Maintenir son identité québécoise dans un réseau mondial : possible ? Cœur à cœur avec Sylvain Dufresne, co-président, Chef de la création Montréal.

Sylvain Dufresne
Crédit photo : Donald Robitaille 

L’héritage créatif de FCB
Fun fact : c’est aux alentours du début des années 1916 que FCB invente le jus d’orange. Les visionnaires derrière l’agence ont forgé un ADN axé sur la recherche de solutions, une approche qui a traversé les décennies pour définir l’essence même de l’agence publicitaire mondiale. Une analogie emblématique de cette philosophie remonte à la naissance de ce fameux jus d’orange, à ce jour fier accompagnateur des p’tits dej’ à travers la planète. Une invention qui a non seulement créé une boisson iconique, mais qui a également établi le socle créatif de FCB. À l’époque, des producteurs d’oranges californiens ont contacté l’agence dans le but de trouver une solution pour encourager les gens à consommer davantage de cet agrume. « But there’s so much oranges que tu peux manger dans une journée, raconte Sylvain. C’est comme ça qu’ils ont créé Sunkist, une compagnie qui produit du jus d’orange. Ils ont développé l’idée du jus ainsi que les presses à oranges qu’on connaît aujourd’hui. Je pense que FCB se positionne depuis toujours de la sorte : on ne cherche pas toujours la réponse la plus facile, mais toujours la réponse la plus efficace. » Même s’il faut inventer un nouveau produit pour y parvenir. « C’est drôle parce que 150 ans plus tard, Susan Credle, la CCO mondial, a mis la pédale à fond pour les avancements technologiques auprès du réseau. Ça demeure au cœur de notre engagement continu envers l’innovation, visant à mieux servir nos clients à travers l’ensemble du réseau. »

Maintenir son unicité
Une prouesse dans le monde souvent complexe des agences publicitaires internationales, FCB Montréal continue à préserver son identité locale. Le co-président, chef de la création souligne que souvent, surtout au Québec, les grandes structures ont tendance à être « démonisées », car on craint d’être submergés par des chiffres, et de perdre notre créativité. « Mais je trouve que FCB réussit à démontrer le contraire en mettant véritablement le produit au cœur de ses préoccupations. » D’après Sylvain, cette réussite repose sur la création de cellules créatives locales fortes, permettant à chaque bureau de conserver son indépendance tout en contribuant aux objectifs globaux du réseau. « On a réussi à développer un lien de confiance avec le réseau qui fait que le bureau de Montréal est considéré. C’est parce qu’une des richesses que les créatif·ves québécois·es ont, c’est d’avoir forgé nos carrières avec moins. Il y a de grandes agences qui ont d’énormes budgets qui trouvent des solutions à la hauteur de ces budgets-là. Au Québec, historiquement, le budget a toujours été plus petit. Et nos solutions doivent être encore plus grandes pour pouvoir marquer l’esprit. Je pense que c’est comme ça qu’on a réussi à tirer notre épingle du jeu », reflète-t-il.

En pitch, FCB Montréal dit souvent qu’elle est « authentiquement locale ». « On a cette espèce de richesse d’imagination québécoise qui repose sur la capacité à réaliser davantage avec moins de ressources. On offre des solutions d’affaires qui sont pertinentes et fortes. Une des niches qu’on a réussi à accomplir, c’est de faire du produit financier quelque chose de créatif. Je crois qu’on y est arrivé avec notre association avec BMO Groupe Financier », exprime fièrement Sylvain. Exemple éloquent, puisque la marque s’est taillée une place pour la première fois au Bye bye l’an dernier, et s’est aussi mérité le premier Lion de Cannes de l’histoire de BMO pour la campagne GEAR UP en 2022, puis avec la campagne NXT LVL en 2023. La créativité de l’agence ne se mesure pas seulement à son impact sur les clients, mais aussi à sa capacité à engager le·la consommateur·rice de manière significative, le·la plaçant au cœur de chaque concept, créant ainsi une collaboration unique entre la marque et le public. Par exemple ? BMO voulait être plus qu’un nom de marque sur un jersey du CF Montréal (à l’époque l’Impact), indique Sylvain. Ainsi sont nées des campagnes comme L’Échange #FanFini, qui redonne à la communauté soccer, ou encore le programme Donnez l’avantage #FanFini BMO, qui visait à rendre le soccer plus accessible aux jeunes dans le besoin au moyen de dons d’équipement provenant du grand public. « Les campagnes qu’on a faites étaient toutes axées sur la même prémisse. Comment est-ce qu’on peut toucher le cœur du fan autrement que juste dire “hey, on aime le même sport que toi” ? Techniquement, ces campagnes ne pouvaient pas fonctionner si le·la consommateur·rice n’embarquait pas. » D’autres initiatives certifient l’engagement de FCB envers un impact social positif. Comme cette offensive de FCB Toronto pour la Canadian Down Syndrome Society, en collaboration avec Google, pour aider les personnes atteintes de trisomie à utiliser la technologie en les incluant à entraîner le modèle de reconnaissance vocale du géant à les comprendre.

Modèle de talents ouvert
Dans un monde où la DEI (diversité, équité et inclusion) est un thème central, FCB s’engage pleinement à incorporer ces valeurs dans son modèle de talents. « La force du réseau réside dans un bassin DEI naturel », partage Sylvain. Comme en témoigne ce pitch mondial pour QuickBooks — pitch remporté d’ailleurs — où le bureau montréalais était à la même table que le bureau new-yorkais, australien, et londonien. Selon le chef de la création, la collaboration entre des équipes diverses permet d’aborder des problèmes avec des perspectives variées. Cette approche ouverte à la diversité contribue à élever le niveau créatif de l’agence, car elle tire profit de la richesse culturelle mondiale. Des échanges réguliers entre les chef·fes de création du monde entier offrent un aperçu unique de la réalité à travers les yeux de différentes cultures. « On s’abreuve de la réalité des États-Unis, de l’Inde, du Brésil. Avec une telle richesse, c’est impératif d’élargir ses horizons », expose-t-il. Sylvain est d’avis que si le réseau est utilisé de manière intelligente, avec un objectif commun visant à obtenir le meilleur produit possible, il devient un outil extraordinaire. « Comme créatif·ve, tu veux toujours être celui ou celle qui va sortir quelque chose qu’on n’a pas vu. Ça te remet en question, t’obligeant à te demander si tu as poussé les limites, si tu as suffisamment innové. Ce n’est pas seulement une introspection au sein de ton bureau avec un certain nombre de collègues, mais plutôt une remise en question qui émerge au contact d’autres esprits créatifs. C’est un défi constant. »

Avec 150 ans d’histoire, FCB reste fidèle à ses principes fondateurs d’innovation, de créativité et d’engagement social. En naviguant habilement dans le réseau mondial, le bureau montréalais démontre que l’équilibre entre identité locale et collaboration globale peut créer une force créative inégalée. Alors que l’agence continue d’écrire son histoire, FCB Montréal reste un exemple inspirant de la manière dont la créativité peut transcender les frontières. « On va démontrer qu’on est capable d’être crédible comme bureau montréalais. Je pense qu’avec les récompenses qu’on a eues, on démontre qu’on peut être très créatif·ve localement en contribuant au rayonnement du réseau. On l’a démontré, et on continue à le faire. Je trinque aux 150 ans de FCB en sachant qu’il y a un peu de vin québécois dans mon verre (RIRES). »

Sylvain Dufresne
Crédit photo : Donald Robitaille