Au-delà d’un simple logo reconnaissable, quels sont les éléments qui permettent à une image de marque d’obtenir du succès sur le long terme? Discussion sur la pérennité et la qualité d’un branding avec Miro LaFlaga et Ashley Phillips, cofondateurs de l’agence montréalaise Six Cinquième.

A près quelques années de travail en collaboration, Miro LaFlaga et Ashley Phillips ont fondé le cabinet de stratégie de marque Six Cinquième en 2020 avec le désir de laisser une chance aux créatif·ves de tout horizon de vivre de leur passion. Ils ont depuis accompagné plusieurs marques, principalement des start-up, à travers le développement de leur identité. «Ce qui nous démarque, c’est qu’on est une agence qui a fait l’effort de collaborer avec des talents qui ont des parcours différents. J’ai grandi avec beaucoup de personnes de divers milieux artistiques qui n’ont jamais eu le courage de lancer leur carrière à cause d’un manque d’ouverture à la diversité, entre autres. Donc, en fondant l’agence, on voulait leur donner la chance de travailler sur différentes sortes de projets, peu importe leur niveau d’expérience», explique Miro LaFlaga.

Le duo et son équipe de pigistes-collaborateur·rices se spécialisent en développement et lancement de marque en s’inspirant d’une «optique culturelle ouverte sur le monde». «Montréal est une ville très diversifiée, on y retrouve toutes sortes de gens avec des profils et des parcours différents, que ce soit la langue, l’ethnicité, la culture, et tout ça influence particulièrement le travail que l’on fait», ajoute Ashley Phillips.

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Pérennité et adaptation de la marque
Lorsque Miro LaFlaga et Ashley Phillips réfléchissent à une stratégie de marque, la notion de pérennité vient inévitablement prendre une place de première importance dans la démarche de création. Dans l’ère actuelle, plusieurs entreprises ont tendance à penser de façon «externe», donc à la réaction de leur clientèle face à l’image qu’elles véhiculent, mais elles oublient que la marque, et ce qu’elle reflète, doit aussi rejoindre «l’interne», croit Miro LaFlaga. «Une compagnie peut paraître incroyable d’un point de vue extérieur, mais si on regarde de plus près, son branding ne reflète pas du tout sa culture d’entreprise toxique, par exemple. Et elle perd donc en crédibilité avec le temps.»

Pour le créatif, il est primordial que les entreprises changent la manière dont elles voient leur image de marque et son utilisation, pour que celle-ci ait une meilleure longévité. «Il faut voir le branding comme un outil de mobilisation, mais aussi comme quelque chose qu’on prend vraiment au sérieux. Par exemple, si on prend la marque de mode Louis Vuitton, même pendant la pandémie, elle avait toujours autant de succès. Et c’est parce que pour le PDG de l’entreprise, plus que le simple logo, la cohérence de la marque, ses actions, son storytelling, est ce qu’il y a de plus important.»

Pour Ashley Phillips, l’authenticité est aussi gage de succès sur le long terme. Une qualité que les plus jeunes générations comme celles qui suivront recherchent particulièrement chez les marques qu’elles adoptent. «L’idée est d’avoir une marque transparente, qui communique avec sa communauté, et qui a des valeurs auxquelles on peut s’identifier.»

De plus, il ne faut jamais oublier de voir sa marque comme une entité «vivante» et évolutive, si on souhaite qu’elle habite les esprits longtemps, croit la créative. «Ce n’est pas quelque chose qu’on fait une seule fois, et qu’on oublie. Souvent, on peut négliger notre marque et on met de côté l’importance de revoir ses valeurs avec le temps. Il faut s’assurer d’être en phase avec ce qui se passe dans le monde, tout en préservant ce qui a constitué la marque au début de sa création, donc ses fondations.»

La technologie, les modes de consommation, la manière dont les publics interagissent avec leurs entreprises favorites, tout est propice à se transformer, et rapidement, ajoute Miro LaFlaga. «Donc une marque, c’est un peu comme une personne, elle change constamment au fil du temps, elle s’adapte, elle apprend.»

Pour ce qui est d’un logo qui connaîtra du succès, est-ce plus profitable de s’inspirer des tendances actuelles, ou bien d’opter pour une facture visuelle plus intemporelle ? «J’aime regarder la marque comme un écosystème qui sera de toute façon amené à se transformer. Le logo, la typographie, les couleurs, c’est surtout important d’être capable de les penser pour qu’ils puissent être flexibles, adaptés dans des situations différentes. Je pense que c’est contraignant de rester «marié» à un logo spécifique, à une couleur précise ou trendy. Le brand c’est plus que ça. Il doit être reconnaissable sans les couleurs, sans la police de caractère», explique Miro LaFlaga.

Sa collègue abonde dans ce sens, ajoutant que c’est justement cette flexibilité donnée à l’image de marque qui lui permettra plus tard de s’adapter aux tendances du moment. «C’est donc de pouvoir utiliser tous ces morceaux qui forment la marque, dans divers contextes et différentes formules.»

Quand doit-on penser à revitaliser son image?
À quel moment doit-on investir dans une image de marque pour lui faire vivre une nouvelle vie ? Selon le duo, vouloir suivre les tendances du moment n’est pas une raison valable pour changer sa marque, et n’assure en rien le succès de celle-ci. Il s’agit plutôt de déterminer quelle est l’ambition d’une entreprise et qu’est-ce qu’elle souhaite atteindre avec ce changement d’image. «Parce que tu peux avoir un branding qui a l’air vraiment vieux, mais qui au fond, même s’il ne paraît pas nécessairement «cool», il va tout de même toucher sa cible démographique, et les gens le reconnaissent et l’acceptent comme il est», illustre Miro LaFlaga.

La majorité des revitalisations de marque faites par l’équipe de Six Cinquième sont demandées par des compagnies qui souhaitent changer leur vision ou attirer une nouvelle clientèle. Elles peuvent avoir de la difficulté à communiquer leurs valeurs ou à mettre leurs produits de l’avant avec leur image actuelle. «Ça peut être une marque haut de gamme qui a une identité de qui ne donne pas cette impression de luxe», donne en exemple le cofondateur de l’agence.

Finalement, Miro LaFlaga et Ashley Phillips assurent d’une chose: si la vision, la mission et les valeurs ne s’alignent plus avec l’aspect visuel, et par le fait même, ne reflètent pas les changements de la société, ce n’est pas une bonne nouvelle pour la marque pour le long terme. «C’est vraiment une question de cohérence, et quand on réalise qu’il n’y en a plus, c’est le moment de repenser son brand», conclut Ashley Phillips.