L’adoption (voire l’explosion) du eCommerce, des événements virtuels et de la consommation de produits (presque 100 %) en ligne ont aussi forcé les RP à revoir leurs stratégies de campagnes. Discussion sur le sujet (et réflexion sur la prédominance des réseaux sociaux en temps de COVID) en compagnie de Bhava Thamo, Claudia Martin et Ashley Sivil.

Les événements suivants sont relatés de façon (à peine) romancée. Le matin du vendredi 13 mars 2020, Claudia Martin termine son café (après une courte nuit de sommeil) en passant à la déchiqueteuse les planifications stratégiques élaborées au cours des derniers mois. Non, l’année 2020 dans le monde du relationnel public ne se déroulerait manifestement pas selon les prévisions préalablement établies. Et l’art de se virer sur un dix cennes devenait soudainement une compétence de choix. « C’est tout le milieu des relations publiques au grand complet qui se retrouve à ce moment chamboulé, et ce, en l’espace de quelques jours, rappelle Claudia Martin, vice-présidente et associée de l’Agence FDM. On savait qu’on traversait quelque chose de spécial — et que seuls les plus débrouillards tireraient leur épingle du jeu. Oui, nous avions déjà mis en place un plan de secours : mais il fallait néanmoins se réorganiser, penser nos campagnes autrement. Penser les relations publiques autrement. Et, surtout, continuer de faire générer des revenus aux clients. L’état d’urgence aura resserré nos liens. Jamais nous n’aurions pu prévoir la somme d’opportunités que la situation engendrerait. Et, surtout, à quel point cette nouvelle distanciation physique réussirait à nourrir et souder tout le relationnel que nous entretenons avec nos équipes et partenaires d’affaires. »

Claudia Martin
Claudia Martin

Effet de rattrapage
Son de cloche similaire du côté de chez bicom, où Bhava Thamo et Ashley Sivil parlent elles aussi du premier confinement comme d’un levier. « Devant l’inconnu, on n’a pas d’autre choix que de foncer tête baissée, affirme Bhava Thamo, vice-présidente, Stratégie et opérations. À partir du moment où tu acceptes que les relations publiques devront désormais se faire quasi uniquement par l’entremise des réseaux sociaux et de façon virtuelle, tu peux mieux contempler ton carré de sable et voir les opportunités qui s’offrent à toi. Oui, une adaptation a eu cours, mais très rapidement nous avons compris que le marketing d’influence sur les réseaux sociaux prendrait une grande ampleur au cours des mois à venir. » Une tendance qui était pourtant déjà amorcée. « Absolument, mais pas pour tout le monde, poursuit Ashley Sivil, directrice Stratégie intégrée chez bicom. La transformation était en marche pour nombre de multinationales, mais force est d’admettre que le Québec connaissait un certain retard. En mars 2020, certains clients n’avaient pas encore de site web transactionnel ! Ce serait une aberration aujourd’hui. On peut affirmer que la pandémie, en quelque sorte, en aura forcé plus d’un à rattraper un retard qui leur aurait nui tôt ou tard. »

Bhava Thamo
Bhava Thamo

Ashley Sivil
Ashley Sivil

Des œufs dans le panier des RS
À l’Agence FDM, certains clients ont rapidement pu commencer à retrouver espoir. « Les plateformes numériques et les réseaux sociaux sont devenus nos meilleurs alliés, poursuit Claudia Martin. Les seuls, même. On a décidé de mettre tous nos œufs dans le même panier en proposant des contenus liés à l’actualité sur les RS. Il fallait impérativement relier l’expérience ou le produit dont nous faisions la promotion à ce qui se passait dans le quotidien des gens. Ç’aura demandé une flexibilité de tous les instants, des communications constantes entre les clients, les marques et les communautés. 24 heures sur 24, dirais-je presque. Si la flexibilité était jadis un luxe, c’est aujourd’hui devenu un atout essentiel en RP. » Et les résultats se sont rapidement manifestés. « Lorsque les revenus de certaines des marques ont recommencé à rentrer à partir de la mi-avril, on a compris que notre plan fonctionnait, ajoute Claudia Martin. Naguère, on associait les relations publiques à des termes tels que la notoriété, la crédibilité ; on parlait beaucoup d’exposition ou encore du nombre d’impression que telle ou telle marque avait pu engendrer. C’est encore le cas aujourd’hui, bien sûr, mais on associe désormais aussi les RP au revenu engendré par une campagne. Les relations publiques sont mesurables, voire quantifiables, et plus que jamais depuis le début de la pandémie. »

Le relationnel
Et quelle serait aujourd’hui la différence entre le contenu de marque et les RP ? « À cela je répondrais… le relationnel, répond Claudia Martin du tac au tac. Une relation, c’est une discussion, un échange. C’est mille et un petits back and forth entre la marque et le consommateur. C’est ce qui nous distingue du contenu de marque à proprement parler. » Un point de vue qui résonne aussi chez les gens de bicom. « C’est fou à quel point nous n’avons jamais été autant en relation qu’en ce moment, ajoute Ashley Sivil. Les points de contact entre les marques et les communautés se sont multipliés au cours des mois derniers. Les call to action sur le numérique n’ont jamais été aussi nombreux et efficaces. On crée aujourd’hui du contenu pour téléphone en sachant pertinemment que des gens font des achats sur celui-ci en écoutant simultanément Netflix d’un œil distrait. Nous nous sommes adaptés à une mentalité de consommation qui s’est transformée du tout au tout en l’espace de quelques semaines seulement. »

Le legs
À l’aube d’une immunité collective et d’une reprise (éventuelle) de l’économie telle que nous la connaissions, que restera-t-il des nouvelles façons de faire adoptées par les RS ? « Je serais surprise de voir l’événementiel de masse reprendre aussi fortement qu’à l’époque d’un seul coup, affirme Bhava Thamo. C’est pourquoi nous aurons tendance à préconiser des modèles de RP hybrides dans lesquels le virtuel et l’événementiel se côtoient harmonieusement. Autrement, la dernière année nous aura démontré que la distanciation physique n’était plus une barrière à l’élaboration de projets audacieux. Des Québécois pourront désormais ouvrir des franchises de leur entreprise à Tokyo, par exemple, sans avoir à se déplacer. Ça continuera de créer moult opportunités. Tous vous le diront : le rythme de travail en RP s’est fait de façon effréné depuis un an. Le fait de ne plus avoir à se déplacer nous a permis de mettre les bouchées doubles sur une foule de projets. » La vraie question, cette fois : n’êtes-vous pas essoufflées ? « Oh, essoufflées ? Non… répond Claudia Martin après une seconde de réflexion. Dans les faits, je mentirais si je disais que les derniers mois n’ont pas été éprouvants. Mais jamais n’ont-ils été aussi stimulants. L’esprit au sein de l’agence, malgré la distance, n’a jamais été aussi fort. Une vraie ruche. En RP, lorsque la tension est élevée, on se plaît à dire qu’on ne sauve pas des vies ; mais au cours des derniers mois, on a sauvé des jobs. Alors, si on est essoufflées ? Peut-être un peu. Mais on a trouvé notre erre d’aller. Et nous en sommes fières. »