Trop d’écrans? Peu de protection? Est-ce qu’on doit comprendre dans ce genre de tendances que les GenZ n’ont pas d’intérêt envers le métaverse? Et surtout, est-ce que le Web3 a pris le monde par la tempête qu’il avait prédit?

Vous débarrasseriez-vous de votre smartphone en échange d’un vieux téléphone à flip qui n’a pas accès à internet? Non? Eh bien, pour beaucoup de membres de la génération Z, cette idée est tentante. On remarque en effet que la nouvelle génération de jeunes adultes a un engouement nouveau pour les téléphones à clapet (flip phone) des années 2000. Si on se fie à la popularité grandissante du forum Reddit «Dumb phones», qui prône «une révolution et une vie plus simple», ou encore à la tendance de certains influenceurs TikTok, comme Alex Purdy, à inviter l’auditoire à se procurer un vieux téléphone, on doit admettre que l’intérêt de la génération Z envers les modèles rétros n’est pas qu’esthétique. Bien que cela semble contre-intuitif pour plusieurs, aux yeux de plus en plus de jeunes adultes, ce retour en arrière révèle une envie de «désintoxication numérique», mais aussi une préoccupation croissante de protection de la vie privée. Trop d’écrans? Peu de protection? Au cœur de cet intérêt pour les téléphones à clapet se mêlent nostalgie et quête d’un répit numérique. En choisissant ces reliques technologiques, la jeune génération revisite une époque où les écrans n’étaient pas omniprésents. Est-ce un pas en arrière pour le métaverse, qui fonde beaucoup d’espoir dans une clientèle numérique ? Est-ce qu’on doit comprendre dans ce genre de tendances que les GenZ n’ont pas d’intérêt envers le métaverse?

Difficile de dire si l’intérêt envers le métaverse est grand
Il est difficile de fournir une réponse définitive quant à la mesure dans laquelle l’engagement de la génération Z envers le métaverse correspond aux projections qui avaient été avancées par les spécialistes. Bien que l’idée tant rêvée d’un métaverse intégré ait suscité un grand intérêt auprès de plusieurs industries, son adoption réelle et son adoption au sein de la génération Z restent encore à prouver. Parallèlement, le métaverse en encore loin d’avoir atteint son plein potentiel, ce qui complique davantage la collecte de données. Cependant, ce manque de connaissance ne devrait pas être un frein pour les publicitaires et les marques, indique l’analyste en science des données chez Cossette, Rama Sow, qui croit qu’explorer les technologies les plus pointues, telles que le métaverse, pour cibler la génération Z peut se révéler astucieux pour les marques. «Toutefois, cette approche requiert une réflexion minutieuse et une stratégie bien élaborée. Pourquoi ? Parce que l’expérience récente a montré que, bien que les nouvelles technologies émanant du Web3 aient perturbé certains secteurs comme le gaming, elles n’ont pas encore profondément altéré les habitudes de consommation des jeunes. Par conséquent, il est essentiel d’évaluer attentivement les risques liés à l’incursion de notre marque dans cet univers, en gardant à l’esprit que la transition vers le Web3 peut s’avérer complexe et tumultueuse.»

ramaRama Sow

Un manque de données, mais aussi un manque de compréhension
On rapporte que les Z ne s’intéressent pas autant qu’il ne l’était prédit au métaverse ou au Web3. Est-ce que les marques qui se sont précipitées dans ces secteurs pour rejoindre la génération Z s’y sont prises efficacement ? «À mon avis, souligne Rama Sow, l’émergence du Web3 a suscité un enthousiasme considérable parmi les marques. Nombre d’entre elles craignaient de passer à côté d’une opportunité majeure. À l’époque où cela a commencé, la pandémie avait instauré un climat d’instabilité et d’incertitude. Je pense que certaines marques se sont précipitées sans véritablement comprendre la nature de l’univers qu’elles intégraient et sans saisir les attentes des consommateur·rices. Ce manque de compréhension a engendré plusieurs échecs.»

Éviter les erreurs fréquentes pour rejoindre la génération Z dans le métaverse
En posant la question à l’experte en analyse de données, il est apparu clair que certaines marques qui se sont précipitées dans le Web3 ne savaient pas du tout ce qui les attendait. Ce manque de connaissances a engendré plusieurs échecs, selon Rama Sow. La fondatrice de The Study a pris le temps de relever les principales erreurs qu’elle a pu remarquer avec le temps et qui ont conduit certaines campagnes de marques dans le métaverse à l’échec. Les voici :

  1. Manque d’authenticité : Les GenZ sont très sensibles à l’authenticité et perçoivent ainsi les failles des campagnes qui ne le sont pas. Les marques qui ont simplement l’air de suivre la tendance du Web3 sans avoir une réelle compréhension de ces technologies et de leurs valeurs peuvent sembler inauthentiques et opportunistes.
  2. Ignorer les préférences : Tous les membres de la GenZ ne sont pas également enthousiastes à l’égard du métaverse et du Web3. Les marques doivent être conscientes de cette diversité d’intérêts et ne pas supposer que ces technologies suscitent un engouement universel.
  3. Manque de valeur ajoutée : Les marques doivent proposer des expériences et des produits réellement intéressants et utiles dans le contexte du Web3. Se précipiter pour être présentes sans offrir de valeur ajoutée peut mener à un manque d’engagement. Les GenZ sont très sensibles et recherchent ainsi de nouvelles expériences client. Sans valeur ajoutée, les Z passeront au prochain appel rapidement.
  4. Sous-estimer l’éducation nécessaire : Le Web3 peut être complexe et nouveau pour de nombreux consommateur·rices. Les marques doivent fournir des ressources pédagogiques pour expliquer ces technologies et leurs avantages de manière claire et accessible.
  5. Oublier la vie privée et la sécurité : Les préoccupations liées à la sécurité des données et à la vie privée sont cruciales, en particulier dans des environnements comme le métaverse. Les marques doivent mettre en place des mesures de sécurité solides pour gagner la confiance des internautes.
  6. Manque de continuité : Le succès dans le Web3 ne se limite pas à une simple présence initiale. Les marques doivent s’engager à maintenir une présence active et à évoluer avec les développements du secteur pour nourrir, entretenir et conserver l’intérêt de la GenZ.

Une réflexion qui dépasse les objectifs marketing ?
Chaque génération fait l’expérience des progrès technologiques à sa façon, tandis que la société dans son ensemble débat de leurs conséquences sur leurs comportements. Mais les recherches ont constaté que le changement vécu par les Z d’aujourd’hui est sans précédent. Tous les aspects de leur vie - éducation, amitié, romance, carrière - seront façonnés par la technologie qu’ils ont entre les mains. Mais cette génération, qu’on croit capable de s’intégrer parfaitement aux technologies, demande qu’on intègre plus le Web3 au cursus scolaire. En effet, une étude mondiale menée par Boss Beauties et la société d’analyse et de sondage EPG dans sept pays auprès de 3 869 personnes, révèle que 52 % de la génération Z (16‑25 ans) souhaitent que le Web3 soit une notion abordée dans le cadre scolaire et met en évidence un manque de connaissance de ce secteur. Peut-être alors faudrait réfléchir à mieux éduquer cette génération (et les autres !) avant de foncer tête première dans le Web3, comme le dit Rama Sow, et réfléchir à des solutions pour amener les jeunes d’aujourd’hui dans les technologies de demain.

Sur les digital natives
Soyons tout de suite sur la même longueur d’onde: la génération Z regroupe les individus né·es après 1 995 et ont pour parents, en grande majorité, la génération X. «On utilise plusieurs noms pour désigner cette génération, indique le conférencier et expert en générations, Carol Allain, certaines personnes les appellent “emos” en référence à la dimension affective qui les anime. D’autres vont les appeler les “digital natives” (génération Internet) ou encore la “génération WTF” pour Wikipédia, Twitter et Facebook. Une appellation que j’aime beaucoup, c’est la génération C, C pour Connecter, Communiquer, Créer, Collaborer. » Selon l’auteur du livre Génération Z, il ne faut pas s’arrêter à la simple idée de la génération Z comme étant une génération ultra-connectée : « tout le monde essaie de les étiqueter en apportant des idées préconçues et souvent fausses. Il faut dépasser le stéréotype qui croit que les Z vivent seulement par le numérique. Ce qui caractérise vraiment cette génération, ce sont des sources d’aspirations contradictoires. Par exemple : on remarque une tendance au désinvestissement dans plusieurs secteurs, et, parallèlement, on voit que les Z ont une profonde envie d’engagement dans des causes qui leur tiennent à cœur. Même si certains membres de cette génération se désintéressent de leurs smartphones, ils ne pourraient paradoxalement pas se passer d’internet pour nous le dire et pour vivre. Car, il faut savoir que la génération Z manifeste une envie générale de socialiser en vrai ou via la technologie.»

carolCarol Allain

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