L’Association des agences de communication créative (A2C) intronise Yves Lapierre (profil Allié) au Temple de la renommée.

Profil allié
Yves Lapierre
Fondateur, Studio Tempo (1972 à 2003)
À la tête du Studio Tempo, qu’il a fondé en 1972 et maintenu en opération durant 30 ans, Yves Lapierre a composé une portion incroyable des ritournelles publicitaires (jingles) qu’on a pu entendre au Québec pendant ces années-là. Aussi bien dire qu’il a collaboré avec la grande majorité des agences et des annonceurs. Pendant toutes ces années, il a aussi continué de travailler avec des artistes d’ici, comme arrangeur ou réalisateur, sur des albums, et composé des musiques de film. Le Studio Tempo, au confluent de la publicité et de la culture, a donc contribué à la fois à soutenir les artistes d’ici, tout en étant un des piliers de l’édifice publicitaire.
Avant de fonder Tempo, Yves Lapierre avait débuté sa carrière, 10 ans auparavant — à 16 ans — comme membre fondateur du groupe Les Cailloux un quatuor qui fait des chansons à saveur folk. Il joue le banjo, chante et fait les arrangements. « Banjo et guitares, c’était la grosse, grosse mode aux États-Unis à l’époque », dit-il. Le groupe remporte beaucoup de succès, jusqu’à avoir sa propre émission sur les ondes de Radio-Canada, de 1966 à 1968. C’est d’ailleurs là qu’il côtoie le compositeur François Cousineau, avec qui il co-fondera Tempo par la suite.
Il a ses premiers contacts avec l’univers de la publicité dès 1969, via Georges Kwasniak, de l’agence de publicité Quartet, à Toronto. « Mon premier mentor », dit-il. À l’époque, beaucoup de publicités pour le marché québécois étaient adaptées de l’anglais, et Yves s’occupe alors du volet musical. Sa collaboration avec Quartet durera sept ou huit ans. Par ailleurs, pendant cette période, il travaille régulièrement sur des publicités francophones avec Marcel Lefebvre, un autre compositeur — et même auteur — émérite de jingles. « Marcel composait, je faisais les arrangements, dit Yves Lapierre. J’allais chez lui tous les jours ».
En 1972, il fonde le Studio Tempo, en compagnie des musiciens François Cousineau et Bernard Scott. Dès son ouverture, avenue McGill College, le studio propose le nec plus ultra en matière d’enregistrement sonore à Montréal. Et Yves Lapierre, rapidement, y trouve son rôle principal : il est « le » compositeur publicitaire. « Ce qui m’intéressait, c’était d’être occupé, d’avoir de l’action », dit-il. « Me retrouver bourré d’affaires à faire pour hier, aller vite, j’aimais ça. Et aussi, de pouvoir me retrouver à faire du heavy metal un jour, puis à travailler avec un quatuor à corde le jour suivant. Et, on n’avait pas droit à l’erreur : les messages étaient en ondes le lendemain. » En 1976, le studio s’installe dans le lieu qu’il occupera jusqu’à la fin, dans un cinéma désaffecté du quartier Saint-Henri.
Quant aux clients pour qui Yves Lapierre travaille, ce serait à peine exagéré de dire qu’ils y sont tous : les brasseries Molson, O’Keefe et Labatt, Pepsi et Coke, Loto-Québec, Ford, Ski-Doo, Banque de Montréal, Air Canada, Eaton… On peut parier que, pendant cette période, tou·tes les Québécois·es connaissaient au moins une des ritournelles composées par Yves Lapierre, que ce soit Air Canada, on y va, Ça me prend une 50 pour Labatt, Aujourd’hui, c’est Pepsi, ou encore Chin, chin, Cinzano, dont il se souvient comme étant sa première ritournelle. « De la fin des années 60 au début des années 80, la musique était un facteur d’identité très puissant, dit Yves Lapierre. C’était l’époque d’Harmonium, de Beau Dommage… Le jingle idéal possédait des qualités musicales et commerciales. Comme Eaton, Eaton, tant que tu seras dans ma ville, je magasinerai tranquille, à la fin des années 70. Quand ça rentre dans la tête du monde, c’est très efficace ». Il travaille aussi sur des publicités politiques et gouvernementales. « À l’époque du Parti Québécois, il y avait des slogans dans tout ce qu’ils faisaient », se souvient-il. Il compose aussi l’indicatif de Radio-Québec (aujourd’hui Télé-Québec) et l’arrange en de multiples versions, dont une, mémorable, qui intègre le Bolero de Ravel, et chantée par Véronique Béliveau.
Tôt dans les années 1980, Yves Lapierre débute avec McDonald’s — et son agence Cossette — une relation qui durera près de 20 ans. Les ritournelles qui accompagneront les publicités pour les Mc Croquettes, le Quart de livre, le Big Mac et autres, sont le travail du Studio Tempo : une vingtaine de messages télé et une trentaine de messages radio par an. « Yves est un artiste, ce qui me plaisait beaucoup, dit Pierre Ladouceur, qui était directeur de marketing de McDonald’s au Québec. Il avait une très bonne écoute. » Ce qui facilitait d’autant plus la collaboration entre l’agence et le client. « Il m’arrivait souvent de trouver la musique au moment où on me donnait le mandat », dit Yves Lapierre. « La pub est une mosaïque de petits morceaux », dit Jean-François Pouliot, réalisateur de cinéma, qui a déjà été concepteur publicitaire chez Cossette. « La musique donne une colonne vertébrale au message. Comme dans les dessins animés, elle marque le temps et fait passer de A à B. Elle donne le rythme. Yves comprenait immédiatement cela. »
Une autre qualité inhérente à son travail était… Sa grande discrétion. « Il m’arrivait de travailler pour plusieurs concurrents en même temps. J’avais toutes les bières et par moment, ça se promenait d’une agence à l’autre », se souvient Yves Lapierre. « Je me retrouvais avec des secrets que je ne devais surtout pas dire. Sauf une fois, quand je me suis retrouvé avec deux brasseries qui avaient exactement le même slogan. Il n’aurait pas fallu que je ne les prévienne pas ! »
Tout en maintenant ce rythme d’enfer dans ses activités publicitaires, Yves Lapierre n’abandonne pas pour autant le domaine artistique. Il collabore avec François Cousineau sur des arrangements pour des émissions de variétés à Radio-Canada. Il compose et enregistre des disques avec l’auteur et chanteur Georges Dor, écrit et produit des chansons pour le groupe Toulouse, Julie Arel, Renée Claude, Johanne Blouin, Patsy Gallant, Robert Charlebois, Nicole Martin, Jean Lapointe, Ginette Reno et Claude Léveillé. Il compose également de la musique de films et de séries (Ding et Dong, le film, Mustang, La bonne aventure et Jamais deux sans toi). « Je baignais dans tout ça en même temps. Je n’avais pas le temps de dormir », se souvient-il. Surtout qu’au studio, il est à la fois propriétaire, directeur général, compositeur, arrangeur, interprète, agent de casting et producteur.
Les différents volets des activités chez Tempo se nourrissent d’ailleurs entre eux. Des artistes comme le guitariste et compositeur Jean-Marie Benoît — qui fera d’ailleurs partie des associés — les chanteuses Judi Richards, Marie-Lou Gauthier (qui a, entre autres, été choriste pour Céline Dion), Liette Lomez, Johanne Blouin, et des musicien·nes de l’Orchestre symphonique de Montréal, font partie des nombreux artistes qui se retrouvent à travailler sur des publicités. « C’était une période d’effervescence à tous points de vue », se souvient Yves Lapierre. Et, peut-être devient-on plus créatifs dans un petit marché comme le nôtre, alors qu’on se retrouve à produire autant, et autant de choses différentes. »
En 2003, après 30 ans d’existence, le Studio Tempo ferme ses portes sur une génération et une époque. Il faut dire que, depuis, les avancées technologiques ont démocratisé les moyens d’enregistrement, et rendu moins nécessaires les grands studios.
Yves Lapierre, pour sa part, a pris sa retraite en France. Où il cultive maintenant les vignes, sur son propre vignoble.
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10 h le matin, Yves entrait au Studio Tempo.
Ceux qui ne le connaissaient pas pouvaient croire que c’est parce qu’il n’était pas matinal. Que nenni, les amis ! Sachez que sa journée avait probablement commencé autour de cinq ou six heures du matin. C’est dans sa petite salle de musique, assis à son piano droit, qu’il composait dès l’aube les ritournelles qui ont fait travailler une belle quantité de chanteurs et de musiciens d’ici. La légende veut qu’il ait parfois dirigé des sessions dans deux studios en même temps… et pour des concurrents de surcroît ! On se croirait au théâtre d’été.
Classique, country, disco, rock ou jazz : tous les styles et tous les instruments sont passés sous la plume (ou le crayon à mine) de ses arrangements musicaux. Mais saviez-vous qu’à l’université, c’est en contrebasse qu’il a étudié ? Instrument en début de carrière qu’il transportait… dans sa Volkswagen. Oui, Yves a toujours su nous étonner, peu importe l’instrument de musique qu’il touchait ! Bravo mon ami ! Je salue le talent et la passion que je t’ai vus mettre dans tout ce que tu accomplissais. Poutou !
-Annie Chevalier, Boum communications inc.
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Moi j’aime Yves Lapierre
On est dans les années 90. Le temps fou de la pub. Chez Cossette. Tsé quand on peut dire « J’étais là ». Bien que je ne dise jamais mon âge, je me vante d’avoir été là dans ces années-là.
Un compte fétiche : McDonalds. Un client brillant : Pierre Ladouceur. Des créatifs créativement géniaux : Paul Lavoie, Jacques Labelle, Karim Waked, François Forget, Benoit Pilon, pour n’en nommer que quelques-uns, et des collaborateurs qui donnent vie à des concepts de façon magistrale.
Yves Lapierre en était un. On se rendait au studio Tempo au 0707 Charlevoix. Juste l’adresse est un couplet de jingle. Yves était le musicien de l’heure, de l’année, de la décennie, en pub. Souriant, simple, généreux, précurseur. Son studio, ses compositions, ses musiciens, il chantait et jouait du piano. Chaque prod était une partie de plaisir. Il aimait rire Yves. On était en studio deux fois par semaine pour une nouvelle pub. Il fallait s’entendre.
On était impressionnés, nous ti-culs de la pub, par sa grande culture générale. Une culture aussi grande que le vignoble qu’il a acheté en France.
Le vin était sa deuxième passion, à l’époque où ce n’était pas la mode et où le vin bio n’existait pas. Le côtoyer nous donnait de la valeur. Et nourrissait notre cerveau.
Jamais de small talk. On sortait grandis de chaque session, de conversations nourrissantes grands crus. Pis si on était chanceux, il nous accueillait chez lui à Noël avec un vin qui datait de notre année de naissance. Bon, il a triché pour moi : on a bu plus « jeune » ce soir-là, pour ne rien révéler de ma coquetterie. Galant en plus.
Bravo Yves, tu le mérites ce Temple.
-Johanne Pelland, Productrice
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Compositeur émérite et populaire, gestionnaire de studio, Yves Lapierre a lui aussi marqué l’industrie publicitaire du Québec. Pour ma part, j’ai toujours pris un très grand plaisir à travailler avec lui. Notre collaboration la plus marquante fut sans contredit sur McDonald’s, car il fut l’ami et le complice de toutes les équipes de création et de production de l’agence.
À noter que ces trois nouveaux intronisés sont tous animés d’une très grande force créative et entrepreneuriale.
Tous les trois, au fil des temps, sont aussi devenus des amis.
-Jean-Jacques Stréliski, Professeur associé, HEC Montréal
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Yves a commencé sa vie de chanteur et guitariste avec le groupe Cailloux. Le groupe se sépare en 1968 et comme le souligne la discographie du groupe : « Yves Lapierre devient l’un des arrangeurs les plus recherchés du Québec ». Oh que oui ! et Cossette — où je débarque en 1985 — avait déjà bien compris l’ampleur de son talent. J’y découvre tout à la fois un créateur de jingles fécond et un homme d’affaires aguerri. Il a su mieux que quiconque allier créativité et business créant l’indispensable Studio Tempo pour bien servir notre industrie. Il s’y trouve super bien entouré et y compose pour les différentes marques sur lesquelles il bossait des jingles mémorables.
Yves, passionné de vin et de gastronomie, viticulteur ingénieux, est surtout devenu pour moi un ami si précieux. Je te félicite pour cette reconnaissance et te souhaite santé et bonne continuation.
-Marie-Claude Langlois, Productrice
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Yves est un vrai gentleman, homme de la Renaissance, un esprit complet avec un sens de l’humour unique et intelligent, en équivalence avec à son talent inné pour la musique, tant classique que populaire, ainsi que pour l’œnologie et l’art de vivre dans son ensemble.
J’ai rencontré Yves à Montréal. Ça aurait pu être dans un de ses restaurants préférés, entouré des meilleurs sommeliers·ères de la ville mais c’était à l’heure de l’apéro, dans un bar à vins. Comme nous sommes tous deux issus du monde de la musique, une de ses grandes amies sommelières nous a présenté en pensant que nous devions nous connaître. On s’est sûrement croisé à une certaine époque, dans les couloirs du show-business ou lors d’une soirée de l’ADISQ, où il fût maintes fois récompensé en tant que compositeur, arrangeur et réalisateur, pour le cinéma, la télé, la pub ainsi que pour des artistes de renom comme Ginette Reno, Johanne Blouin et Jean Lapointe.
C’est pourtant une autre passion commune qui a tissé la trame de notre amitié : le monde du vin. Avoir le bonheur de déguster et discuter vins avec Yves est comme franchir « du coup » les portes qui mènent au Saint Graal du savoir dans ce domaine. Un autre dans lequel il excelle, parallèlement à l’univers de la haute gastronomie, car bien évidemment, un ne va pas sans l’autre. Yves a été un mentor qui m’a accompagné et encouragé à chacune des étapes de ma nouvelle carrière. Merci Yves de m’avoir accueilli dans cet univers privilégié, merci pour tous les fous rires, le généreux partage de tes connaissances et pour toutes ces belles années de traditions gastronomiques, de vendanges inoubliables et de dégustations mémorables.
-Natalie Richard, Sommelière diplômée, auteure, formatrice et chroniqueuse vins
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J’ai connu Yves Lapierre, il était déjà CMO de McDonald’s. On s’entend : Chef Musical Officer. Alors que les marques se dotent aujourd’hui de directeurs de création, il y a 40 ans, Yves avait la main haute sur le son du restaurateur à service rapide comme collaborateur attitré. Aucun spot publicitaire — plus d’une trentaine par année — ne lui échappait. C’est que l’annonceur et son agence comprenaient bien la puissance de la musique. Pour le plus joyeux festin du spectateur. Non seulement J’M McDonald avait sa signature musicale, mais elle s’harmonisait chaque fois à la facture du spot. Et aucun moyen épargné pour enrichir l’expérience musicale tout du long. À cet égard, la maestria de Yves Lapierre était exceptionnelle. Il savait non seulement composer pour son instrument fétiche, le piano, mais pour les autres instruments de l’orchestre, ingénieux à les faire sonner grand. Cerise sur le sundae : Yves pouvait chanter, livrant lui-même le fameux J’M McDonald avec les Judi Richard de ce monde. Le Studio Tempo, véritable quartier général dont il était avec d’autres propriétaires, permettait l’accueil de nombreux instrumentistes et choristes. Le lien qui nous unissait à lui comme concepteur faisait en sorte que nous l’impliquions dès le départ. L’amalgame avec le scénario était au cœur de ses préoccupations. Et s’il fallait absolument une percussion brésilienne pour y parvenir, nous l’entendions.
Plus tard, je me rappelle l’avoir sollicité pour un spot de l’OSM. Il avait su repiquer et assembler élégamment aux fins du message de 30 secondes des segments de La Mer de Claude Debussy pour que l’orchestre puisse les jouer à l’image, d’un seul tenant. Fort de sa connaissance de l’œuvre, Yves avait su relever le défi tout en satisfaisant Kent Nagano et l’orchestre. Ce n’est pas rien.
Respect et connivence unissaient donc Yves aux concepteurs et autres artisans. Il savait lire la musique, mais le texte tout autant. On le devinait complice de nos intentions. À cet égard, le profil d’Allié qui lui vaut cette reconnaissance au Temple de la Renommée est largement mérité.
-François Forget, Concepteur
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Présumant que les réalisations professionnelles d’Yves Lapierre ont été évoquées par d’autres intervenants, je témoignerai plutôt de la relation personnelle que j’ai entretenue avec lui.
Au fil des ans, les collaborations avec Yves se sont multipliées et ont graduellement évolué vers une amitié qui n’a fait que croître au fil des décennies, toujours harmonieuse et sans fausses notes. Bien nourrie, cette amitié, parce que nous partagions une passion pour la bonne cuisine et fréquentions les meilleurs restaurants, au Québec et, plus tard, en France, où il s’est expatrié. Et bien arrosée aussi. Que de bonnes bouteilles auxquelles nous avons fait honneur !
Il s’est installé dans le Sud-Ouest et y a planté ses vignes, à Cotty, un petit lieu-dit du territoire du Quercy. J’y suis allé plusieurs fois, pour les vendanges, bien sûr, mais aussi pour visiter avec lui nombre de vignerons et de restaurateurs animés comme lui par la recherche de la qualité.
Je m’ennuie encore de nos rituels vendredi au restaurant L’Express. Mais encore plus de sa présence, de son intelligence et… de son rire.
Je n’ai aucun bémol à mettre sur notre amitié. Mais un dièse, oui : Yves est, et restera encore longtemps je l’espère, mon plus vieil ami.
-Richard Constantineau, Concepteur puis directeur de création, maintenant retraité