«Non, la semaine de 4 jours n’est pas un mythe ! Au plaisir de vous lire à mon retour dès lundi.» Recevez-vous de plus en plus de messages d’absences plus ou moins comme celui-ci dans votre boîte de courriels le vendredi ? Bien vu: la transition vers la semaine de quatre jours (ou la formule 9/10) en agences de publicité fait de plus en plus d’adeptes, marquant un tournant significatif dans notre industrie. Rablab, Canidé et Wink Stratégies nous partagent leurs expériences.

Repenser le travail
Le passage de la semaine de travail de quatre jours chez Rablab avait pour objectif de repenser les pratiques de travail. La démarche n’a pas été entreprise dans le but spécifique d’attirer ou de retenir des talents — ça ne devrait pas être le moteur —, nous dit Jean-Philippe Dauphinais, président et co-fondateur, mais plutôt de repenser «l’efficacité du travail sur une période plus courte sans impact majeur sur le chiffre d’affaires». Accompagnée par Boîte Pac, l’implémentation a été préparée avec des phases de questionnements, de tests, et de formations avant sa mise en place en 2022. Également guidée par Boîte Pac, la transition vers la semaine écourtée chez Canidé s’est faite progressivement. D’après Rachel Desbiens-Després, présidente-directrice générale, les conditions chez Canidé étaient déjà favorables. « Ça a été facilité par plusieurs facteurs. Nous avions une base solide avec la cartographie de nos processus et l’utilisation d’outils de planification du travail. Ces outils nous permettaient de suivre rigoureusement les taux d’occupation et de maintenir des taux facturables réalistes, autour de 65‑70 %. » Certaines entreprises penchent pour se faire accompagner dans ce processus, d’autres, comme l’agence Wink, font tout en interne. « On s’est informé·es en examinant diverses études, notamment celles réalisées au Royaume-Uni. À l’époque, les retours d’expérience sur la semaine de travail de quatre jours étaient moins répandus, mais nous avons exploré toutes les sources disponibles, y compris les rapports et les expériences d’autres structures », partage Laurie Marcellesi, directrice de la stratégie. Tant Rablab, Canidé et Wink s’accordent pour dire que passer à la semaine de quatre jours n’est pas une mince affaire. Il y a des implications, des défis à relever, et toute une logistique à mettre en place.

Être gardien·ne de son temps
«Travailler moins et mieux», fine. Mais comment démontrer qu’il est possible de travailler de manière plus efficace sur une période plus courte sans sacrifier la performance ? Autrement dit, comment «rentrer cinq jours» en quatre? Rachel révèle qu’il était important de s’assurer qu’il n’y ait aucun temps supplémentaire. « Pour nous, ce n’est pas un quatre jours théoriques avec des feuilles de temps à 40‑45h. Sinon, on n’aurait pas gagné notre pari ! » Elle nous explique que des ajustements ont été apportés pour rendre les réunions plus efficaces, notamment en réduisant leur durée d’environ 20 %. L’équipe a également revu l’ensemble du calendrier de Canidé pour mieux planifier les rencontres clients et créer des périodes de «deep work». L’ensemble de l’agence est donc en phase de «deep work» et ce, simultanément. Futé ! (Parce qu’il peut être très tentant de répondre à un p’tit chat par-ci, un p’tit Slack par-là, même en période de concentration extrême et en se mettant en mode «occupé·e».) Des techniques comme Pomodoro, Timeboxing, et Batching ont été adoptées pour améliorer la productivité. C’est à chacun·e de choisir ce qui convient le mieux.

Chez Rablab, des formations et des sessions de focus time ont aussi été mises en place pour favoriser une meilleure gestion du temps. «La réorganisation a impliqué une transition de 35 à 32 heures par semaine, sur quatre jours. Des ajustements ont été nécessaires pour différents types de rôles au sein de l’entreprise, avec des périodes de “focus time” bien définies et des réunions planifiées.» Jean-Philippe ajoute aussi que la fonction «speed meeting» de Google Workspace a contribué à gagner du temps et à améliorer la productivité. (Finir un meeting cinq minutes plus tôt par-ci, cinq minutes plus tôt par-là, sauve du temps à la fin d’une semaine !)

Le stress lors du passage à la semaine de quatre jours n’est pas en reste. La phase test à l’été 2022 chez Wink a connu une légère montée de stress, nécessitant des ajustements et de la flexibilité. Idem chez Rablab. Jean-Philippe affirme qu’il y a dû avoir une période d’adaptation de travailler sur cette nouvelle structure, engendrant quelques agents de stress évidemment, «mais rien d’insurmontable». D’où l’importance de ne pas lésiner sur la phase-test-projet-pilote-you-name-it, mais il faut essayer la formule avant de l’implanter… pour ne pas se planter! Et d’où la pertinence de faire des rétrospectives fréquentes auprès des équipes pour évaluer l’efficacité de cette nouvelle façon de travailler.

semaine 1Jean-Philippe Dauphinais, Rachel Desbiens-Després et Laurie Marcellesi

Qu’en pensent les clients?
L’implémentation de la semaine de quatre jours n’est pas un «one size fits all, met en garde Jean-Philippe. Elle dépend de la taille de l’entreprise, de la nature des activités, de la clientèle, et nécessite une réelle auto-évaluation de l’équipe.» La prise en compte des spécificités et la communication transparente avec les clients ont été des éléments clés de cette transition à son agence. Chez Wink, les clients – qui ont manifesté une réceptivité enthousiaste – ont été informés à la suite de la phase du projet pilote réalisée à l’été 2022. Soyez rassuré·es, le processus s’est déroulé sans heurts, et les livrables des projets n’ont pas été affectés. «Notre intention était simplement de garantir l’absence d’impact sur la qualité et la productivité avant d’officialiser le changement, précise Laurie. On a dû faire des ajustements dans nos plannings et certaines équipes étaient mobilisées le vendredi pour traiter les urgences.» Chez Canidé, les clients ont été informés des bénéfices du modèle de travail de quatre jours, notamment la stabilité de l’équipe et la rétention des connaissances. Parce que même si la prémisse de départ ne doit pas être la rétention de talents, n’empêche que la semaine de quatre jours se traduit par une rétention du personnel. Ce que Wink et Rablab ont aussi constaté. «La plupart des clients ont bien accueilli la décision, et des plans de contingence ont été mis en place pour les urgences le vendredi», mentionne Rachel.

Bien établie chez Canidé, Wink et Rablab, la semaine de quatre jours apporte d’importants bénéfices. Pas question de faire machine arrière lorsqu’on goûte au bien-être, à la productivité, et à la flexibilité ! Si le «travailler moins et mieux» et le «work from home» avaient des allures d’idées novatrices circa 2020, ce n’est pas siii pionnier. D’autres industries avaient déjà emboîté le pas, un peu sous le radar. Comme en témoigne une entreprise du Québec dans le domaine de l’aéronautique qui met en pratique la semaine écourtée depuis 14 ans, partage Jean-Philippe. Maintenant que la vague de la semaine de quatre jours est un peu plus «maintream» dans nos agences de pub, quelle sera la prochaine révolution?

Les ami·es de Boîte Pac ont également accompagné le Grenier aux nouvelles dans sa transition vers la semaine de travail écourtée. Pour en savoir plus sur la semaine de quatre jours simplifiée, cliquez ici.

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