Qui décrète les tendances en branding ? Question à la fois élémentaire et vaste, à laquelle on s’attèle en se tournant vers des expert·es de l’identité visuelle.

Évolution du branding
«Les tendances viennent à nous», rigole le fondateur de Baillat, Jean-Sébastien Baillat. Blague à part, son studio, à la petite équipe agile et collaborative, adopte une approche flexible. «Tout le monde est naturellement curieux·se et s’intéresse à ce qui se fait dans le domaine du design.» Le directeur de création estime qu’il est bénéfique pour un studio montréalais d’avoir une équipe aux sensibilités variées, certain·es étant plus enclin·es à observer les tendances européennes tandis que d’autres se penchent vers les tendances nord-américaines. Cette diversité d’influences constitue une source d’inspiration enrichissante pour leur travail créatif. «Nous ne cherchons pas à suivre les tendances à tout prix, mais nous sommes attiré·es par des designs avant-gardistes et différents qui aspirent à se démarquer.» Pour repérer les tendances émergentes tant sur le plan visuel que narratif, PIGEON réalise chaque année un audit international. Cette démarche, souligne Elyse Boulet, présidente de l’agence, vise à anticiper les évolutions du secteur. «Toutes les expériences de marque sont étroitement liées à l’actualité mondiale, qui ont un impact direct sur la perception des marques et sur leurs réactions», ajoute Olivier Chevillot, directeur de création. Les grands mouvements culturels influencent considérablement le design, qui évolue en réponse aux changements du monde qui nous entoure. De là l’importance de rester constamment à l’affût, selon lui. Pour la paire Boulet-Chevillot, l’intelligence émotionnelle, associée à une compréhension fine des mouvements culturels et de l’actualité, devient essentielle pour sortir du lot.

brandingJean-Sébastien Baillat (Baillat Studio), Elyse Boulet et Olivier Chevillot (Pigeon Branding)

Retour du balancier
Dans l’univers de la typographie, une tendance qui semble dominer le paysage actuel est l’utilisation de polices plutôt condensées et rapprochées, créant un impact visuel fort et audacieux. S’il se questionne si un jour cette vague s’atténuera, Jean-Sébastien confie ne pas avoir l’envie de la voir disparaître complètement, puisqu’il y a tellement de belles fontes qui se font dans ce style. Et puis, s’il y a des grands studios comme Bureau Borshe qui continuent à l’utiliser, il y a de fortes chances que ça nourrit les typographes, croit-il.

Il y a quelques années, la tendance à la simplification des marques était efficace pour se démarquer dans un paysage saturé, mais elle a fini par entraîner une standardisation où de nombreuses marques se sont retrouvées avec des identités visuelles (plus ou moins) similaires. Aujourd’hui, on assiste à un revirement de cette tendance vers une personnalisation accrue des marques. Une espèce de retour du balancier, qualifie Olivier. Ce revirement est alimenté par un désir croissant de connexion authentique. En parallèle, malgré l’avènement des technologies, il existe un mouvement fort en faveur du retour au craftman, aux métiers artisanaux. D’après PIGEON, ces fluctuations perpétuelles entre modernité et tradition créent un équilibre nécessaire dans l’évolution du branding et de la relation entre les consommateur·rices et les marques. «Dans un contexte de fragmentation des médias et de fake news, la transparence est une tendance de fond, exprime Elyse. Tout notre positionnement est basé sur l’authenticité des marques parce que la vérité est immuable, c’est ce qui établit une connexion avec l’audience. En construisant un branding transparent et fidèle à votre identité, vous créez des relations durables avec vos consommateur·rices.»

Selon Jean-Sébastien, il faut se rappeler que la qualité d’un design repose avant tout dans sa substance. Être à la mode n’est pas nécessaire: l’objectif principal reste la création d’un bon design. «Bien sûr, être tendance offre son côté cool, mais il n’y a pas de recette universelle. Ce qui importe, c’est de savoir si le design atteint ses objectifs, qu’il soit bien exécuté, solide, dynamique, pertinent et surtout s’il se distingue dans son domaine. S’il est tendance, il le sera, s’il ne l’est pas, ce n’est pas grave non plus», partage-t-il.

Exemples de succès en branding
La force d’un bon design est de répondre à un besoin, et demande une écoute attentive. «Il faut bien connaître le public cible, comprendre tous les enjeux actuels et futurs, et maîtriser l’environnement de votre marque. Un exemple récent illustrant cette approche est le rebranding complet du CF Montréal», révèle Elyse. On se souviendra qu’après la désapprobation des fans du changement d’identité en 2021, le CF a fait marche arrière et a de nouveau changé son logo, en faisant cette fois-ci appel à PIGEON, qui a tenu compte des supporters. Autre projet réussi est la revitalisation de la marque Omni Foods, très forte sur le marché asiatique, qui rencontrait des défis lors de son expansion en Amérique du Nord, et la transformation de Nutrinor, une marque locale de lait provenant du Lac-Saint-Jean en une marque nationale avec une identité forte et transparente. Dans le portefeuille de projets de Baillat, l’identité visuelle créée pour le Art Directors Club of Canada se démarque comme un exemple de design pur. «Cette réalisation représente un équilibre réussi entre les objectifs de communication et l’expression artistique. De même, notre travail pour l’association environnementale Age of Union est un exemple d’identité audacieuse. Notre objectif était de créer une identité visuelle crédible pour l’industrie environnementale tout en se démarquant des conventions établies, ce qui a abouti à un projet à la fois sérieux et distinctif», exprime Jean-Sébastien.

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L’importance du storytelling et de l’héritage
Chaque marque a une histoire à raconter, ce qui crée un lien émotionnel fort avec les consommateur·rices. Le design de marque doit donc mettre en valeur cette histoire tout en la rendant pertinente pour le contexte actuel. Quelle que soit la marque, petite ou grande, il y a toujours une histoire humaine derrière elle. «Que ce soit une histoire familiale, une histoire d’amitié, d’associé·es ou de partenaires, voire une histoire de couple, les marques sont toujours façonnées par des personnes. Chaque marque a son histoire unique qui suscite notre intérêt, car nous avons envie de la découvrir. C’est cet aspect profondément humain et émotionnel des marques qui les rend si attachantes, dit Olivier. La force du design d’une marque repose dans sa capacité à exploiter son héritage et son équité tout en le replaçant dans le contexte actuel, qu’il soit social, politique, économique et surtout humain. Notre travail consiste à faire rayonner ces marques et à révéler leur meilleur aspect afin de les proposer à une audience en fonction de ses besoins et exigences.»

Alors, qui décrète ce qui sera en vogue demain ? Suffit d’être curieux·se et d’être à l’écoute… ;)

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