À la télé, à la radio ou sur le web, certains concepts publicitaires semblent faits pour rester. Encore et encore, ils nous font rire, pleurer ou même réfléchir. Mais est-ce que la longévité rime nécessairement avec succès? Dans quel contexte doit-on juger qu’un message doit mourir de sa belle mort ou au contraire, continuer son parcours? Petite réflexion sur la durée de vie d’une stratégie de publicité avec Mylène Tremblay, associée, directrice générale chez l’agence Les Évadés.

Du jingle ver d'oreille du Clan Panneton, au «Ah Ha!» de Familiprix, en passant par le fameux porte-parole d’A&W, ces succès publicitaires ont assurément créé chez le public québécois des associations cognitives pérennes envers ces marques. Mais est-ce que la constance et la réutilisation d’un même message ou d’un même concept, répété sur une longue période, engendre nécessairement de meilleurs résultats pour l’annonceur qui opte pour cette stratégie?

«Je trouve ça très intéressant comme sujet car en fait, c’est une question qu’on se fait poser souvent et qu’on évalue lors des planifications stratégiques avec nos clients. Est-ce qu’on doit poursuivre avec la plateforme publicitaire existante ou plutôt créer quelque chose de nouveau? Mais il n’existe pas de réponses exactes. On ne peut pas vraiment se dire: est-ce que la plateforme publicitaire est bonne pour 3 ans ou 5 ans et après on doit passer à autre chose? Pour moi, ça dépend vraiment de la stratégie adoptée et de l’analyse qu’on en fait», explique Mylène.

Une formule qui a fait ses preuves a tout de même du bon, nuance-t-elle. Changer pour changer n’est pas nécessairement la solution. Dans certains cas, c’est plutôt la plateforme publicitaire qui est à revoir, et non un message ou un concept précis. «Quand les données nous démontrent que la performance n’est plus au rendez-vous, c’est que quelque chose a changé par rapport au contexte de la marque. Est-ce qu'il y a une surexposition au message? Une certaine usure? La marque ou son produit peuvent aussi changer avec le temps, ou une nouvelle cible peut être identifiée. Donc, même si un concept marchait bien depuis un moment, ces réalités vont venir modifier la stratégie globale.»

myleneMylène Tremblay

Faire durer ses bons coups
Selon la directrice générale chez Les Évadés, utiliser une publicité sur le long terme compte bien sûr des avantages, principalement quand la marque s’engage dans une démarche de notoriété auprès de la cible. Un message davantage centré sur un produit n’aura donc pas nécessairement la même longévité que celui qui partage la mission d’une entreprise.

«Si on a une bonne plateforme publicitaire, la maintenir dans le temps amène des gains quant à l’attribution à l’annonceur, sur le plan de la cohérence dans tous les canaux de communication. Quand on lance une marque, qu’on bâtit sa notoriété, ce n’est pas souhaitable de changer de concept trop rapidement parce qu’on est en train de l’installer. On observe que plus la communication est axée sur la raison d’être de la marque, plus elle sera durable. Un produit, ça évolue, donc la pub va changer et ne sera pas réutilisée.»

Quand on veut mettre toutes les chances de son côté pour marquer les esprits, y a-t-il une façon miracle de s’assurer un succès publicitaire dans le temps? On pense notamment aux concepts humoristiques ou aux motifs sonores qui semblent avoir plus de chances de faire mouche. «En effet, mais pas seulement. Il y a aussi l’univers visuel qui peut rester pendant plusieurs années, les porte-paroles ou les ambassadeurs qui reviennent, comme dans les stratégies automobiles. On pense aux animaux de Telus qui ont bien fonctionné et sont repris depuis longtemps. Chaque plateforme a le potentiel de durer dans le temps si on trouve le juste insight», croit la directrice générale.

À la question d’une rentabilité accrue que pourraient engendrer ces «valeurs sûres» publicitaires, Mylène Tremblay est mitigée. «Je répondrais oui, mais non. Si on remarque un moins bon retour sur investissement avec le temps, ce n’est évidemment pas plus rentable de poursuivre avec une pub qui ne performe plus autant. Mais en tant qu’agence, c’est notre devoir de diriger dès le départ nos clients vers un environnement publicitaire qui a un grand pouvoir de déclinaisons et qui pourrait éventuellement vivre sur plusieurs années.»

L’essoufflement d’un succès publicitaire
À travers cette quête de longévité, il y a aussi le risque de finir par lasser le public. Les gens peuvent-ils se tanner de voir ou d’entendre encore et encore le même spot, inarrêtable jingle ou l’omniprésent porte-parole?

«C’est possible, confirme d’emblée Mylène. S’il y a un essoufflement créatif dans une même plateforme publicitaire, c’est probablement le signe qu’elle arrive à sa fin. Mais rien n’empêche qu’une marque conserve un jingle qui performe encore bien, mais change les autres composantes de sa plateforme pour la faire évoluer et éviter une lassitude du public. Certains éléments de la marque peuvent donc avoir une plus grande durabilité sans nécessairement déranger, comme l’identité graphique ou un son associé.»

L’annonceur doit ainsi prendre en compte les tendances du moment, la société, les médias utilisés ou la compétition qui l’entoure en gardant à l’esprit de se renouveler, conseille la spécialiste. «Les humains aiment la nouveauté et recherchent souvent le changement. Il faut surtout que la marque continue à divertir ses audiences, à les surprendre, et à susciter une émotion. Certains médiums demandent aussi un plus grand renouvellement des contenus, comme sur les médias sociaux, tandis que la durabilité d’un message peut être plus longue dans les médias de masse. Mais aujourd’hui, le multiplateforme représente un défi par rapport à la musique de marque, aux jingles, par exemple. Un média, qui peut être à 80% diffusé en numérique, sur le web, le son peut être absent ou coupé par l’utilisateur. Il faut donc aussi se poser la question de l'adaptation des messages.»