Le débat sur les bénéfices de la semaine de travail de 4 jours est amorcé depuis déjà quelque temps, l’idée ayant été mise sur la table dès les années 90 en Europe. Aujourd’hui, les études révélant les bienfaits de cette formule, non seulement sur l’employé·e lui-même, mais sur l’entreprise qui l'emploie, se multiplient. Quelles sont les répercussions positives, mais aussi les défis, d’un horaire de travail réduit ? Survol du pour (et du contre ?) avec Anne-Marie Archambault, directrice, Stratégie et Storytelling interactif chez Akufen, et Dominic Tremblay, président-directeur général de l’agence TUX.

4joursAnne-Marie Archambault et Dominic Tremblay

Certains l'ont déjà adopté, alors que d’autres craignent encore certaines répercussions sur la performance et la croissance au travail. Suivant les traces de l'Islande, du Japon ou encore de la Belgique, le Royaume-Uni a lancé en juin dernier un sondage auprès de 70 entreprises britanniques et leurs 3 300 employé·es. Les résultats sont sans équivoque: bien qu’elle contient quelques défis logistiques, cette formule a fait ses preuves.

Le studio montréalais Akufen peut en témoigner, puisque ce dernier a instauré de manière progressive la semaine de 4 jours au printemps dernier. Constatant l’épuisement moral de son équipe après 2 ans de pandémie, il fallait réagir et trouver une solution pour garder les troupes motivées, mais surtout, en bonne santé. «Il s’agit d’une idée qu’a eu le comité de direction et qui a été très bien accueillie par les employé·es. Un an plus tard, nous sondons notre équipe sur son appréciation du 4 jours/semaine et sur les défis, les apprentissages et les solutions que nous pourrions mettre en place pour améliorer le processus», explique Anne-Marie Archambault, qui précise répondre à nos questions en tant que porte-parole de l’agence.

Pour l’agence TUX, qui a mis en place la semaine écourtée en juin dernier, la décision s’est faite dans un souci de fournir à ses employé·es plus d'espace mental: «Puisque nous sommes dans une industrie créative, il est essentiel pour nos talents d'avoir l'opportunité de s'inspirer, de déconnecter et de passer du temps en mode par défaut (MPD)», explique Dominic Tremblay.

Un an plus tard, des bénéfices évidents
«Une chose est certaine, personne ne souhaite revenir en arrière!», résume d’emblée Anne-Marie Archambault. Une affirmation qui en dit long quant à l’appréciation des employé·es face à leur nouvel horaire. L’agence a dû revoir la répartition du temps de travail, qui est maintenant de 32 heures échelonnées du lundi au jeudi. Les employé·es ont conservé le même salaire.

Jusqu’ici, tout semble se dérouler rondement. Les bénéfices constatés au sein de l’équipe sont nombreux. «Plusieurs nous ont mentionné la capacité de gérer leur horaire de manière plus flexible, comme la possibilité d’étirer les jours de travail l’hiver, le soir, et de commencer plus tôt l’été, le matin. Cette plus grande liberté et autonomie influence positivement leur créativité et leur performance», indique-t-elle.

Parmi les autres avantages, on dénote une réduction du stress chez les employé·es, une meilleure conciliation famille-travail et plus de temps pour les loisirs, les projets personnels et les périodes de repos. «Dans tous les cas, les gens en profitent!», confie la directrice, Stratégie et Storytelling interactif chez Akufen.

Selon Dominic Tremblay, «le sentiment est majoritairement positif pour tous». Le PDG de TUX, qui a entre autres voulu éliminer certaines tâches moins productives avec l’adoption de cette formule, croit notamment qu’elle permet aux membres de l’équipe de revenir plus motivés lorsque la semaine débute. «Les bénéfices sont énormes pour les employé·es. Il·elles ont plus de temps disponible, certain·es ont pris des cours les vendredi, des classes de sport. Le 4 jours/semaine a aussi permis aux jeunes parents de profiter d’une journée pour eux, sans enfant.»

akufenAkufen

Une adaptation pour les gestionnaires
Bien qu’elle paraisse en tout point fabuleuse sur papier, la formule du 4 jours de travail nécessite tout de même quelques ajustements. «Le sondage que nous menons actuellement nous permet de prendre le pouls et de planifier l’année à venir en conséquence et en connaissance de cause. C’est un work in progress qui amène une gymnastique supplémentaire, mais dont nous bénéficions également», croit Anne-Marie Archambault, qui précise que la semaine de 4 jours est certes un casse-tête d’horaire, mais qui en vaut la peine.

Les échéanciers serrés, une réalité très courante en agence, doivent aussi être gérés selon un plan adapté pour répondre aux besoins rapides des clients et aux potentielles urgences. «Par moment, c'est difficile de répartir toutes les tâches en 4 jours, admet Dominic Tremblay. Il existe une pression additionnelle de tout faire en 30 heures. Ceci dit, les avantages sont là.»

La semaine écourtée est aussi souvent perçue comme une occasion en or d’attirer les meilleures recrues, surtout face à la pénurie de main-d'œuvre actuelle. Mais les gestionnaires et membres des départements RH doivent cependant faire attention aux «opportunistes» qui posent leur candidature uniquement pour pouvoir profiter d’un long week-end, croit la spécialiste en stratégie.

«Nous sommes assez à l’affût des personnes qui pourraient être intéressées à venir travailler au studio simplement pour pouvoir en bénéficier… et ça s’est déjà vu ! Mais pour les talents qui penchent pour une agence ou pour une autre, cette implication que nous avons envers un mode de vie plus équilibré peut faire la différence.»

Donc finalement, doit-on faire le saut ?
En fait, ça dépend de la réalité de chaque entreprise, croit Anne-Marie Archambault, qui rappelle avec réalisme qu’il s’agit tout de même d’un engagement majeur de la part d’un employeur. «Mais pour nous, ça faisait du sens alors que plusieurs membres de l’équipe sont parents et que la jeune génération considère très important d’avoir un meilleur équilibre de vie. Des weekends de trois jours pour toujours, on va se le dire, c’est formidable.»

Du côté de TUX, la réponse est simple, mais veut tout dire: «C'est l'avenir, alors je crois que oui, une majorité d'entreprises devraient emboîter le pas.»

On comprend donc que la formule marche et que les résultats sont au rendez-vous. Les résultats de l’étude déployée par le Royaume-Uni semblent aller dans le même sens, alors que 71 % des employé·es sondé·es ont affirmé se sentir moins épuisé·es, et que près de la moitié d’entre eux et elles trouvent aujourd’hui leur emploi plus satisfaisant. Signe que travailler moins signifie peut-être travailler mieux ?