Que ce soit dans la cuisine, le salon ou la chambre à coucher, les Québécois ont appris à s’adapter aux réalités du travail en temps de pandémie. Depuis un an et demi, les nouvelles façons de travailler prennent une place de plus en plus importante dans le quotidien des salariés. Le greendesking et le coworking (cotravail ou travail partagé) ne sont que quelques-uns des phénomènes émergents. Que sont-ils et comment se sont-ils développés dans la province, en partie grâce à l’entreprise Aire commune ?
Alors que beaucoup vantent les avantages du télétravail, petit à petit les inconvénients font surface. Manque de sociabilité, environnement de travail inadéquat et perte de créativité sont certains des problèmes engendrés par le travail à distance. Quelles alternatives existent-ils ?
Coworking et greendesking
Pour bien parler de greendesking, il faut d’abord expliquer le coworking. Les espaces de travail partagé peuvent se définir largement comme des lieux de travail pour les salariés qui ne sont pas les bureaux d’une entreprise, la maison, etc. Ce sont principalement des locaux intérieurs mettant de l'avant la collaboration entre travailleurs d'un même milieu ou non. Ces endroits intermédiaires peuvent servir à recevoir des formations, développer un projet et s’intégrer dans le marché de l’emploi.
Le greendesking de son côté partage plusieurs similitudes avec le principe de cotravail et de télétravail. «Ça se rapproche du télétravail dans un autre lieu, mais aussi du cotravail. On met l’accent sur les espaces verts et le travail à l’extérieur, mais aussi sur la collaboration», explique la professeure et spécialiste du cotravail à l’Université TÉLUQ, Diane-Gabrielle Tremblay. Les études tendent à démontrer plusieurs avantages de cette pratique. Que ce soit l’augmentation de la mémoire, de la créativité ou la diminution du stress, les bienfaits du greendesking sont multiples.
Démocratiser le greendesking
Lancée en 2017, Aire commune est une entreprise ayant créé le premier espace de travail partagé et d’événements plein air au pays. «Le postulat de départ était de bâtir un espace multi-usage de travail à l’extérieur (électricité, zone d’ombre, wi-fi) pour des 5 à 7 de réseautage, des conférences, des formations», raconte le cofondateur d’Aire commune, Philippe Pelletier.
Dans la dernière année, l'entreprise a mis en place le projet Îlots d’été, un réseau d’espaces de travail extérieurs accessible gratuitement et sans réservation durant la période estivale. Maintenant bien établi, ce réseau comprend vingt-trois cabines un peu partout à Montréal. «On a cherché un moyen de développer un projet d’affaires adapté à la pandémie, mais aussi à l’après-pandémie. On a voulu construire un modèle qui n’était pas tributaire de la vente d’alcool ou de grands rassemblements», explique M. Pelletier.
En collaboration avec Fizz et Desjardins, Aire commune tente avec son projet de positionner Montréal comme un meneur du greendesking. «Nous avons dû tout annuler à la dernière minute l’an dernier. Depuis, on se concentre surtout sur l’aménagement urbain. Cette année a marqué une petite révolution. Le fait d’avoir une vingtaine d’îlots sur le territoire de la métropole avec du wi-fi et des prises électriques disponibles pour tous. Nous voulons que Montréal devienne la capitale mondiale du greendesking, une ville innovante», exprime le cofondateur.
La création et le déploiement de ces îlots sur le territoire de la Ville de Montréal sont rendus possibles grâce au financement des sociétés de développement commerciales et des arrondissements. En effet, le but d’Aire commune n’est pas de privatiser l’espace public ou de faire payer des minutes d’internet au public. «L’idée est de rendre le projet le plus accessible possible. Les emplacements sont sélectionnés pour être près des artères commerciales, des stations de métro et de bixi. Chaque îlot se transforme en petit pôle d’attraction. Les gens se déplacent vers l’îlot et par le fait même, ils vont consommer dans les cafés et les restaurants aux alentours. Ça profite à tous.»
Le télétravail différemment
Comment les habitudes de télétravail des Québécois vont-elles changer après la pandémie ? Diane-Gabrielle Tremblay croit qu’un modèle hybride va s’imposer dans les années à venir, alors que les employés ont démontré qu’ils étaient capables d’être productifs même à distance. «Dans mes recherches effectuées avant même la pandémie, on constatait qu’il était très rare et parfois inexistant les cas où la productivité baissait (en télétravail), on observait parfois une augmentation […] Un modèle entre travail au bureau, télétravail et coworking fonctionne», décrit-elle.
Malgré tout, la maison est loin d'être un environnement adapté pour tous les salariés. D’autres alternatives, comme «le coworking et le greendesking permettent d’offrir aux employés des espaces de travail professionnels plus près de leur domicile.» Elle remarque aussi que beaucoup de travailleurs s’approprient les espaces de travail partagé, pouvant devenir leur lieu de travail principal. À contrario, le greendesking semble être une mode plus aléatoire, les utilisateurs allant dans plusieurs espaces différents pour une période plus courte.
Philippe Pelletier explique que le simple fait de sortir de chez soi pour travailler dans un environnement extérieur quelques heures par semaine est grandement bénéfique. Selon lui, le télétravail est venu mettre en lumière un besoin de créer des tiers lieux en plein air. Les espaces de travail partagé et de greendesking deviennent des endroits de sociabilité, d’innovation et de création. «Les gens ont besoin de socialiser. Tout le monde est tanné de la visioconférence […] Au niveau du travail, mais aussi événementiel, il y a un engouement énorme. Les îlots d’été répondent au besoin de se retrouver.»
Il reste toutefois du chemin à faire alors que certains employeurs ne sont pas convaincus de l’efficacité du travail à distance. «Il y a un écart entre ce que souhaitent les gestionnaires et les employés. Ces derniers aspiraient même avant la pandémie faire du télétravail.» Pourtant, «la preuve a été faite» de l'efficacité du télétravail, affirme Mme Tremblay. Même si les phénomènes de cotravail et de greendesking sont plus récents au Québec, la professeure croit qu’ils sont là pour rester.