Au fil de mes interactions professionnelles et de mes rencontres de réseautage, je suis parfois prise de court, alors que je me retrouve confrontée à cette réaction familière: «Ah! Gestion de crise! Comme Olivia Pope?» La comparaison, bien qu’amusante, révèle la puissance et l’impact de la représentativité des Afro-descendants dans les médias et la culture populaire… mais ce n’est pas le sujet ici.

Être constamment associée au personnage principal de la sulfureuse série «Scandal» (qui en passant est une avocate qui gère des crises et non une relationniste) me fait réaliser la glamourisation toujours aussi tenace des relations publiques dans les médias renforçant ainsi les idées fausses dans l’imaginaire du grand public — rien de bien nouveau. C’est pourquoi je trouve important de continuer à démystifier, éduquer et éclairer, un engagement que j’ai également pris en obtenant mon agrément en relations publiques (ARP) de la CPRS.

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Concrètement, les quelques éléments ci-dessous pourraient aider à briser certains mythes perpétués par la fiction et à dissocier la réalité de la fiction:

La clientèle en gestion de crise: Il est irréaliste de penser que la gestion de crise ne concerne que les personnalités politiques, les grosses corporations ou les célébrités. Toute entité, peu importe sa taille ou son secteur, est à risque. Que ce soit une association, un conseil d’administration, une PME et autre, il y a forcément un risque. Avec des phénomènes tels que la «cancel-culture», le #meetoo, les enjeux environnementaux et de société, le piratage informatique, les fausses nouvelles, les deepfakes créés par l’intelligence artificielle, et la liste est bien plus longue que cela, tout type d’entreprise est susceptible de faire face à des crises de toute nature, et ce n’est qu’une question de temps.

Maintenir la confiance: Pour tout professionnel de notre industrie, l’adoption d’une approche éthique dans notre pratique est de rigueur, pour préserver la confiance des principaux publics envers l’organisation et notre réputation par la même occasion. Ainsi, la vérité, l’écoute, le dialogue, le respect et la compréhension mutuelle des parties prenantes doivent être au cœur de nos communications. Ceci exclut donc toute forme de manipulation, dissimulation, coercition, chantage et autres méthodes douteuses qui, bien que divertissantes à la télé, entraînent en général plus de désordre, des risques de poursuites, des manifestations, et autres agitations dans les médias et la sphère publique. Le danger de perdre la confiance des parties prenantes sera alors davantage accru.

Diffusion responsable: Certaines informations peuvent avoir des répercussions importantes sur les publics, il en va donc de notre responsabilité de bien juger de la portée des messages qui doivent être transmis, pour éviter toute stigmatisation de certains groupes ou encore des risques pour la sécurité des publics qui doivent la recevoir. Il n’est donc pas question pour un relationniste responsable d’instrumentaliser l’information pour des motifs discutables. Tout au contraire, dans certains cas, il pourrait même proposer un accompagnement pour gérer l’impact du message sur les publics. Ex: lignes d’écoute, fiches explicatives, brief technique, etc. Le bien-être de tous doit rester essentiel dans notre pratique.

Relations avec les médias: En gestion de crise tout comme en général, les relationnistes s’assurent de fournir aux médias une information pertinente, factuelle et complète dans un souci de transparence et pour aider les publics concernés à prendre les bonnes décisions en fonction de l’information fournie. Bien entendu, il y a un lieu et un temps pour répondre aux médias, mais il n’est pas ici question de se livrer au jeu du chat et de la souris. Mentir, instrumentaliser ou se cacher des médias ne pourrait que jouer contre la réputation de l’organisation et du relationniste. Dans le meilleur des mondes, les relationnistes peuvent contribuer au travers des médias à faciliter un dialogue éclairé dans la société et à faire avancer des débats publics.

Préparation et rétablissement: Les crises sont subites, elles créent le chaos et la désorganisation des équipes, et il est parfois difficile de prévoir leur durée de vie. Gérer une crise efficacement implique donc de commencer bien avant que la situation ne survienne. Le relationniste devra ainsi préparer l’organisation à toutes éventualités en produisant une cartographie des risques et en outillant l’équipe de direction d’un plan et de messages clés prêts à être utilisés. Par la suite, il s’agira de travailler à rebâtir la réputation qui aurait pu être affectée notamment par des couvertures médiatiques négatives ou des réactions virales sur les médias sociaux. La gestion de crise peut se révéler être un travail en continu, étalé sur plusieurs années dans certains cas. Rien à voir avec cette idée de la tâche ponctuelle à remplir lorsque survient la crise, comme c’est parfois véhiculé.

Il est toujours fascinant de constater les nombreux mythes qui entourent ma profession, même dans la vie réelle. Je confirme donc que contrairement à Olivia, non je ne cacherai pas vos secrets inavouables et je ne me ferai pas non plus la complice de vos actes à la limite de la légalité. La liste élaborée ici est loin d’être exhaustive, mais elle offre un aperçu plus réaliste des attentes envers les relationnistes dans la pratique quotidienne. Nous nous éloignons ainsi des clichés hollywoodiens, bien que je rende hommage au personnage brillamment interprété par Kerry Washington. Je peux même trouver certaines similitudes avec elle, notamment en ce qui concerne la passion, la détermination et l’audace. Et il en faut de l’audace, lorsque l’on est quelqu’un de mon profil pour survivre dans cette industrie en Amérique du Nord…

olivia bLawrence Esso, PRP, ARP, fondatrice de Kelart Communications