Dans ce climat économique cahoteux où tous les secteurs d’activité se heurtent à de continuelles disruptions, les cabinets de planification stratégique et de gestion du changement font des affaires d’or. Mais qu’arrive-t-il lorsque c’est le cabinet-conseil lui-même qui doit faire face au changement ?

Le Groupe SAGE est un cabinet de consultation stratégique qui existe depuis bientôt 30 ans. Au début, l’entreprise agissait surtout du côté de la formation, mais de fil en aiguille, elle ajouta à son offre de services accompagnement des dirigeants, développement organisationnel, expérience client, recherche économique et gestion du changement.

Pendant ce temps, en 2008, un jeune diplômé des HEC en affaires internationales décide d’aller faire son doctorat en économie de la création et de l’innovation à Strasbourg. Comme si ces études n’étaient pas assez, Francis Gosselin se fait approcher par les HEC pour participer à l’élaboration d’une école d’été en gestion de la création et de l’innovation. Son rôle ? Accompagner des dirigeants d’entreprises dans l’apprentissage et l’appréciation des médias sociaux.

L’activité est populaire. Au point où on demandera à Francis de démarrer une école d’automne à Strasbourg sur le même thème, puis son réseau professionnel grandissant, un professeur de Grenoble l’invite à co-concevoir et animer un programme similaire, cette fois-ci à Bangkok.

Doctorat sous le bras, Francis revient à Montréal et avec son partenaire de l’époque, Louis-Félix Binette, il fonde f. & co. Trois ans plus tard, leurs chemins se séparent. Francis fonde sa propre boite de planification stratégique, FG8. Un de ses principaux clients ? SAGE.

Après quelques années de collaboration, les deux entreprises décident de fusionner. En 2018, Francis se joint à Claude Desjardins et Daniel Lacombe pour devenir le troisième associé du cabinet de planification stratégique et de gestion du changement.

Le destin — et le changement — frappe à la porte

L’an dernier, Claude Desjardins apprend à ses partenaires qu’il a un cancer. Le 30 juin dernier, Claude décède de la maladie. Face à ce terrible et triste changement, l’entreprise allait devoir mettre en pratique ce qu’elle prêchait.

« Ce fut une période très difficile, me partage Francis. Pas comme s’il avait été frappé par un autobus. Pendant des mois, on se côtoyait et on planifiait ensemble notre suite des choses. Nous sommes passés par toutes les émotions. »

Professionnel accompli et humain extraordinaire, Claude s’était créé un important réseau dans toutes les sphères d’activité ici et à l’étranger. Ses collègues et ses clients l’adoraient. Comment le cabinet allait-il s’ajuster ?

« Le changement est un défi que plusieurs de nos clients doivent affronter. Cette fois, c’était à nous de passer au travers, me dit Francis. » Imageant leur situation, Daniel Lacombe identifie une issue : SAGE serait un cordonnier bien chaussé. L’entreprise allait mettre en pratique à l’interne ce qu’elle-même prêchait à leurs propres clients.

Que doit faire une entreprise lorsqu’elle vit de tels changements ?

« Première étape, revenir sur les compétences à l’interne, m’explique Francis. Évaluer ce que le personnel en place sait faire, aime faire, a envie de faire. Nous sommes 11, pas 500. Raison de plus de bâtir sur nos compétences. »

Deuxième étape ? « Regarder autour. Étudier son milieu. Prendre le pouls du marché. J’ai passé une bonne partie de l’été à luncher avec des concurrents, histoire de voir comment va notre secteur. Des concurrents aujourd’hui, oui, mais qui pourraient très bien devenir des collaborateurs demain, ajoute-t-il. »

Voire plus ? « Croissance organique, croissance par acquisition, on n’élimine aucune stratégie à ce moment. Ce qu’il faut comprendre c’est que le secteur est particulier au Québec. Tout en haut, on a les Deloitte, KPMG. En bas, les petits cabinets-conseils comme nous. »

Au milieu, il y a eu pendant plusieurs années SECOR, une firme de 125 professionnels basée à Montréal et active en France et aux USA. Mais en 2012, les actionnaires décident de vendre à KPMG. « Ce vide a crée un effet de vortex qui attirent toutes les boites. C’est la course vers le milieu », m’image Francis.

Grossir à tout prix alors ? « Pas du tout, me répond spontanément l’ami Francis. Nous ne sommes pas une start up. On ne vise pas à vendre l’an prochain. Playing the long game comme j’aime à dire. Et faire les choses différemment. À notre façon. »

C’est-à-dire ? 

« Parmi nos valeurs trône la générosité. Je donne des conférences, j’élève des chiots MIRA. La plupart de nos employés sont sur des CA. Nous publions des livres blancs. On n’est pas fleur bleue, mais on aime croire que nos activités sont transformatives. On est fier d’être établi ici à Montréal et de contribuer au développement de l’économie québécoise et à son rayonnement à l’étranger. »

De belles et sages paroles que Claude Desjardins doit apprécier de là-haut, avec son beau sourire.

GROUPE SAGE