Les RP et le lobbyisme sont des pratiques intimement liées et visent tous deux à exercer une certaine influence à travers la diffusion de messages précis. Toutefois, le contexte de leur utilisation, tout comme leurs composantes, comportent des nuances. Quelles sont les principales différences entre les relations publiques et le lobbyisme? Des expertes nous éclairent sur cette frontière nébuleuse qui les séparent.

Petite leçon terminologique du Larousse pour débuter: le lobbyisme consiste en une «action menée par un lobby en vue d’obtenir quelque chose». Du côté des relations publiques, on parle plutôt des «activités professionnelles visant à informer l’opinion sur les réalisations d’une collectivité afin de promouvoir sa notoriété». L’objectif des RP semble donc plus informatif, alors que le lobbyisme viserait plutôt à «soutirer» en retour? «Le lobbyisme expose des enjeux, mais au final, c’est aux titulaires de charges publiques de prendre les décisions», explique Malika Paradis, directrice chez TACT.

Pour Alexandra Boudreault, conseillère affaires publiques chez Catapulte communication, il existe une nuance entre la persuasion légitime et la manipulation. «Un bon lobbyiste aura des arguments convaincants basés sur des faits vérifiables pour défendre les intérêts de ses clients. L’idéal est d’en venir à une solution gagnante-gagnante pour l’ensemble des parties.»

La différence entre les deux pratiques réside plus principalement dans les publics cibles, les objectifs à atteindre, ainsi que les méthodes et réglementations qu’elles doivent respecter «Les relations publiques visent principalement le grand public et les médias pour maintenir une image positive d’une organisation ou d’un individu. Le lobbyisme, pour sa part, cible directement les décideurs politiques, les responsables gouvernementaux et d’autres acteurs clés afin de favoriser des intérêts spécifiques», explique la conseillère.

Les relations gouvernementales ne servent pas uniquement les grands groupes, ajoute Malika Paradis. Elles peuvent aussi être utilisées pour diffuser les revendications de groupes socio-économiques, d’associations ou d’OBNL auprès des titulaires de charges publiques. «Comme consultant·es, nous allons, par exemple, les accompagner en amont pour tout ce qui est la préparation de plaidoyers, d’argumentaires, pour faire valoir leurs enjeux et leurs défis.»

Les relations publiques peuvent aussi servir à maintenir la réputation d’une personne ou d’une organisation, ou bien être un moyen efficace d’être davantage connu du public, par l’entremise de différents canaux médiatiques, précise Malika Paradis.

tactMalika Paradis, directrice chez TACT, Julie White, directrice principale chez TACT et Alexandra Boudreault, conseillère affaires publiques chez Catapulte communication.

Quand l’une se nourrit de l’autre
Selon les expertes, bien que les deux disciplines soient assurément différentes, elles sont surtout complémentaires. Tout dépend des objectifs que l’on veut atteindre. «La frontière entre les deux peut paraître floue, car il est tout à fait possible d’utiliser des TACTiques de communication qui chevauchent les deux domaines», résume Alexandra Boudreault.

Si on désire soulever certains enjeux ou effectuer des demandes dans une démarche de lobbyisme ou de relations gouvernementales, il peut être intéressant de les diffuser dans l’espace public également, donne en exemple Malika Paradis. «Si on accompagne un OBNL qui a des besoins de financement auprès d’instances gouvernementales, et s’il ne l’obtient pas, il risque de subir des bris de service qui auront un impact sur une population donnée: ça peut devenir nécessaire d’exposer cette situation au public en passant par les médias.»

Chez TACT, l’équipe est composée d’expert·es en relations publiques et en relations gouvernementales. Que l’on soit spécialiste de l’un, de l’autre ou des deux, la communication reste toujours ouverte entre les différents membres de l’agence pour s’assurer d’un résultat concluant. «Ici, on dit souvent qu’on fait des RP pour des RG. Quand un premier chemin ne fonctionne pas, on peut alors passer par l’autre chemin. Mais souvent, les relations publiques peuvent être un coup de pouce nécessaire pour faire débloquer les choses. L’idée est vraiment d’avoir une vision la plus globale possible», explique Julie White, directrice principale chez TACT.

Du bon malgré une réputation qui divise
Parfois dépeinte de manière pernicieuse au cinéma et dans nos séries télé cultes, la pratique du lobbyisme peut avoir mauvaise presse. Est-ce que pratiquer le lobbyisme est quelque chose de négatif, une avenue déloyale qui vise à contaminer l’opinion?

Pour Julie White, faire du lobbyisme est au contraire totalement normal et légitime. «On est dans une société démocratique, plaide-t-elle. Il faut juste le faire correctement. Peu importe la nature ou le secteur d’une organisation, c’est une représentation des intérêts. Le gouvernement prend des décisions tous les jours, et il a aussi besoin d’entendre ce que les gens pensent sur le terrain.»

Des règles de loi encadrant le lobbyisme ainsi que de bonnes pratiques sont surtout à respecter pour l’utiliser de manière éthique. «C’est certain qu’il y a une marche à suivre pour faire ça de la bonne façon, affirme la directrice principale, qui a navigué pendant 13 ans dans la sphère politique. La loi prévoit certaines obligations, notamment de divulgation des mandats de lobbyiste. Mais il y a aussi les façons de faire, ce sont des relations humaines après tout. Il faut respecter les hiérarchies, être habile avec les interlocuteur·rices, mais aussi s’assurer de la cohérence de l’information qu’on amène. Il y a également des règles de base de suivi, de rétroaction, de solidification des liens. Mais je dirais qu’il faut surtout être capable de s’adapter.»

Pour Alexandra Boudreault, qu’il s’agisse de RP ou de lobbyisme, la transparence demeure en tout temps un essentiel. «Non seulement dans la communication avec le public, mais aussi avec notre clientèle. Les attentes doivent être entendues mutuellement et claires dès le début, afin qu’une véritable relation de confiance puisse nourrir et renforcer la stratégie élaborée pour la suite des choses.»

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