Portrait d’une agence qui crée des marques qui marquent: Déraison. Son fondateur, un amoureux des mots, nous confie qu’il doit être la personne la plus rationnelle que l’on peut côtoyer sur le plan professionnel. L’approche délibérément «déraisonnable» de Hughes Chandonnet se veut une «note à lui-même» (peut-être pour ne pas oublier d’insuffler un brin de folie dans chaque projet ?). Jasons véhicules. Vous verrez, ça a un lien !

huguesHughes Chandonnet (Photo : Donald Robitaille)

Éveiller des émotions
Baignant dans le milieu des agences depuis 25 ans, sa transition vers le travail autonome s’est entamée circa 2010. Déraison, c’est Hughes Chandonnet (et son chien, bien peinard à ses côtés). Mais c’est aussi un réseau de collaborateur·rices de longue date, nous dit-il. Chaque temps des Fêtes, Hughes organise le Lunch Autonome, rassemblant d’autres collègues à la pige. «On est les oublié·es qui n’ont pas de party de Noël. On se rassemble et ça permet d’entretenir des liens parce qu’on est tou·tes seul·es dans notre métaphorique sous-sol.» Une bonne idée qui perdure depuis six ans déjà. Pour une agence qui crée des identités de marque, il allait de soi qu’il fallait définir sa propre identité. Pourquoi Déraison ? «La neuroscience démontre que 80 à 90% des décisions d’achat sont influencées par le siège émotionnel du cerveau, le cerveau limbique. Alors que nos clients ont le réflexe d’adopter un discours rationnel et structuré, il est important de susciter une connexion émotionnelle pour capter l’attention des gens.»

D’après Hughes, la capacité à éveiller des émotions est un art. «Les marques doivent pouvoir se présenter efficacement même dans des formats compacts tels qu’une annonce Google AdWords, où seuls 25 caractères sont alloués pour le titre et deux lignes de contenu. Si votre nom parvient à transmettre un message clair et à susciter une connexion émotionnelle, vous avez déjà une longueur d’avance. Pour une nouvelle organisation, l’identité de marque est la plus grande opportunité de création de valeur.» Aurait-il des études de cas pour illustrer la puissance des mots ? Parmi ses projets «chouchou», Hughes nomme la chocolaterie État de Choc et le podcast Les Dérangeants. «Ce sont des noms qui sont chargés émotivement, difficiles à ignorer», émet-il. Autre marque dont l’agence a signé l’identité est le cabinet d’orientation Dix mille matins. «On vit à une époque qu’on appelle la grande démission. La pandémie a amené un paquet de gens à se questionner sur le rôle du travail dans leur quotidien. On a calculé qu’entre la sortie de l’université et la retraite, on travaille 10 000 jours. Le matin, lorsqu’on se lève, on se demande si on a envie d’aller travailler, si on est sur la bonne voie. Puis, chaque nouveau matin nous offre une occasion de trajectoire pour être épanoui·e professionnellement», explique-t-il. Vous voyez comme c’est imaginé avec si peu de mots ?

etat de choc

Les défis du branding
Les phénomènes sociaux et technologiques évoluent à la vitesse grand V. Facebook, qui a émergé vers 2006, est déjà perçu comme «l’outil des grands-parents, TikTok prend sa place cette semaine, et une nouvelle plateforme inconnue peut émerger la semaine suivante», fait remarquer Hughes, sourire en coin. «Cette accélération technologique et sociale a un impact significatif sur les marques. Sans prétention, je crois que les marques sont des véhicules pour nos idées, similaires à des voitures dans une cour où différents modèles peuvent être utilisés en fonction des besoins et des projets. Facebook, par exemple, a pu signifier un changement de trajectoire en adoptant le nom Meta pour sa marque mère. En étendant son écosystème (Oculus, WhatsApp, etc.), le groupe s’est aussi mieux protégé contre l’obsolescence. C’est une tendance qui va se refléter même chez les entreprises de taille modeste, qui peuvent maintenant gérer un portefeuille de marques et les ajuster en fonction des évolutions du marché.» Chaque début d’année, les marques doivent se poser la question, à savoir si elle a «le bon véhicule» pour améliorer sa vision à une nouvelle génération de consommateur·rices. Eh bien justement, comment savoir si une marque vieillit bien ? «Se demander si on est en adéquation avec ce qui se passe dans le monde, affirme Hughes. Initialement, l’industrie du taxi aurait pu être plus proactive en anticipant l’émergence de concurrents. Au lieu de cela, elle a été prise de court par des entreprises qui ont révolutionné son modèle d’affaires en proposant des applications permettant de commander un·e chauffeur·euse, d’attribuer une note, etc. C’est le principe de “l’auto-ubérisation.” Cette situation souligne l’importance pour toutes les entreprises de s’imaginer des concurrents potentiels capables de les surpasser. L’identité de marque est un des aspects de cette réflexion. Si je devais lancer une entreprise concurrente en 2024 ou 2025, je devrais réfléchir à un nom accrocheur, à une proposition unique et à une promesse qui résonnerait mieux avec ma clientèle cible.»

Même si Hughes favorise les noms francophones, parfois il ne s’agit pas de la meilleure stratégie commerciale, partage-t-il. Présentement, il accompagne des clients avec des projets d’affaires aux ambitions internationales. Et, à l’heure actuelle, il y a un «flou juridique» concernant le projet de loi 96. Autrement dit, à partir du 1er juin 2025, l’utilisation exclusive d’une marque de commerce dans une langue autre que le français sera prohibée, à moins qu’elle ne soit enregistrée et qu’aucune équivalence en français ne soit répertoriée dans le registre des marques. Cette nouvelle réglementation présente des défis pour les entreprises, mais Hughes surveille de près son évolution pour conseiller efficacement ses clients.

Nouvelle génération de fleurons québécois
Se faisant confier entre 8 à 10 projets d’identité par année, le fondateur de Déraison se trouve extrêmement privilégié. «C’est comme s’il y avait un nouveau chantier qui démarrait chaque mois, en dehors des Fêtes et des vacances d’été. J’ai peut-être 6 marques en gestation, à différentes étapes de développement, qui vont bientôt sortir.» S’il avait à définir l’impact de son entreprise sur ses clients et dans l’univers du branding à long terme, Hughes affirme qu’il a à cœur de contribuer à l’émergence d’une nouvelle génération de fleurons québécois, c’est-à-dire aider les marques d’entreprises locales à exercer un pouvoir d’attraction qui n’a rien à envier aux géants internationaux. «Nous offrons ainsi aux entrepreneur·euses l’opportunité de rivaliser sur un pied d’égalité et de croître avec eux·elles. Pour moi, c’est là que je trouve ma place dans le monde. Je m’efforce d’être un bon bras droit en matière de communication pour ces leaders locaux qui cherchent à créer de la valeur chez nous», résume Hughes.

Pas si déraisonnable que ça, comme mission. Pour en apprendre plus sur Déraison, c’est par ici.

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