Plusieurs gouvernements à travers le monde ont manifesté leur préoccupation concernant la capacité de l’application créée par la société chinoise ByteDance à compromettre les données confidentielles des utilisateur·rices. La question c’est: est-ce que les marques partagent ces inquiétudes face à TikTok ?
Ce n’est pas un secret: au cours des derniers mois, les législateur·rices aux quatre coins du globe ont intensifié leurs efforts pour restreindre l’accès à TikTok, citant des doutes quant à la sécurité des données personnelles. Bannie des appareils fédéraux américains depuis le 27 février 2023, l’application continue en effet de se heurter à un nombre d'interdictions grandissant dans plusieurs pays, dont le Canada, la Grande-Bretagne, l’Union européenne, la France, la Nouvelle-Zélande suivie par l’Australie. Mais pourquoi ? Ce qu’on reproche à TikTok et à sa société mère, ByteDance, c’est de mettre les données sensibles de ses utilisateur·rices entre les mains du gouvernement chinois. L’entreprise est d’ailleurs sous investigation aux États-Unis, puisqu’elle est soupçonnée d’avoir surveillé des citoyen·nes américain·es, y compris plusieurs journalistes spécialistes de l’industrie technologique. En parallèle, de nombreuses organisations s’inquiètent du fait que la désinformation puisse prendre de l’ampleur sur l’application et pointent du doigt les lois chinoises qui permettent au gouvernement d’obtenir secrètement les données qu’il souhaite. Le mouvement de bannissement est d’ailleurs loin de se résorber, comme le prouve le récent projet de loi approuvé par la Chambre des représentant·es du Montana, qui interdit complètement TikTok sur son territoire. Même si les têtes dirigeantes de ByteDance nient toutes ces accusations, la pression politique reste forte contre la plateforme. Mais cela affecte-t-il sa popularité auprès de la population ?
Un engouement très loin de s’éteindre
Eh bien, la réponse semble être évidente pour le stratège créatif de Clark Influence, Arthur Brenac. «Pour l’instant, nous dit-il, les gens sont toujours actifs sur la plateforme. TikTok a encore le vent dans les voiles et tant que ce sera le cas, il sera judicieux de saisir les nombreuses opportunités que la plateforme nous offre en tant que publicitaire.» Son opinion est partagée par le fondateur de Clark Influence, Nicolas Bon, qui croit que l’avenir de TikTok au Canada n’est pas encore à risque. «À la base, TikTok n’est pas conçu pour les organismes gouvernementaux, donc l’impact de ce bannissement ne se fait pas sentir sur la plateforme. Et bien que certain·es puissent penser à tort que TikTok se résume à des modes de vidéo de danse, ce média social est devenu un des outils de communication les plus performants et les plus techniquement sophistiqués. Il serait dommage de s’en départir.» Les deux experts en marketing ne font en effet pas d'erreur. Il est difficile de surestimer la domination de TikTok parmi ses compétiteurs sociaux: en 2021, la plateforme recevait déjà plus de visites que Google (qui détenait le record depuis plusieurs années) et a dépassé le milliard d’utilisateur·rices en un temps record. Et son chiffre d’affaires ne cesse de grimper. Mais si le bannissement de TikTok par certains gouvernements n’affecte pas tellement l’engouement des utilisateur·rices de la plateforme, il reste que l’interdiction peut nuire aux marques.
La bannissement et l’impact sur les marques
À ce propos, Alexandre Turcotte, vice-président de l’agence spécialisée sur TikTok Heya, affirme que l’impact du bannissement se ressent déjà dans les agences. «L’interdiction affecte beaucoup d’organismes gouvernementaux qui sont des bons clients en agence. On parle de municipalités, de cégeps, d’universités, mais aussi d’organismes de part et d'autre qui avaient une présence sur TikTok.» Car on ne peut pas parler de l’audience de TikTok sans mentionner les générations plus jeunes, qui constituent du moins au Canada, à elles seules, près de 70 % de l’audience. «Quand on pense à la génération Z, on sait que pour plusieurs marques, c’est un vrai défi de les rejoindre et TikTok était un levier sur lequel elles mettaient beaucoup d’espoir. Pour de nombreux organismes, cet espace pour rejoindre les jeunes vient de se refermer. C’est dommage, parce que la plateforme a tellement d’avantages pour les annonceurs.»
Aucun avantage à ralentir
De leur côté, Nicolas Bon et Arthur Brenac, qui se spécialisent surtout dans les campagnes d’influence, disent que les créateur·rices de contenus gardent l'œil ouvert, mais que leurs activités sur TikTok ne ralentissent pas. «On sent que des créateur·rices commencent à élaborer des plans B et C sur YouTube et Instagram, mais que TikTok reste toutefois la priorité, explique Arthur Brenac. Il faut comprendre qu’une des forces de TikTok, c’est de créer des communautés extrêmement engagées au sein même de sa plateforme. Et en ce sens, elle représente un levier social unique dont plusieurs créateur·rices sont loin de vouloir se passer.» Et pour les marques ? «On voit beaucoup de nos client·es réussir à faire énormément de vente, même au niveau organique, souligne pour sa part Alexandre Turcotte. Contrairement aux autres plateformes, c’est le contenu qui prime sur TikTok. Nul besoin d’avoir une tonne d’abonné·es: si ta stratégie est on point, ton contenu vidéo sera propulsé sur la plateforme.»
Pour Nicolas Bon, la vitrine offerte pour les petites marques est immense et qu’un retrait de TikTok pourrait être considérable pour ces dernières. «Certaines entreprises peuvent penser que se tourner vers Instagram ou YouTube Shorts sont des solutions de rechange, mais ces plateformes ne sont pas encore prêtes à égaler les capacités algorithmiques de TikTok. Les annonceurs ont pour ainsi dire tout intérêt à être présents sur TikTok, tant et aussi longtemps que ce qui est reproché à la plateforme soit prouvé hors de tout doute. » À ce propos, Alexandre Turcotte précise en terminant que «l’avenir est incertain pour l’instant. Est-ce que TikTok va être banni ? On ne le sait pas encore. Est-ce que TikTok va être vendu? On ne le sait pas encore. Ce qu’on sait par contre, c’est que l’application continue de grossir en popularité et que de plus en plus de gens la téléchargent. En ce moment, l’attention est là et il faut comprendre qu’il y a beaucoup d'opportunités à saisir. Mon conseil serait donc de ne pas manquer le bateau.»
Quelques statistiques TikTok au Canada
- 3,2 millions = C’est le nombre mensuel enregistré d’internautes actif·ves sur TikTok.
- 36 % = La portée publicitaire atteint en moyenne 36 % des adultes au Canada.
- >40 = Parmi ces internautes, plus de 70 % ont moins de 40 ans. À l’échelle mondiale, la plateforme rapporte que 60 % de son auditoire appartient à la génération Z.
- 4 = TikTok est le quatrième média social le plus utilisé au Canada.1
Arthur Brenac, Alexandre Turcotte et Nicolas Bon
1-Made in CA