Il n’y a pas plus belle musique pour les oreilles du personnel d’agence que les mots «carte blanche». Mais la réalité, c’est qu’à moins qu’il s’agisse d’un projet pro bono, la carte devient souvent beige, même beige foncé. Les entreprises ont des paramètres à respecter et il est du devoir de l’agence de les comprendre. C’est normal.

Certaines agences ont toutefois décidé de faire les choses un peu autrement, notamment afin de pouvoir offrir à leur équipe une liberté créative exceptionnelle. C’est le cas d’Orkestra, une boîte composée d’une trentaine de talents, répartis entre Gatineau et Montréal.

Coups de foudre professionnels
Depuis une quinzaine d’années déjà, Orkestra propose des services de marketing et de design à une liste enviable de clients qui la garde bien occupée. Environ 80% de cette clientèle entretient avec l’agence une relation qu’on qualifierait de plus traditionnelle, c’est-à-dire qu’elle paie pour des heures travaillées. Une base solide qui permet à l’agence de vivre d’elle-même, selon Alex Van Dieren, co-président d’Orkestra. «On les adore, on en prend soin. Sans cela, on ne fonctionnerait pas au quotidien.»

L’autre 20%, quant à lui, fait partie de l’Alliance d’Orkestra, une branche créée il y a quatre ans à la suite d’un coup de foudre professionnel.

«Flirt, une marque de limonade pétillante faite à partir de fruits rescapés, nous a demandé de refaire son image de marque et de concevoir le design de sa bouteille, se souvient Alex Van Dieren. On a immédiatement capoté sur les produits et on voyait bien que l’équipe aimait travailler avec nous. Ensemble, on s’est dit que ce serait bien qu’on investisse financièrement dans ce projet qui nous tient à cœur.»

Depuis, l’Alliance repose sur des partenariats avec des entreprises, comme Flirt, desquelles Orkestra a décidé de devenir actionnaire. Parfois, l’idée vient du client, d’autres fois, elle germe dans le terreau de l’agence. Par exemple, Orkestra s’est récemment lancée dans la création de l’Interzip Rogers, la première tyrolienne interprovinciale au monde. «On s’associe toujours à de véritables spécialistes du milieu. Même si on investit financièrement, on considère qu’on est là pour jouer le rôle d’agence et uniquement ce rôle-là. On ne brassera pas la limonade nous-mêmes, on ne remettra pas en question des ingrédients; on s’occupe du nom, du design et du look and feel

orkestra

Investir dans les sourires
Justement, pour que ce type de partenariat fonctionne, il y a cette ligne à ne pas franchir, selon le co-président. C’est d’ailleurs pourquoi l’investissement financier d’Orkestra ne dépasse jamais le 50 %, le but n’étant pas de devenir actionnaire majoritaire de la marque, mais de participer à un projet en lequel l’équipe croit.

Pour maintenir le cap sur la raison d’être de l’Alliance, l’agence sélectionne attentivement les projets selon leur proximité avec son ADN. Ceux-ci doivent être inspirants et lui permettre d’aller ailleurs d’un point de vue créatif, affirme Alex Van Dieren. «L’un des principaux avantages de l’investissement financier, c’est que la carte blanche est vraiment blanche. Cela nous permet d’offrir à l’équipe une pleine latitude.»

Orkestra veille également à investir principalement dans des projets d’ici, contribuant ainsi à propulser l’économie locale, et accorde une grande importance aux mesures écoresponsables. Là aussi, des valeurs qui font partie de son ADN. «On aime faire vivre des moments le fun aux gens et voir des sourires en personne. C’est ce qui fait qu’on s’intéresse surtout aux projets qui sont près de nous. Quand c’est concret, quand on voit le résultat de nos efforts, le niveau de fierté est incomparable.»

Juste équilibre
Outre les possibilités créatives infinies, le modèle de partenariat de l’Alliance assure aussi un accès accru aux chiffres ainsi qu’une meilleure compréhension des décisions d’affaires et de la réalité des opérations, ce qui favorise la transparence et la connaissance de la marque. «Quand l’entreprise décide de faire l’achat de nouvel équipement, par exemple, on est au courant et on peut rapidement réfléchir à comment tirer un profit de cette dépense dans le temps.»

Une collaboration qui repose sur l’actionnariat requiert cependant une gestion financière particulièrement serrée. Contrairement à des heures facturées, puis payées dans les 30 jours suivant la réception de la facture, l’échange contre des actions porte ses fruits parfois seulement sept ou huit ans plus tard. Certains projets sont rentables, d’autres moins, d’où l’importance de préserver un bon équilibre, constate M. Van Dieren.

«En plus de s’assurer de choisir les bons projets, il faut bien gérer la répartition des heures afin de ne jamais laisser tomber les clients plus traditionnels. Après tout, ce sont eux qui rendent possibles nos investissements», conclut-il.