Vous l’avez très probablement entendu des centaines de fois à la radio, ou vous l’avez entendu à travers une flûte que l’humoriste Arnaud Soly s’est mise dans le nez, ou encore dans un medley du quatuor a capella QW4RTZ… Eh oui, on parle bien de : « Barbies Resto Bar Grill, quel endroit ! Quel festin et tout une ambiance… Chez Barbies Resto Bar Grill ! Ah ! Ah ! Aaaaaahh ! Ah ! » Ça y est, vous êtes pris au piège : vous aurez probablement ce ver d’oreille dans la tête pour une bonne partie de la journée (ou une bonne partie de la semaine, si vous êtes comme moi). Ce jingle, qui appartient maintenant à notre imaginaire collectif au Québec, a récemment soufflé sa vingtième bougie. Et pour l’occasion, son créateur a lui aussi décidé de sortir de l’ombre en renouant pour sa part avec sa passion: la composition de jingle publicitaire. Laissez-moi vous raconter l’histoire de Ian Cooney, le prodige du jingle.

Tout commence par une conversation à priori bien banale,  mais qui ne l’est finalement pas du tout: quelque part durant l’été 2023, le co-directeur du Festival international de films Fantasia tente de retrouver la fameuse personne qui se cache derrière le ver d’oreille connu de tous les Québécois·es. «Ça faisait longtemps que je cherchais qui il était ! En fait, pour l’anecdote, mon groupe d’amis et moi, on est convaincu que le jingle de Barbies, c’est le meilleur de tous les temps.» Et à force d’en parler avec ses proches, Marc Lamothe finit par avoir une idée. «On avait envie de clore le Festival Fantasia avec cette chanson. Alors je me suis mis à la recherche de l’auteur-compositeur, pour faire ça en grand. On a mis la main sur l’interprète de la chanson en version française, Guillaume Lespérance, mais il nous manquait ce fameux Ian Cooney.»

Une fois qu’il eut trouvé le vrai, le seul et unique Ian Cooney, Marc Lamothe constate une certaine incompréhension de la part de son interlocuteur. «Il n’avait pas l’air de comprendre ce que je pouvais bien lui vouloir, raconte en riant le co-directeur et maintenant partenaire d’affaires de Ian Cooney.» Ce dernier corrobore sa version. «Moi, je ne connaissais aucun Marc Lamothe, alors je trouvais ça bizarre qu’il m’écrive comme ça sur Facebook.» Et il affirme avoir été encore plus surpris qu’on lui parle d’un jingle publicitaire qu’il avait composé 20 ans auparavant. «Quand Marc m’a dit que le jingle de Barbies était connu partout au Québec, je n’ai pas compris. C’est comme si je n’y croyais pas.» Mais Ian Cooney l’a vu de ses propres yeux: quand des centaines de personnes se sont mises à chanter en chœur les paroles de sa chanson au Festival, l’impact de son travail n’était plus à questionner.

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Jongler entre les jingles
Mais comment en arrive-t-on à ne pas connaître l’ampleur d’un succès comme celui du jingle de Barbies ? «J’ai déménagé aux États-Unis depuis et il faut croire que je n’ai pas suivi de près ce qui s’est passé avec mes jingles.» SES jingles, oui, car Ian Cooney est l’auteur-compositeur de plusieurs autres ver d’oreille, pour n’en nommer que quelques-uns: 3 Amigos, Ben & Florentine, Double Pizza, Matelas Bonheur, St-Hubert, Casa Grecque. «C’est surtout parce que je suis un gars qui donne tout ce qu’il a pour un projet, comme un jingle, explique le musicien qui réside maintenant en Floride, mais après, quand c’est fini, je passe au prochain appel. Je ne pense pas à l’impact que ça peut avoir.»

Devenir compositeur de jingle publicitaire professionnel, comment ça arrive? «(Rires) Pour moi, c’est arrivé dans un garage, pendant une pratique avec mon band, dans les années 70. Le batteur de mon band m’a raconté avoir enregistré une toune pour une publicité radio et je me souviens m’être dit, c’est donc ben cool.» De là est partie l’idée de s’équiper au maximum dans le sous-sol de ses parents pour produire à son tour ce genre de service. «Mon premier jingle était pour Roxy Stereo Center, à Ste-Rose, CHOM FM, et ça a été aussi un genre de hit. Et puis après, c’était parti pour moi!» C’est parti, ici, est plutôt un euphémisme, car Ian Cooney a produit plus de 400 jingles entre 1978 et 2014 pour le compte de nombreuses entreprises.

ian cooneyIan Cooney

Reprendre du service
C’est en constatant l’étendue du succès de ses nombreux jingles au Québec, que Ian Cooney a voulu faire revivre son entreprise Cooneytunes, qu’il avait délaissé depuis 2014 pour se dédier à la performance avec un band, en alternant de New York à la Floride. «Je réalise que je veux écrire des vers d’oreille et que ça me donne beaucoup de plaisir. Je veux repartir la boite que j’avais délaissé en 2014 et la propulser à nouveau dans le monde. Je veux retourner faire ce que j’aime. Quand je trouve enfin le fameux son qui sonne bien, je deviens fou de joie, comme un enfant de 6 ans. Mais le best des best feeling, c’est quand je présente pour la première fois aux client·es la toute première version de leur jingle et que je vois le sourire se dessiner sur leurs lèvres ou que j’entends leur pied frapper au rythme de la musique. Ça, c’est la joie pure et dure. Et c’est ça qui me fait triper.» Est-ce qu’on pourrait dire que c’est ce qui fait la marque de commerce Cooney ? «Oh absolument, je suis un gars exigeant en studio, mais je suis un gars vraiment heureux dans la vie. Je chante en souriant, et j’aime ça penser que je peux transmettre un peu de mon bonheur à travers ma musique.» Et qui sait, peut-être même qu’il vous transmettra l’envie de vous régaler d’un grand festin dans un resto-bar grill près de chez vous !