audrey Malo collabore avec des marques, des agences de publicité ainsi que des éditeurs de livres pour enfants, une reconnaissance qui témoigne de l’étendue de son style. Pour une jeune Audrey qui doutait autrefois de ses compétences, difficile de ne pas être impressionné·e par un portfolio qui aligne des noms comme The New York Times, The Washington Post, The Globe and Mail, VICE, Reebok, The Hollywood Reporter, Moment Factory, Le Devoir, Tim Hortons, Loto Québec, Fast Company, Reader’s Digest, Brasserie Dunham, La Presse, et bien d’autres.
Peut-être même avez-vous croisé ses illustrations qui ponctuent le site du Grenier ? Ou encore l’avez-vous croisé au Salon du livre de Montréal grâce à ses albums jeunesse ? Chaque projet est pour elle une occasion de laisser une empreinte visuelle unique. Un récent projet qui l’a fait vibrer même si ce n’est « pas tout à fait son style actuel » ? Le rebranding des chips Munchies Canada. « Cette marque avait cessé sa production dans les années 90, mais elle a récemment fait son retour, et je me suis occupée des personnages. C’est vraiment fun ! », lance-t-elle.
Un style qui s’impose
Reconnaissable entre mille, le style d’Audrey Malo se distingue par une minutie obsessionnelle. « Je suis très pointilleuse sur l’épaisseur des traits et la symétrie. Chaque ligne doit être à sa place, même dans un univers un peu farfelu », explique-t-elle. Son humour, glissé subtilement dans chaque illustration, oscille entre légèreté et mordant. Il se cache dans les coins, comme une surprise que l’on découvre en se perdant dans les détails. « J’adore quand quelqu’un remarque un détail auquel je n’avais pas mis en avant », dit-elle, amusée.
Cette obsession pour les détails va bien au-delà de la simple esthétique. Lorsqu’on lui commande un portrait, Audrey se plonge dans l’univers de son sujet, cherchant à capter l’essence de la personne à travers son environnement. « Je demande toujours des photos de la maison ou de l’espace de vie. Même les éléments les plus discrets, parfois “insignifiants”, trouvent leur place dans mes dessins. Ça m’aide à comprendre qui est la personne, et ça se reflète dans le portrait. »
Audrey note que les tendances en illustration sont variées, mais qu’il existe un intérêt croissant pour des illustrations qui reflètent l’authenticité et la personnalité des sujets. C’est d’ailleurs ce qu’elle cherche à capturer dans chaque projet. Cette attention aux détails et ce souci de personnalisation confèrent à son travail une dimension profondément personnelle et unique.
De l’idée à la réalisation : une danse créative
Le processus créatif d’Audrey est une danse entre rigueur et spontanéité. « D’abord, il y a l’esquisse, cette étape parfois monotone, mais essentielle. Ensuite, c’est la magie. Les traits prennent forme, et là, c’est là que je commence à m’amuser. La couleur, c’est la cerise sur le sundae. » Si la technologie est un outil clé dans son travail, Audrey garde une relation toute particulière avec ses crayons. « J’aimerais avoir plus de temps pour dessiner à la main. C’est plus instinctif, un plaisir différent. Mais avec les mandats qui s’enchaînent, ce n’est pas toujours possible », avoue-t-elle.
Entre les délais serrés et les projets créatifs, Audrey a tout de même appris à préserver son équilibre. « Comme il fait noir tôt en ce moment [NDLR : l’entrevue a eu lieu en plein cœur de l’hiver], je sors profiter du soleil quelques heures par jour et je travaille davantage le soir. Si une activité avec des ami·es se présente, je la priorise et je rattrape le travail plus tard, même le week-end si nécessaire. » Cette flexibilité lui permet de préserver un bien-être essentiel à sa créativité. Comme quoi c’est un luxe d’aimer ce qu’on fait, mais encore faut-il savoir décrocher.
L’avenir en couleurs
Malgré son succès, Audrey se souvient de ses humbles débuts. « Ça n’a pas été facile : je me demandais pourquoi je n’arrivais pas à percer dans mon domaine. J’ai traversé beaucoup de remises en question, enchaîné des side jobs pas très glorieux (RIRES) et ça a pris du temps avant de me faire une place. En ce moment, je suis là où j’aurais rêvé d’être à la sortie du cégep. »
À ceux et celles qui aspirent à vivre de leur art, Audrey conseille de cultiver leur singularité tout en restant ouvert·es aux collaborations. « Construisez un portfolio qui reflète votre unicité, mais qui montre aussi que vous pouvez vous adapter. Connectez-vous avec d’autres créatif·ves : le réseau et le bouche-à-oreille sont précieux », suggère-t-elle.
Et quand on lui demande si elle a des projets pour 2025, elle mentionne presque en passant qu’elle publiera un livre pour enfants aux éditions Fonfon au printemps prochain. Humble, on vous disait !
Pour plonger dans son univers mêlant légèreté et détails surprenants, visitez son site web ou celui d’Anna Goodson.