À l’ère où les frontières entre réalité et fiction se brouillent, notamment avec des publicités ultras personnalisées, qui s’adaptent carrément en temps réel à qui la regarde, même dans la rue, à la Minority Report, et après le geofencing, jusqu’où peut-on explorer ? En sublimant la publicité extérieure, un «prompt» à la fois grâce à l’intelligence artificielle ? Au printemps dernier, le géant Coca-Cola s’est allié avec OpenAI pour lancer Create Real Magic, un concours d’images créatives, invitant les artistes à créer des visuels à l’aide de GPT-4 et/ou DALL-E. Undiz, qui a voulu innover sa campagne estivale 2023, a mixé photoshoot classique et IA, donnant lieu à 3 000 affiches bien réelles placardées dans 60 villes françaises. On a ensuite eu droit à un stunt en direct du réseau de transport à Londres qui a vite fait le tour du web : un tube de mascara Maybelline et des cils format beaucoup plus grand que nature. Puis, à Dubaï, un hologramme d’une Barbie géante qui jaillit de sa boîte aux côtés de l’emblématique Burj Khalifa, coïncidant avec la sortie du film. La différence avec ces deux derniers exemples, c’est qu’ils ont été présentés comme de vraies expériences. Des mises en scène qui n’ont pourtant jamais eu lieu en dehors des réseaux sociaux, et qui n’existeront que sur nos écrans.

barbie
undiz

Entre l’imaginaire et le tangible
Place au fake— (ou faux)— out-of-home. Des publicités numériques hyperréalistes qui apparaissent comme des activations OOH dans un paysage urbain existant, mais qui sont en fait le résultat de réalité augmenté, de CGI, ou d’intelligence artificielle. «À une époque où nous expérimentons et partageons tout en ligne, les campagnes fake-out-of-home pourraient devenir la plus grande tendance en matière de publicité en ligne», a partagé Ian Padgham, le créateur derrière l’activation de Maybelline. On lui doit notamment les bolides coiffés de sacs à main géants de Jacquemus durant la Paris Fashion Week. Andrés Reisinger, directeur de création basé à Barcelone, et reconnu pour ses installations hors du commun, qu’il décrit d’ailleurs comme «inclassable» par leur nature oscillant entre le «physique et le numérique», expliquait à The Drum «qu’à mesure que les technologies d’IA continuent de progresser, nous pouvons nous attendre à de nouvelles possibilités pour créer des publicités plus personnalisées, plus attrayantes et contextuellement pertinentes». Est-ce que le terrain de jeu des publicitaires s’amplifiera pour devenir une toile aux possibilités infinies, puisque le FOOH offre plus de liberté créative, avec moins de contraintes de budget et de format ?

ooh 1

Zone grise
L’appétit du public pour des contenus toujours plus nouveaux et toujours plus captivants est peut-être assouvi avec le FOOH, mais à quel prix ? On n’en est qu’au tout début de l’ère du fake-out-of-home et déjà il soulève des questions. Une grande partie du succès (de la magie) du FOOH s’opère dans une zone grise, laissant les consommateur·trices dans l’incertitude quant à savoir si ces activations existent ou non dans la vie réelle. Ce à quoi vous allez peut-être dire que cette «supercherie» n’est pas si différente du CGI utilisé dans les films ou webséries. Ce à quoi, renchérit Mel Arrow, directrice de la stratégie chez McCann London, que le contrat téléspectateur-diffuseur est distinct, puisqu’il repose sur le divertissement. Alors qu’en publicité, «les règles établies reposent sur la véracité.» «Il est important que notre industrie reste du bon côté de la confiance des consommateur·trices» met en garde la publicitaire sur Campaign. Elle se questionne aussi sur l’éthique d’emprunter — sans investir — de véritables panneaux d’affichage bien placés pour de la fausse publicité extérieure. Dans la même veine d’idée, le PDG d’And Rising, Jonathan Trimble, suggère de manière ludique de contribuer en donnant de l’argent pour «payer» l’utilisation virtuelle d’espaces publicitaires. «Nous aimerions que les paiements soient directement versés à la Brixton Finishing School — notre contribution suggérée est de 1 000 £. Mais pourquoi ne pas en faire plus? Si le montant est plus petit, c’est cool aussi. Qu’est-ce que ça vaut pour vous?», avait-il écrit.

À la question jusqu’où peut-on explorer à l’ère où les frontières entre réalité et fiction se brouillent, empruntons les mots de Mel Arrow «make it real or make it spectacularly fake. But nothing in between». Autrement dit, soit on rend l’imaginaire tangible, soit on rend le faux très extraordinaire. Ça éviterait des zones grises.

Ce sujet pique votre curiosité? L'agence Clark propose justement un webinaire le 12 octobre prochain pour décrypter ce nouveau format sous toutes les coutures. Pour en savoir plus, cliquez ici

ooh 2