Internalisation et numérique. Un duo de plus en plus populaire chez les annonceurs. Les agences doivent-elles s’en inquiéter ? Les annonceurs doivent-ils se ruer sur ce nouvel Eldorado ? On en jase avec Jean-François Renaud de la firme-conseil Adviso.

Le phénomène de l’internalisation n’est pas nouveau. Les Labatt et Ford de ce monde ont tenté tant bien que mal l’expérience en créant leur propre agence de création ou de média interne. Parfois pour le mieux. Parfois non.

Mais avec l’importance croissante de la technologie dans le marketing mix, la ligne devient de plus en plus floue entre les rôles respectifs de l’agence et celui de l’annonceur. Finies les chasses gardées.

Selon Jean-François Renaud, associé et cofondateur d’Adviso, aux États-Unis, 78 % des entreprises auraient intégré à l’interne des tâches « historiquement » sous l’égide des agences. Au Canada, le chiffre tournerait autour des 40 %.

Car l’histoire va à vitesse grand V à l’ère des nouvelles technologies. Pensons seulement à la gestion de communauté (une des principales occupations ayant migré du côté client).

L’avènement des médias sociaux avait permis aux agences de se doter de cette nouvelle source de revenus. Mais éventuellement, des annonceurs ont constaté que « passer par une agence pour faire un post Facebook, c’était plus long, plus cher et pas forcément mieux fait » remarque Jean-François.

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Jean-François Renaud

L’internalisation, une raison de coût ?

Oui, mais pas que. Jean-François énumère d’autres facteurs qui peuvent nourrir la décision d’internaliser certaines fonctions :

  • Le facteur « Ginette ». Une employée à l’interne qui s’y connait dans une tâche généralement réservée aux agences ? Internalisons ! Mais cette stratégie spontanée n’est pas sans risque. « La journée où l’employée quitte l’entreprise, elle part avec l’intelligence », souligne Jean-François.
  • L’agenda personnel. « Il s’agit ici du cas typique du gars qui a le goût de se bâtir une équipe interne, explique JF. Malheureusement, cette décision est souvent nourrie par un agenda personnel plutôt que par l’intérêt de l’entreprise. »
  • L’insatisfaction. L’agence tarde à intégrer de nouvelles disciplines ? Ou pire, elle les maîtrise mal. « Quand ton agence te charge trop cher pour faire quelque chose que tu peux faire mieux, par toi-même, la solution est simple. »
  • La volonté de créer un actif stratégique. Jean-François raconte l’histoire d’un concessionnaire automobile qui s’est développé une expertise pointue en génération de leads en ligne à l’interne. Au point où il aide maintenant d’autres concessionnaires. 
     

Pas forcément une économie, alors ?

Intégrer à l’interne des fonctions en marge de la vocation première de l’entreprise ne se fait pas sur un coup de tête, précise Jean-François. « Les exemples réussis d’internalisation que je connais ont pris deux-trois ans, pas trois mois. »

« Le réflexe des annonceurs est généralement de récupérer l’exécution à l’interne. Ainsi, si dans un budget média de 10k$, 6k$ sont alloués au déploiement des campagnes, 2k$ au traitement des données et 2k$ à la stratégie, le client va vouloir récupérer à l’interne le 6k$. »

Mais c’est sans tenir compte des coûts sous-estimés reliés à l’internalisation. « Un client se dira qu’il gagnera au change à internaliser un poste qui lui coûte 150k$ par année en coût agence pour un salaire de 65k$. Or, il y a des coûts à engager, gérer, équiper, former une nouvelle ressource. » Et à l’occuper.

Sans oublier que ces nouvelles ressources seront souvent gérées par des gens n’ayant pas forcément l’expertise nécessaire pour traduire en actions concrètes et efficaces la stratégie développée pour l’agence.

Autre élément régulièrement cité comme vecteur d’internalisation est la démocratisation de la nouvelle technologie. Google et Facebook ayant créé des outils faciles à utiliser, pourquoi faire affaire avec une agence ?

« Encore là, il faut faire attention. Comment penses-tu pouvoir automatiser des choses que tu ne comprends pas ? La ressource, qu’elle soit humaine ou artificiellement intelligente, a besoin d’être nourrie pour être performante. »
 

Une autre cause à l’internalisation ?

« L’immobilisme ! », répond d’emblée Jean-François. « J’entends des publicitaires se plaindre. Souhaiter que tout revienne comme avant. Mais ça n’arrivera pas. » Comme on dit, maintenant la seule constante est que tout est variable.

« On n’a jamais autant communiqué. On n’a jamais eu autant de segmentation, de personnalisation. Et on n’a jamais eu autant de besoins pour supporter ces actions. Car si le budget des agences diminue, c’est qu’il va ailleurs. »

« Un des plus gros annonceurs du Québec m’a avoué avoir coupé de moitié son budget marketing au cours des cinq dernières années, alors que durant la même période, son budget TI/données a triplé. »

« Si ça va mal avec ta blonde, et que tu ne t’autodisruptes pas, un moment donné, c’est elle qui va te disrupter ! » Même chose en affaires.

C’est pourquoi Adviso s’est récemment auto-disruptée en lançant son nouveau service de IA marketing.

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